un film très en deçà de sa réputation culte
Le visionnage de Zipang montre que Hayashi Kaizo n'a pas à ce stade l'envergure pour offrir une vraie résurrection du chambara. Dans chacune des trois parties du film, le cinéaste propose une vision différente du genre: parodique dans la première partie en forme de climax délirant, poétique dans une seconde plus contemplative et féérique et enfin plus proche d'un mauvais jeu vidéo que d'un Blade 2 dans sa dernière partie. Mises bout à bout, ces parties ne donnent pas de projet de cinéma digne de ce nom, de vraie vision du genre. En terme de divertissement, la première partie souffre de choix de mise en scène clippeux. On y voit entre autres notre héros lutter contre Zatoichi, Mifune Toshiro et Cyrano. Sauf qu'après ce climax d'ouverture, si les idées délirantes sont toujours présentes (l'éléphant, les jumelles-appareil à photo, le shuriken qui voyage à la vitesse d'une soucoupe volante), le rythme s'essouffle un peu et fait se rendre compte que les acteurs, s'ils jouent mieux que ceux de Versus, semblent là en touristes. La scène de la grotte évoque les Indiana Jones mais on est loin du talent d'un Spielberg pour offrir un divertissement sans temps mort. La seconde partie estun peu plus plus réussie du lot: l'absence d'effets clippeux redresse provisoirement un peu la barre du film. Sauf qu'en montrant ensuite les personnages se battre contre des sortes de robots géants le film bascule ensuite dans un shoot them up auquel il manque un vrai souffle de mise en scène qui le transformerait en actioner décervelé et trippant (on retrouve en outre des effets clippeux absents de la seconde partie). Sans compter que le final offre une parodie spielbergienne ratée. Le film demeure très loin du travail de réappropriation qu'ont pu faire un Spielberg pour les sérials avec la saga Indy ou un Tarantino pour le film noir.
Un festival des fantasmes cinématographiques japonais
Vous avez sûrement entendu parler de Zipang, si vous vous intéressez un brin au cinéma de genre, voire bis du Japon. Précédé d'une réputation hautement flatteuse, il fait partie de ces films qui alignent les superlatifs les plus généreux de magazines en sites web divers, que peu de gens ont vu, mais que de nombreux curieux rêvent de voir.
Ainsi sa réputation se construit petit à petit, grâce aux veinards qui ont pu le voir dans un quelconque festival (plus ou moins officiel) et également grâce à ceux qui auraient lu une "critique" dans un magazine (le Cinéphage spécial Asie par exemple ?) et le portent aux nues sans même l'avoir vu. Evidemment ce "système de promotion" est bien connu de tous, il n'est pas nouveau. Il est surtout connu pour être généralement générateur de déceptions (voir Time and tide).
Ainsi ce film vaut-il la liste impressionnante de qualificatifs qu'il traîne depuis de nombreuses années d'un continent à l'autre ? C'est toujours la grande question. En fait, c'est bien le grand melting-pot coloré et vivace que l'on attendait. Vous y trouverez des samourais qui frottent leurs sabres avec des ninjas high-tech et des kaijus rigolos. Des éléments de SF bis (ah ces jumelles que les Delta Force envieraient !) viennent se mélanger à des décors issus du merveilleux populaire japonais. Les revolvers, les katanas et les lance-roquettes ("si, si" comme dirait Karlheinz Böhm) fleurissent joyeusement au milieu de protagonistes hauts en couleurs.
Le récit, lui, est plutôt simple et cet état de chose fait terriblement plaisir à l'heure où les histoires sont de plus en plus inutilement alambiquées, aussi bien du côté asiatique que américain. Après tout, Rumiko Takahashi a bien dit qu'une histoire n'est généralement pas bonne si elle n'est pas simple à résumer. Ici pas de problème. Cette chasse au trésor est prétexte à de nombreux rebondissements truculents et rarement merveilleux et fantastique n'ont été portés de manière si juste dans une production de ce genre. Ainsi, Zipang s'éloignerait d'un Keita Amemiya, plus porté vers le bis pur et dur que Hayashi s'amuse également à parodier : quand Jigoku est poursuivi par les meilleurs bretteurs car sa tête est mise à prix, il se retrouve en face de Zatoichi (qu'il élimine en un rien de temps) et d'un Dipardiou-Cyrano (qui meurt encore plus rapidement !) avant de faire un remake éclatant du climax de la Rage du tigre !
Ainsi si certains points peuvent paraître bien cheap, tout cela est hautement réjouissant. Peu de films finalement peuvent se targuer d'appartenir à la catégorie "spectacle total". Ici, même si on est loin d'être en face du meilleur chambara de tous les temps -c'est loin d'être le but et c'est évident, grâce à l'éléphant-, ce conte fantastico-merveilleux est très original et se visionne sans déplaisir aucun. Et, autre bon point non négligeable, le bodycount est impressionnant ! Auteur à découvrir et suivre, Hayashi vaut mieux que sa réputation de "Tarantino nippon" (voir ses néo-polars nostalgiques) et on espère toujours qu'il nous sert autre chose après son Power Rangers, qui lui, traîne une sale réputation sans même avoir été visionné. Décidément.
03 janvier 2002
par
Chris