El Topo | 3.5 | Le "tueur de la jeunesse"... |
Ordell Robbie | 3 | Vrai tempérament de cinéaste mais l'hystérie forcée plombe le film. |
Réalisé en 1976 par Hasegawa Kazuhiko, alors jeune assistant réalisateur sans réelle expérience à la Toho-Towa, The Youth Killer préfigure à un futur chez d’œuvre du film indépendant 70s, The Man Who Stole The Sun du même Hasegawa (sorti lui en 1979).
En effet, ce premier film évoque en des termes différents de nombreux éléments de la thématique centrale du second film de son réalisateur. Même si le Jun de The Youth Killer est plus jeune que le Makoto de The Man Who Stole The Sun, il appartient plus ou moins à cette génération passée à côté des soulèvements estudiantins de la fin des années 1960, mais qui n’en vit pas moins une grave crise identitaire notamment vis-à-vis de sa place dans la société encore neuve du Japon des seventies.
Cela est d’autant plus vrai pour Jun que ses parents ont surprotégé après n’avoir que trop connu la situation désastreuse de l’après guerre nippon. Et c’est en cela que The Youth Killer diffère principalement de The Man Who Stole The Sun car là où dans ce dernier film le personnage en crise peine à se situer vis-à-vis d’une société, d’un Japon qu’il ne comprend pas, c’est avant tout au sein de la cellule familiale ô combien trop fermée sur elle même que la psyché de Jun commence à se fragmenter avant qu’il ne cède à une pulsion et tue son père qui veut l’empêcher de vivre son amour pour Keiko, une jeune fille dont la filiation est trop sulfureuse aux yeux des parents de Jun.
Pourtant (et on le comprendra par la suite), Jun aime ses parents dont le seul tort est de l’avoir trop couvé (au point que découvrant le cadavre de son mari, la mère pense tout de suite aux conséquences pour son fils plutôt qu’à la disparition de son époux) et le malaise est perceptible puisque on finit par comprendre que Jun a fait plus que « tuer le père » pour donner dans la psychanalyse de supermarché, son acte n’est rien d’autre que la matérialisation à l’écran du choc entre deux générations diamétralement opposées : celle des parents qui a porté le « miracle économique nippon » sur ses épaules, quitte à sacrifier sa jeunesse et celle de Jun qui a tout ou presque mais ne saisit pas le pourquoi de ce qu’il vit.
Spectateur de sa propre existence toute tracée par ses géniteurs, il ne parvient à agir qu’avec une extrême maladresse dont les conséquences sont le plus souvent catastrophiques pour son entourage mais aussi pour lui-même qui ne parvient qu’à démolir ses relations avec ceux qu’il aime. Et même quand il décide d’en finir d’une manière ou d’une autre, il y a toujours l’un ou l’autre obstacle insurmontable à sa libération. Car en réalité ce à quoi il aspire c’est cela, une liberté qui demeure intangible malgré tous ses efforts. Pris dans un carcan par sa famille, sa relation avec Keiko ou son malaise plus ou moins générationnel, Jun ne peut répondre que par sa détresse qui parcourt tout le film comme un électrochoc.
Et si le final de ce film est moins noir que celui du long-métrage suivant de Hasegawa, s’il ne dégage pas la même inaltérable puissance sur la durée, le nihilisme de The Man Who Stole The Sun le dispute à l’énergie désespérée de The Youth Killer qui, porté par une réalisation très solide, inaugurait en grandes pompes la carrière derrière la caméra de son auteur avec cette première œuvre d’autant plus touchante qu’elle est inspirée d’un véritable fait-divers. De quoi accentuer nos regrets à l’idée que la filmographie de Hasegawa Kazuhiko ne compte, outre ce très bon film trop méconnu, que le chef d’œuvre culte qu’il devait réaliser trois ans plus tard. Dommage…