L'importance de la femme.
Naruse Mikio perpétue son analyse d'un couple à la dérive cette fois-ci pour des raisons économiques à contrario de Pluie soudaine qui lui, décryptait avec brio et élégance les problèmes sentimentaux de deux époux. Tomita est gérante d'un magasin vendant un peu de tout, qui voit son succès décroître au fil du temps suite à un manque d'ambitions et de renouvellement. Elle n'est pas la seule à se laisser aller puisque même son fils enchaîne les déroutes et les nombreuses banqueroutes, tout juste aidé par sa femme qui projette d'ouvrir un café près de Tokyo. Malheureusement tout ne va pas se passer comme prévu puisque la famille de son mari épuise les économies du couple pour financer le mariage de sa belle soeur. 200 000 yens par ci, 300 000 yens par là, les rêves de Kiyoko s'éloignent de plus belle.
Moins percutant que d'habitude, ce coeur d'épouse constitue un divertissement honorable, posant les questions de l'importance de la femme au sein d'une famille désordonnée. Des questions aux réponses évidentes puisque oui, les femmes de Naruse sont les éléments majeurs de la société. Des personnes qui réussissent à manier les hommes, à les diriger tels des pantins incapables de prendre des décisions seuls, plus habitués à boire le saké entre collègues que de chérir leurs épouses. Il y a des scènes formidables avec des actrices non moins formidables comme Takamine Hideko (que l'on a pu voir dans quelques Naruse majeurs avec Nuages Flottants ou alors dans le troisième opus de La condition de l'homme de Kobayashi.) admirable en femme un peu perdue, il y a aussi Negishi Akemi que l'on retrouvera dans quelques Kurosawa majeurs, ou encore l'extraordinaire Chiaki Minoru dans la peau d'un fils un peu benêt. Etonnante apparition de Mifune Toshirô qui illumine le moindre de ses gestes par sa grâce et son aura mystique, éclipsant pratiquement l'ensemble du cast (ce n'est pas rien compte tenu du casting). Heureusement que ce dernier n'apparaît que dans quelques séquences seulement (les femmes étant bien plus mises en avant), dont une remarquable lorsqu'il se retrouve en tête à tête avec Kiyoko pour une déclaration qu'il n'arrivera pas à faire. Comme quoi son personnage de grand charmeur et gentleman cache au fond une grande sensibilité et un homme faible. A cause de cet échec sentimental, Mifune n'apparaîtra plus dans le film, métaphore du fantôme triste s'effaçant après un échec.
Naruse Mikio n'arrive néanmoins pas à nous captiver pleinement faute d'un contexte vu et revu dans sa filmographie. Le métrage parvient même à tourner en rond de temps en temps avec des plans chopés à l'identique d'une scène à l'autre. Ce n'est pas la faute à la réalisation qui demeure magnifique dans tous les cas, simplement il manque peut-être un peu d'ambition de la part du cinéaste malgré une grande beauté plastique : on y trouve des gros plans extraordinaires sur les visages des protagonistes, il y a aussi cette sensation de renfermement puisqu'on n'y voit jamais le ciel, les plans d'extérieurs étant principalement positionnés sous des pré hauts ou des stores de petits magasins. Dommage de ne pas en savoir plus sur le devenir de la famille, tout comme sur la disparition pure et simple de certains personnages (celui incarné par Mifune, en tête).
Esthétique : 4/5 - Le cinéaste ne change pas de style, tout juste on aperçoit quelques gros plans déstabilisants.
Musique : 3/5 - Une musique qui intervient au début et à la fin du métrage. Assez sobre.
Interprétation : 4.25/5 - Au vu de l'excellent casting, il n'y a pas grand chose à dire de plus. Mifune est un cran au dessus...
Scénario : 2.5/5 - Le thème traité est intéressant, hélas sous développé. Se finit très vite.