Ounie Lecomte nous raconte ici son passage dans un orphelinat avant d'être adoptée par une famille française. Sans se lancer dans le larmoyant facile ou la critique sociale, elle évoque avec chaleur et tendresse ces petits moments entre l'abandon par son père et la rencontre avec sa nouvelle famille. On lui sent bien l'envie d'en parler, quelque chose qu'elle n'arrive peut-être pas à exprimer autrement que par des images, et la petite actrice Kim Sae-ron, avec sa petite bouille gentille et son attitude toujours juste, arrive à transmettre les émotions de son personnages avec de simples expressions, sans en faire des tonnes. D'un bout à l'autre, ce film reste très simple, d'ailleurs plutôt court ; on y reprochera peut-être de flouter le passage du temps (on a l'impression qu'elle arrive et part un peu trop vite, et qu'elle accepte donc sa condition un peu brutalement), mais globalement, Une Vie toute neuve reste sincère et agréable à regarder. De plus, l'image du père est particulièrement bien rendue ; outre le fait que celui-ci est joué par le formidable Seol Gyung-gu, il reste toujours, dans les quelques minutes où il apparaît, très effacé, voire carrément hors champs (avec seulement son torse derrière le visage de la fille, ou le dos partiellement apparent dans un miroir), comme un vague souvenir du passé, un peu flou, sauf dans une scène, où l'on voit clairement son visage, au moment où il la regarde pour la dernière fois ; scène très poignante, notamment à cause du déchirement qui se lit dans les yeux du père qui pourtant essaye d'avoir l'air neutre (le père, pas l'acteur). Un petit premier film convaincant, pour sa sincérité donc, et ses petits moments intimes dévoilés avec tendresse.
La grande promesse du film a finalement été tenue : Kim Sae-Ron est un formidable espoir. Une vie toute neuve n’est finalement pas très nouveau, en dehors de son aspect autobiographique où la cinéaste Ounie Lecomte, d’origine coréenne, raconte sa vie d’enfant dans un orphelinat catholique de Séoul au milieu des années 70. Livrée aux mains de bonnes sœurs, la petite Jinhee (Kim Sae-Ron) découvre pour la première fois un monde sans père, ce dernier ayant préféré cette solution pour lui donner une chance d’avoir un avenir meilleur. Malgré la difficulté des premiers jours d’adaptation, des liens d’amitié se créent avec Sookhee, une jeune fille d’onze ans motivée de partir pour l’Amérique aux côtés de ses futurs parents adoptifs. A côté, Jinhee continue de faire la moue, partagée entre son envie de fuir l’établissement et de revoir son père coûte que coûte. Toutes deux espèrent partir ensemble, loin, très loin.
Présenté en sélection officielle hors-compétition à Cannes l’an dernier, Une vie toute neuve revient sur l’enfance d’Ounie Lecomte au sein d’un orphelinat se reposant sur les valeurs du Christianisme. Mais contrairement à un Pruning the Grapevine (Min Byeong-Hun, 2006) qui justifiait trop souvent le rôle de l’Église pour une vie saine et équilibrée, la cinéaste ne se sert jamais des éléments relatifs à la religion comme modèles à suivre pour avoir, justement, une vie saine et sans problèmes particuliers. La religion et ses serviteurs sont ici un fait et ne prennent pas une place démesurée dans ce portrait de l’enfance aussi touchant que bien fait. Au cours d’une prière, d’un recueillement ou d’un au-revoir à un enfant en partance pour une vie normale, la petite Jinhee ne bronche pas, tête baissée, tandis que chacun récite la prière avec une précision déroutante pour leur jeune âge. Et si le film respecte avec exactitude le portrait autobiographique de la cinéaste, la religion n’est qu’un épisode parmi tant d’autres. Ounie Lecomte ne semble d’ailleurs pas y croire totalement, comme toute autre forme de croyance, en particulier lors d’une scène où Jinhee jette le jeu de carte utilisé par ses camarades de chambre, s’improvisant diseuses de bonne aventure en culottes courtes. Aussi plane la fin de la guerre du Vietnam avec la présence de couples d’américains désireux d’adopter, on rappelle que la Corée du sud a été l’un des partenaires des États-Unis durant la guerre. Encore une fois, cet aspect est traité de manière tout à fait épurée sans empiéter sur les thématiques liées à l’enfance.
L’une des qualités d’Une vie toute neuve est d’effleurer avec justesse et émotion les instants d’une enfance difficile. Le film est souvent parcouru d’instants d’une forte puissance émotionnelle, son introduction, par exemple, est un modèle de mise en place : le bonheur de la petite, vu au travers d’une collection de sourires, les plus beaux de l’année, est total. Le bonheur d’être avec son père, cheveux aux vents sur le devant de sa bicyclette, de chanter lors d’un repas, la curiosité d’une ville grouillant de petites choses effrayantes (comme toucher une tête de cochon sur le présentoir d’une boucherie). Ensuite, plus rien. Mais étrangement, il est difficile de distinguer le père de la petite, comme si les souvenirs d’Ounie Lecomte étaient encore aujourd’hui, flous. Résultat, Seol Gyeong-Gu, l’un des acteurs de Lee Chang-Dong (ici producteur), disparaît totalement du film après avoir déposé Jinhee à l’orphelinat, pendant que celle-ci découvrait ses nouvelles camarades. Un adieu définitif des plus secs en forme d’abandon, qu’un mutisme et un jeun n’arriveront pas à changer : son père ne reviendra jamais. De plus, la colère de Jinhee, face au départ de ses copines les plus proches, ne changera rien non plus. Et si le film dégage par moment un sentiment de tristesse, il n’est jamais froid, est filmé à hauteur d’enfant lorsqu'il le faut, animé par son lot d’imprévus (la protection du moineau, première responsabilité pour la petite), de moments de détresse (la tentative de suicide de l’orpheline la plus âgée) et de découvertes (les cours d’anglais improvisés) qui font tout le charme de cette première œuvre touchante et globalement réussie, habitée par les larmes et les sourires d’un petit ange.
Un mélodrame semi-biographique inattendu et d'autant plus poignant, quand on apprend dans quelles conditions il a été tourné…
Une récurrente parmi les enfants adoptés, me racontait un ami l'autre jour, c'est que TOUS, sans exception, cherchent évidemment à en savoir plus sur leurs origines à un moment ou un autre, surtout quand ils ont été adoptés d'un autre pays. Cela fait partie du processus de construction de son identité personnelle et cela se passe plus ou moins bien selon les cas.
Dans le cas précis d'Ounie Lecomte, cela est passé par "l'exorcisation" du papier, d'un scénario, qu'elle a tenté d'écrire pendant des années; au départ l'histoire d'un enfant désemparé après que son père se soit noyé au large…mais elle n'arrivait pas à imaginer la suite de l'histoire…jusqu'au jour, où elle s'est confrontée à elle-même et a couché sur papiers tous les souvenirs, qui la hantaient de "sa vie d'avant" et à commencer par celui, qui donne à "Une vie toute nouvelle" sa superbe scène d'ouverture: l'abandon par son père, sans qu'elle s'y attende le moins du monde.
C'est d'ailleurs sous le signe de la surprise que se construit le film: alors que l'on s'attend aux scènes obligatoires de "l'intégration", du dur apprentissage, de la moquerie des camarades, ben, on se retrouve avec un film extrêmement réaliste, où tout se passe bien (ou presque), bref, une description d'une belle vie communautaire avec ses hauts et ses bas, l'attente et les envies. Peu de pathos, finalement, mais beaucoup de sincérité dans le propos.
Pour renouer avec la "naissance" de ce film et la seconde réussite du film, eh bien, Lecomte a eu la chance inouïe de croiser à deux reprises le réalisateur Lee Chang-dong à l'occasion de la sortie de ses "Secret Sunshine" et "Poetry" en France. Elle lui a parlé de son projet, ils ont gardé contact et il l'a beaucoup aidé sur l'écriture, puis la production du film (en devenant notamment coproducteur).
Un problème de taille d'Ounie, c'était son incapacité de parler un mot de coréen, elle passait donc par des interprètes pour donner les indications à ses (jeunes) acteurs – et c'est sans doute là l'une des clés de la réussite de la composition de la jeune Kim Sae-ron, pour la toute première fois devant une camera et à l'écran: elle semble continuellement perdue…pas à côté de la plaque, mais "perdue", comme si elle en savait pas trop comment réagir en raison de l'absence d'indications, mais qui renforce ce côté "perte et abandon" essentiel à la bonne composition de son personnage. Depuis, Kim a fait preuve de son réel talent, en ayant décroché l'équivalent du "César du meilleur espoir féminin" pou son rôle dans "A man from nowhere" – soit un film à mille lieus de celui de Lecomte !!!
Un film, qui aurait rapidement pu tomber dans un côté misérabiliste et dramatique, mais qui est touchant et sincère, tout simplement…
Le titre original est "Voyageuse".
Beaucoup d'émotion, avec des gamines qui jouent vraiment à la perfection, c'est une chose assez rare en Corée ces temps-ci pour être relevé.
L'histoire est évidemment triste, mais à aucun moment elle n'est volontairement accentuée pour faire pleurer le spectateur, tout est au contraire très reel.
Film à voir !
Je disais donc qu'à la suite de l'absolument horripilant La petite fille de la terre noire et le très chiant Treeless Mountain, Une Vie toute neuve fait presque office de bonne surprise. Pas grand chose à quoi se raccrocher, si ce n'est peut-être un casting convaincant, mais au moins cela se regarde sans déplaisir.