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Vivre

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les avis de Cinemasie

6 critiques: 4.46/5

vos avis

34 critiques: 4.4/5



Xavier Chanoine 4.25 Chronique dramatique pleine de douceur.
drélium 5 "Bouiner" ou vivre, telle est la question
Sonatine 5 Listen to your heart.
Ghost Dog 4.75 Les vertus de l’alcool
Ordell Robbie 5 un superbe hymne à l'action
Tenebres83 2.75
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Chronique dramatique pleine de douceur.

Ikuri d'Akira Kurosawa est un film génial. Pas dans le sens le plus couramment utilisé ("ça c'est génial, ça aussi...") mais plutôt dans sa forme la plus prestigieuse où en creusant bien on y découvre "géni". Car oui, cette énième claque de Kurosawa relève du géni pur et simple dans la mesure où l'histoire -prenante- fait office de remède contre les coups de blues. Quand on regarde Ikiru, on pense immédiatement à une chronique sur le mal-être, sur la perte de confiance d'un homme dont la vie va basculer lorsqu'un médecin lui annonce qu'il est atteint d'une pathologie incurable. Il ne lui reste que quelques mois à vivre et convaincu du ratage complet de sa vie, décide sur un coup de tête de profiter de ses derniers moments pour faire le bien autour de lui.

Ikiru intervient à un moment où Kurosawa vient d'enchaîner classiques sur classiques, bien calé avec The Idiot et Scandale, excusez du peu. Si j'en parle c'est parce que dans le fond, j'ai cette drôle de sensation d'avoir vu des rapprochements entre les oeuvres citées et Ikiru. Déjà, l'humanisme fort et la bonté qui caractérisent le personnage de Watanabe font tout droit penser au personnage de The Idiot. Renfermé, timide mais généreux, Takashi Shimura est le double absolu de Mori Masayuki. Ensuite, dans la même veine que l'excellent Scandale, on peut trouver de sacrées ressemblances entre l'avocat blasé et Watanabe notamment dans leur descente/remontée aux enfers, ou alors dans leur aspect de petit personnage trapu lunatique un chouya alcoolique. A ce propos les séquences à la fois dans Scandale et Ikiru mettant en scène Shimura poussant la chansonnette se complètent à tous les niveaux : mélancolie, désespérance, envie de suicide...

Impossible de rester insensible face à la force dramatique de l'oeuvre de Kurosawa, rien que pour la bonne bouille de Shimura, grand clown triste et grand acteur du cinéma japonais classique. La profondeur de son personnage est énorme, alternant les émotions positives (amour/amitié, joie) et négatives (se noyer dans l'alcool pour oublier, peur d'échouer, suicide...) à vitesse grand V, Takashi Shimura est bien loin du samouraï qu'il incarnera deux ans plus tard. On se demande même si Ikiru n'est pas plus jeune, dans la mesure où Shimura semble tellement plus âgé et définitivement plus affaiblit que d'habitude. Que dire par exemple de la séquence culte de la balançoire où l'on y voit un homme entrain de s'éteindre sur le propre terrain qu'il a construit? Un véritable compliment de ma part qui prouve que cet homme peut tout faire, que ce soit le samouraï leader ou le vieillard malade.

Dans son ensemble, Kurosawa réalise une petite prouesse technique au niveau de la mise en scène, d'une sidérante variété. Alternant plans fixes d'une longueur parfois affolante (exigeant le sans faute au niveau de l'interprétation des comédiens), petits plans séquences, travellings, zooms traumatisants sur le visage de Shimura, une véritable petite performance surtout quand on sait que Kurosawa utilisait une seule caméra à l'époque. Ikiru, film parfait alors? J'en aurai rêvé mais ce ne sera pas pour cette fois. Certes le film est exemplaire en bien des points, touchant et drôlement poignant, mais dès l'instant où l'on apprend le décès -inévitable- de Watanabe, on tombe dans le drame larmoyant, prétexte pour évoquer les grands moments de ce monsieur trop vite partit, de la réussite de son parc, etc. Kurosawa établit d'ailleurs une critique de la société nippone où les hommes dits forts et importants sombrent aussi vite dans l'alcool que dans leurs dossiers.

On a qu'une vie, vivons la pleinement, c'est ce dont aurait voulu Kurosawa.

 



21 octobre 2006
par Xavier Chanoine




"Bouiner" ou vivre, telle est la question

2h20 en noir et blanc avec une image d'outre-tombe et un son exécrable couronnés par une lenteur extrême, ça demande de la motivation pour ma part, et pourtant... Pourtant, quel chef d'oeuvre monumental.

J'aurais pu vous raconter une troisième fois l'histoire, sa construction exemplaire, ou encore vous parler de l'humanisme, du silence magnifiant le souci du détail et du geste, du style du maître qui nous vaut encore une fois une fantastique scène de réunion où les langues se délient, de la performance magistrale de Takashi Shimura, des personnages profondément humains car bourrés de défauts...

J'avais bien pondu un texte.... quasiment identique à celui de Ghost Dog, hors mis le coup de 3 hommes et un couffin qui me laisse perplexe... :)

Finalement, je n'ai qu'une chose à dire :

Ne lisez pas les critiques, elles ne peuvent que gâcher l'envie.

Histoire de ne pas l'avoir écrit pour rien et pour ceux qui aime lire trois fois la même chose je le met quand même :

Ne lisez pas ce qui suit...

Tao est un homme bon mais il est endormi, aveuglé par la monotonie de son travail (haut fonctionnaire / tamponneur exemplaire depuis 30 ans déjà), il a oublié que la vie est courte, mais peut-être pas qu’il peut encore la saisir tant qu’il est encore temps. Il apprend qu’un cancer de l’estomac ne lui laisse plus qu’un an à vivre, peut-être moins. Un flot de questions et de flashbacks le hantent alors sur ses 30 longues années de passivité où il a méthodiquement délaissé son fils alors qu’ils vivent sous le même toit. Ces questions le conduiront à vivre 4 jours non stop de nouba accompagné d’un écrivain porté sur la bouteille qui lui dit : « profites-en avant de mourir ! Viens avec moi, je vais te montrer la vraie liberté de la vie... Ce soir, je serais ton diable». Il ne trouvera aucune réponse ici à part une bonne envie de vomir.

Son souffle de vie naîtra par le sourire et l’énergie d’une jeune femme espiègle qui connaît sans le savoir et mieux que quiconque ce que signifie vivre. Elle travaillait pourtant sous son autorité mais il avait plutôt tendance à l’ignorer jusqu'à présent, comme tous les autres du reste. Il finit par entendre son bonheur, car vivre, ce n'est pas faire tout ce qu'on veut comme ça nous le chante pour trouver la liberté ailleurs, vivre c'est agir et construire grâce à la liberté qu'on a en soi. Tao ouvre les yeux, retrouve la liberté du coeur. La force nécessaire pour entreprendre et réaliser une ultime action voit enfin le jour. Agir pour vivre. Agir pour réaliser enfin quelque chose avant de mourir. Et « crack ! », une voix monocorde nous annonce que le personnage de cette histoire est maintenant mort...

La première partie du film est centrée sur Tao, Takashi Shimura magistral. Il est donc très perturbant d’assister à ses obsèques brutalement, avant même qu’il n’ait agi, comme si l’énergie du personnage nous manquait alors qu’il était sensé n’en avoir aucune. Pourtant, cette longue scène des obsèques entrecoupée de flashbacks est une merveille typique du style de Kurosawa où tout le monde est réuni dans la même pièce et où chacun prend la parole, s’interroge sur ce qui s’est passé et essaie de comprendre et de nous éclairer par la même occasion. C’est une galerie de personnages auxquels on avait même pas prêté attention durant la première partie qui s’ouvre du même coup. Un peu d’alcool et à manger ne peuvent qu’aider à délier les langues de ces fonctionnaires austères et faire naître les passions les plus folles.

Mais soyons réalistes. Peu d’entre eux auront vraiment compris Tao et sa brutale envie d’agir. Même pour le spectateur, quelle surprise de découvrir la simplicité de l'acte vital entrepris par Tao.

Et pourtant, quel plus bel acte de permettre la construction d'un parc à jeux dans un quartier pauvre. Un acte qu'il entreprend simplement au sein de son administration au lieu de rester vissé sur sa chaise. Un acte que peu connaîtront mais que tous les habitants du quartier louent chaque jour. Car vivre, ce n'est pas agir pour grandir ou chercher un absolu. Vivre, c'est agir pour le plaisir d'aimer et de partager. On ne cherche pas la liberté et l'amour. Ils vivent en nous.

... Car tout ce qui vient d’être dit ne peut que tuer l’envie.

26 novembre 2003
par drélium




Les vertus de l’alcool

La comparaison est peut-être osée, mais Vivre (1952) est en quelque sorte l’extension 30 ans après de 3 hommes et un couffin (entre autres), cette comédie des années 80 de Coline Serreau qui démontrait par le biais d’un trio de trentenaires célibataires que le but de la vie est de la consacrer à ses enfants. Le héros du film de Kurosawa (Watanabe Kanji), lui, l’a cru aveuglément au point de ne pas se remarier après la mort de sa femme, simplement pour élever au mieux son fils en se tuant à la tâche dans un travail de paperassier sans intérêt. Mais arrivé à l’âge de la retraite, il découvre qu’il est atteint d’un cancer de l’estomac et qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre. Il prend soudain conscience de sa condition de mortel et analyse sa vie, cette vie triste où finalement ni le travail, ni les femmes, ni même son fils ingrat n’ont été des facteurs d’accomplissement et de reconnaissance sociale, ces fameux critères figurant au sommet de la pyramide de Maslow. Alors il se jette dans une course effrénée contre la mort et tente d’effectuer une dernière action, juste et utile, afin de laisser l’empreinte de son passage sur Terre avant de la quitter définitivement.

Bouleversant, cet hymne à la vie, bien que parfois un peu lent, touchera tout le monde, puisque chacun d’entre nous s’interrogera forcément un jour ou l’autre sur ce qu’il a fait de sa vie, et quel a été son sens. Kurosawa, en grand humaniste, nous montre que c’est par l’action et la compréhension des autres que l’on devient quelqu’un de respectable que l’on honorera même à titre posthume, tout en brossant le portrait d’un pays au point mort économiquement, ravagé en profondeur par la seconde Guerre Mondiale. Shimura Takashi y est absolument formidable ; sa voix cassée, son air de chien battu et surtout la chansonnette poussée au milieu et à la fin du film ne sont pas prêts de s’effacer des mémoires.

Après une première partie centrée sur la prise de conscience de Watanabe, la seconde partie du film embraye brutalement sur l’hommage au héros par ses collègues de bureau lors d’une veillée funèbre fascinante. De manière très originale, Kurosawa dévoile leurs hésitations coupables concernant leur attitude face au dernier combat de Watanabe, tout en revenant par flash back sur la vie de ce dernier. Grâce au sake copieusement avalé, les langues de serpent vont se délier et la vérité éclatera enfin au grand jour : l’inefficacité chronique de l’administration a été largement secouée par la volonté sans failles du héros d’aller jusqu’au bout de son idée : construire un parc, envers et contre tout.

Envers et contre tout, il faut maintenant défendre ce film de 50 ans d’âge à l’émotion et à la puissance intacte, et le faire voir au plus grand nombre car, à la manière d’un bon vin, il se bonifie avec le temps…



16 juillet 2003
par Ghost Dog




un superbe hymne à l'action

Vivre est un grand film humaniste qui montre comment chacun peut s'il le veut se rendre extraordinaire par l'action.

Kurosawa pose le sujet du film dans une introduction virtuose. S'y succèdent la voix off d'un narrateur objectif qui va scander tout au long du film le retour à la vie de Watanabe, les plans montrant la routine professionnelle de ce dernier et une succession de personnages montrant l'absurdité bureaucratique (lorsqu'un citoyen vient se plaindre per exemple d'une panne des canalisations, chaque agent le renvoie vers un autre service, ce qui est bien souligné par le montage haché), l'incompréhension des employés de service public face au désespoir du peuple. Vivre va alors se positionner sur deux aspects: le témoignage du Japon en crise et en proie au doute d'après-guerre et l'histoire d'un homme qu'une mort prochaine fait revivre.

Au cours de divagations de Watanabe en compagnie d'un écrivain, Kurosawa nous montre l'explosion du rock'n'roll et des rythmes latins auprès d'une jeunesse désireuse de fête malgré la dureté des temps. Watanabe semble d'ailleurs envieux de l'énergie et de l'enthousiasme de cette jeunesse face aux rythmes et aux modes de vie occidentaux. L'absence de Watanabe au travail crée immédiatement chez certains employés l'envie de prendre sa place plus tôt que prévu. Au travers de la jeune femme avec laquelle Watanabe sympathise, Kurosawa évoque la dureté du travail à l'usine. En quittant son emploi de bureau pour fabriquer des jouets, elle incarne la réponse de Kurosawa au désespoir: l'action. Et c'est par son attitude qu'elle donnera envie à Watanabe de reprendre le travail et de se réaliser dans l'action publique. Suit une seconde partie commençant après la mort de Watanabe et qui correspondra à la prise de conscience par ses collègues de son caractère extraordinaire et contiendra une dénonciation de l'arrivisme et de la corruption dans le service public.

Une des forces du film est sa construction en flash-backs: dans la première partie, les flash-backs sont la visualisation des regrets de Watanabe (situation de veuvage subie, incompréhension de ses enfants), dans la seconde, ils correspondent aux souvenirs qu'avaient de Watanabe ses collègues. Cette construction met en valeur la lutte de Watanabe pour faire construire un parc et se rendre utile à la collectivité, son obstination triomphant des menaces physiques et orales de ses adversaires.

Vivre est un superbe hymne à l'action: même quand un autre essaie de s'arroger la paternité de l'oeuvre de Watanabe, les journalistes et la population ne le croient pas parce qu'ils savent qui a vraiment été actif. Et suite à leur prise de conscience, ses collègues décideront que le meilleur hommage que l'on puisse rendre à Watanabe est de s'engager à son tour dans l'action et de tout faire pour assainir le secteur public.

Vivre réussit à concilier le local et l'universel: il montre le Japon luttant pour sortir de la crise et est aussi un hymne à l'action publique dans ce qu'elle a de plus noble.



27 février 2002
par Ordell Robbie


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