A croire que les nombreuses variantes autour du thème de « La Servante » n’étaient pas suffisantes, le cinéaste Im Sang-Soo nous sert sa propre version, présentée à Cannes cette année. On se demande bien ce qui est passé par la tête des sélectionneurs pour amener cette sulfureuse histoire dans le dernier carré tant cette prétentieuse version 2010 s’avère être plus bête et méchante que réussite cinématographique. Euny (Jeon Do-Yeon) quitte son petit boulot pour devenir servante d’une richissime famille. Très vite séduite par le mari, elle se retrouvera rapidement enceinte. Epiée par sa supérieure, cette dernière confiera à la mère de l’épouse la liaison entre le mari et Euny. Cette dernière ne tardera pas à faire les frais d’actes bien malveillants…
Censée être une critique du milieu bourgeois et plus particulièrement des inégalités entre riches et pauvres, dans une société de plus en plus américanisée –voir l’ultime séquence, The Housemaid brille par son absence de projet de mise en scène, faisant de chaque scène, chaque plan, un immense calque vidé de toute substance, sans la moindre once de vie, d’humanité. D’accord le film est inhumain, villa-musée dont le moindre recoin semble être une salle d’exposition sans vie, être riche c’est chiant et prétentieux –lorsque le mari ne joue pas l’œnologue de service ou le pianiste hors-pairs, il se prend pour une star du porno, mais faire passer le message par un filmage tout aussi prétentieux, étalant les artifices sont aucun lien entre eux pour simplement épater la galerie reste à ce stade une hérésie. Comme si Im Sang-Soo était littéralement entrain de « baiser » en se regardant dans une immense glace, à l’image de l’attitude ridicule du mari lorsque ses bas instincts prennent le dessus. L’original ne se perdait pas dans cet apanage de luxe et de mépris pour les petites gens, mais se concentrait surtout sur le dynamitage d’une famille entière par le vampirisme d’une paumée, sorte de veuve noire troublante amusée face au désordre qu’elle crée autour d’elle suite à l’adultère du mari. Et surtout, c’est le personnage féminin étranger à la famille qui manipule les rennes à sa guise, Im Sang-Soo préférant quant à lui provoquer l’explosion avec les biceps du mari bien désireux de faire claquer du cuissot de servante dès leur première rencontre. L’autre problème du remake est l’absence de véritable psychologie des personnages. Euny change de comportement le temps d’un raccord, et pas n’importe quel comportement puisque ses pulsions oscilleront entre le désir, la vengeance et le suicide, l’épouse tient son rôle de manipulatrice méprisante tout comme sa mère arrivée comme un cheveu sur la soupe, tandis que le mari semble avoir été oublié le temps d’une bonne partie, enfermé dans son rôle d’amateur de vin et d’éjaculations faciales, jeune papa à ses heures perdues. Reste la supérieure d’Euny, servante expérimentée et personnage mystérieux. Chez Kim Ki-Young, l’énorme plus-value revient à l’importance accordée au rôle des enfants. Si chez Im Sang-Soo la petite fille n’a aucun intérêt si ce n’est d’éprouver un peu de compassion face au malheur d’Euny, les deux enfants du film original participent, un peu à leur manière, à la protection de leur cocon familial. Certaines séquences les mettant en scène sont ainsi particulièrement impressionnantes.
Malheureusement, le fait de régler tous les problèmes dans la villa par l’argent vire au procédé répétitif et quelque peu facile, une liberté de plus par rapport à l’œuvre originale. Très bien, les riches sont pourris par l’argent qu’il nous dit Im Sang-Soo (Kim Ki-Young s’en fiche, la maison des riches est même infestée de rats), mais tout de même, cette manière de dépeindre une certaine forme de corruption sociale empêche le film de proposer de véritables conséquences face aux actes des protagonistes, contrairement à l’original qui enchaînait chantage, emprise et menaces simplement suite à l’adultère. La peur d’une quelconque répercussion négative sur la famille recouvrait l’original à chaque plan. Im Sang-Soo préfère tenir le discours suivant : tu as pourris notre famille et a couché avec mon mari ? Très bien, prends ce cheque et avorte. Je t’ai fait tomber d’un étage ? Excuse-moi ce n’était qu’un accident, acceptes cette somme.The Housemaid se résume à ça, entre deux travelings et deux plans en plongée qui ne signifient rien, pas même ce flou artistique entourant l’image des plans pris à l’arrachée dans l’introduction nocturne. Malheureusement le film vire à la crétinerie la plus sordide lors de son dernier acte imprégné de vengeance. Le personnage de Jeon Do-Yeon, manipulé et écrasé par l’épouse et sa mère, pète les plombs de manière incompréhensible pour aboutir à un final grand guignol que l’on pense être un mauvais rêve. Incohérence du scénario avec sa supérieure qui pense qu’il y a encore un espoir avant de paraître indifférente face au sort réservé à sa « protégée ». Définitivement incompréhensible. Mais tout n’est pas à jeter, et heureusement. Jeon Do-Yeon se retrouve être impliquée dans deux trois séquences gentiment sulfureuses et provocantes, un plaisir pour les sens et les mirettes, et le film jouit parfois d’une hystérie et d’un humour communicatifs à condition d’arriver à faire le tri des poubelles. En se réappropriant La Servante de Kim Ki-Young, Im Sang-Soo davantage du côté des bourgeois que des petites gens, malgré le message qu’il tente de passer, rate le coche et se fourvoie avec panache dans un catalogue d’effets stylistiques plutôt que dans un vrai film de cinéma.
Le pays du matin calme nous offre une nouvelle leçon de cinéma: plastique et mise en scène sublimes, suspens crescendo autour d'une intrigue cohérente, comédiens (et surtout -diennes) irréprochables, personnalités "vraies" au coeur d'une satire forte (on pense à la critique chabrolienne de la bourgeoisie), et ce grain de folie très extrême-oriental. Beau.
L'histoire a des accents dignes de Losey et Bunuel. Une jeune femme devient la baby-sitter d'un couple fortuné, qui a déjà une petite fille et attend des jumeaux. Elle intègre un foyer somptueux (dont la construction est bien expliquée dans le making-of en bonus) et ne tarde pas à devenir la maîtresse du père de famille. Quand elle tombe enceinte, ses employeurs (et la belle-mère) la contraignent à avorter. Et le film bascule d'un banal adultère à un thriller psychologique et social mettant en scène la lutte du foyer assiégé et du corps étranger lésé, sous le regard, qui n'est pas neutre, de la gouvernante (jouée par l'excellente Yun Yeo-jeong, vue dans les quatre derniers Im Sang-Soo).
Remake d'un célèbre film coréen de 1960 de Kim Ki-Young, bien supérieur et plus audacieux, ce 'Housemaid' de Im Sang-Soo m'a paru bien contestable, en dépit de ses indiscutables qualités esthétiques. Le film a été projeté à Cannes où il a d'ailleurs eu un accueil frais (raconté, là aussi, dans un bonus) - et pas de prix. La première partie est moyenne: Im Sang-Soo amortit beaucoup le choc que représente pour la jeune fille modeste l'immersion dans le cadre de vie des super-riches (contrairement au film de 1960, bien plus explicite) mais ne peut s'empêcher de plaquer quelques scènes érotico-chics assez hors de propos. Il rate ensuite le virage du thriller et la seconde partie pâtit d'un manque de chaleur et de passion, la personnage principale semblant subir les événements quand c'est un combat qu'il aurait fallu montrer. On ne comprend pas ce qui a motivé le réalisateur quand tous les aspects qui paraissent intéressants (le conflit de classe, la brutalité sur le corps féminin, le resserrement oligarchique du foyer, l'évolution de la servante) paraissent comme gommés. De manière générale, on a d'ailleurs l'impression désagréable de voir des mannequins jouer dans un décor d'architecte d'intérieurs. Jeon Do-Yeon, subime, illumine quand même le film, qui est par ailleurs très - trop - élégant (belle direction artistique, mise en scène stylée).
Autant prévenir tout de suite: je suis un inconditionnel de l'original de 1960, visible gratuitement et légalement sur le site de Martin Scorsese et Celluloid Dreams, "theautheurs.com". Un film, que je mets au niveau des meilleurs classiques du cinéma mondial, d'une intelligence rare, mise en scène maîtrisée et véritable miracle cinématographique pour son époque.
Les deux pseudo-remakes de son propre réalisateur dans les années 1970 étaient des variantes intéressantes sans toutefois pouvoir renouer avec l'esprit de l'original; de là à réaliser une nouvelle version pour remettre les choses "au goût du jour" pouvait davantage sembler à un certain coup de marketing assez avisé: en Corée, la trilogie est une œuvre culte archi diffusée à la télé, que tous les coréens ont vu et connaissent…Quant au public occidental, une version sulfureuse à la "Liaison dangereuse" ne pouvait que séduire des investisseurs étrangers toujours prompts à chercher à réitérer le fameux succès d'Oshima, "L'empire des sens". Au mieux pouvait-on espérer une relecture avisée des rapports dominants-dominés dans une société mondiale, où les écarts entre pauvres et riches se creusent de jour en jour…Une idée d'autant plus séduisante, que le réalisateur Im a su montrer son talent à détailler avec humour et cynisme ce fameux rapport dans son précédent "President's last bang".
Tel n'est malheureusement pas le cas. Toujours à l'image de la somptueuse villa, on se rend rapidement compte, que les pièces paraissent particulièrement vides, impersonnelles, sans aucune âme.
La première partie est sans aucun doute la plus réussie. On découvre (toujours) la villa, les yeux ébahis, on se réjouit de la parfaite mise en place des personnages et on a hâte de voir où le réalisateur va vouloir nous mener.
Arrive le fameux "point de rupture", où tout bascule. Et première grosse déception: légère incompréhension le pourquoi du comment de la facilité déconcertante avec laquelle la servante couche avec son "patron" et mise en scène, qui prêterait presque à rire, tant l'apologie de l'homme macho y est poussé à son plus extrême.
Une fois l'intrigue mise en place (on frôle les 45 minutes)…le néant. Surgit le personnage de la mère, sorte de Cruella moderne, qui se fait un malin plaisir de semer le trouble d'après les conseils avisés de la vieille servante. Sa motivation est connue, mais paraît un tantinet exagéré; le fait de ne posséder aucune clé (tous les personnages sont d'ailleurs sommairement esquissées) ne lui confère aucun mystère, mais – au contraire – frustre de n'en pas savoir un peu plus. Pareil pour le personnage du mari (en gros, c'est un homme extrêmement riche, qui aime à séduire les femmes, point barre) ou de l'épouse hyper mal interprétée.
Une heure de grand vide, où l'on intente simplement à la vie de la servante avant un dernier quart d'heure totalement improbable, où la servante change de tout au tout; sans parler de l'ultime scène, hommage à la version des années 1970, mais d'un comique involontaire.
C'est joli, joliment interprété par JUNG avec un peu de sexe, mais pas trop pour ne pas trop offenser le public BCBG…mais sans aucune saveur et – surtout – très, très loin du véritable talent d'Im, qui a été beaucoup plus inspiré, quand il tournait encore des productions sans grands moyens et – surtout – ni réalisés à l'intention d'un marché international, ni cofinancés par de l'argent étranger…
En s'en tenant au strict scénar, la peinture de la (très) haute bourgeoisie aurait pu être assez caustique.
Mais qu'en penser alors que la mise en scène tombe dans les travers mêmes de ceux que le film est sensé épingler ? Prétentieux, faussement sophistiqué, faisant ostentatoirement étalage de son pognon,... le seul mérite du film est d'être à l'image de ses personnages se gargarisant de leur supériorité. Awé tiens, en passant, c'est vulgaire aussi, dans la première moitié surtout (si c'est ça l'idée que ISS se fait d'un film sulfureux...).
Le pire, c'est que malgré tout et contrairement à un Park Chan-Wook (exemple pris au pif) il n'y a aucun "plan de taré" dans tout ce fatras, rien de stimulant. Tout est inutile, des plans de traviole qui ne font jamais sens à ceux dont les légers travelling peinent à insuffler le moindre élan au film, jusqu'à l'apothéose avec ces quelques longs plans à la grue (vu à la suite d'un Shinji Somai où dans un plan chaque mouvement de caméra introduit une nouvelle perspective, ébé ce genre de ronds de manche inutiles et prétentieux ne pardonnent pas) dont le seul propos semble être : tu vois, ce plan il m'a couté l'équivalent de ton salaire annuel, et en plus j'ai fait trois prises.