La Maladie d'Amour
Des nouvelles bonnes nouvelles en provenance de la Thaïlande, même si le résultat final reste en deçà des espoirs placés en l'annonce du projet. Piya Rangsitienchai ne s'est embarrassé d'aucuns gêne et scrupule pour prendre une caméra digitale et filmer une histoire d'amour entre deux hommes largement inspiré d'un douloureux épisode de sa propre vie.
L'initiative est d'autant plus méritant, que malgré l'accessibilité à du matériel filmique moins onéreux, la démarche reste encore rare au pays du sourire pour un manque d'expérience, de transmission de savoir-faire…et surtout d'un coût de fabrication élevé dans un pays aux revenus très modestes! Toutes raisons du large échec d'un cours cinématographique initié il y a quelques années par le cinéaste Apitchatmpong Weerasethakul pour espérer lancer des nouveaux jeunes espoirs.
L'autre raison reste bien évidemment les rares débouchés commerciaux. Le film tourné en HD n'a pu être projeté que lors de deux uniques séances au cinéma Century the Movie Plaza le 4 août 2006 avant d'être indépendamment proposé à la vente par Internet (ici: http://www.silom-soi2.com/showtime.html). D'après les propres aveux du réalisateur, le piratage a même réduit des singulières chances de toucher un public de niche.
"Silom Soi 2" n'est pas une séquelle, mais le nom d'un point précis du quartier réservé aux sorties nocturnes – et plus particulièrement des homosexuels. L'histoire est inspirée de la propre expérience du réalisateur, qui aura vécu la même douloureuse expérience de vie que ses deux protagonistes principaux. Du coup, l'intrigue peut paraître un peu sommaire, finalement sans grands coups d'éclats, mais évitant également le pathos et sentimentalisme exacerbé des grosses productions habituelles. Le propre vécu se sent à travers bon nombre de moments; ce qui ne fait pas du film un simple exercice tourné en quelques jours de tournage avec des acteurs amateurs dans une pièce mal éclairée. Au contraire: même si le tournage n'aura duré que quatre jours, Rangsitienchai a pris soin d'organiser un important casting, de "coacher" acteurs et équipe technique pour être préparé au mieux au tournage. L'interprétation est parfaitement convaincante et la mise en scène et en images parfaitement soignées. Le réalisateur se permet même quelques belles innovations de style, du genre à inclure un alphabet très, très symbolique, énumérant les différentes étapes de la relation.
Il manque juste un certain recul, le réalisateur ne faisant qu'effleurer certains points pour ne – sans doute – pas rouvrir trop ses propres plaies, passant trop rapidement sur certains épisodes, alors qu'il s'attarde trop sur certains d'autres; mais il ne faut jamais oublier la difficulté d'aborder un tel sujet dans l'actuelle société thaïlandaise (où l'homosexualité est parfaitement tolérée, mais sa représentation beaucoup moins). D'ailleurs, al version exploitée sur DVD est malheureusement celle amputée par le gouvernement de près de 10 minutes, dont la fameuse séquence de nus prônée sur l'affiche et le teaser (et ayant déçu pas mal de gens "du milieu" pour ne vraiment pas montrer grand chose), de séquences de "câlinage", mais également de référence à la religion.
Un film loin d'être parfait, mais absolument nécessaire pour faire évoluer une cinématographie, briser certains tabous et ouvrir un chemin pour d'autres projets et/ou d'autres nouveaux jeunes talents.