Un film d'ambiance tout sauf convaincant
Ce qui est frustrant voir rageant avec le dernier Kurosawa sorti en salle, c'est de voir à quel point un agréable film d'épouvante peut se transformer en supplice lorsqu'il n'est pas totalement maîtrisé.
Loft accuse en effet un manque cinglant de conviction de la part de son réalisateur, accumulant les belles séquences comme les pires sans se soucier tant que ça. Le contraste est même étonnant, où l'on s'étonne de sursauter face à certaines séquences bien foutues, comme de s'indigner devant des bourdes évitables. Les clichés bien redondants sont ceux que l'on connaît depuis des lustres, en effet Kurosawa doit sûrement se demander si l'on peut qualifier un film "d'épouvante" si il n'y a pas la fameuse scène de la lampe torche qui ne s'allume pas, tout comme la silhouette que l'on aperçoit au loin et qui disparaît lorsque l'objectif fait un aller-retour. Passons sur le physique des personnes louches (depuis l'effet Ring, le look cheveux raides et teint blafard n'a jamais été aussi à la mode) et sur les longs travellings contemplatifs histoire de ne pas trop surcharger la liste des déceptions.
Loft parvient néanmoins à susciter un poil d'intérêt de part son héroïne tourmentée à la beauté toute mystérieuse et par son ambiance travaillée. Le personnage de Reiko (interprété par l'une des actrices fétiches de Nakata Hideo) évoque à plus d'une reprise la solitude et le renfermement sur soi (à l'image de l'endroit où elle vit, totalement en contradiction avec le Japon urbain) et s'avère plutôt bien joué par Nakatani Miki. En revanche, difficile de tenir le même discour avec le reste du casting pas franchement folichon, à commencer par Toyokawa Etsushi dans la peau d'un chercheur tourmenté par des hallucinations ou encore Nishijima Hidetoshi particulièrement fade en responsable d'une maison d'édition. Quel dommage d'avoir affaire à des protagonistes si peu recherchés et visiblement peu convaincus par ce qu'il font, tellement Loft aurait pu être au final un joli thriller d'ambiance. A la place, on se coltine un film certes intéressant dans son déroulement mais entaché par une intrigue qui se perd au fur et à mesure qu'elle avance, pour finir par sombrer dans le grand n'importe quoi où le réalisateur du pourtant très correct Kaïro joue avec les ellipses pour se paumer lui-même dans un pêle-mêle d'hallucinations créant le doute sur ce qui est réel ou non.
Car dans le fond, Loft n'est qu'un film montrant le quotidien de personnes désorientées et perdues du fait des pressions externes (en plein centre-ville, Reiko étouffe), sous un vague fond de légende (le personnage de la momie, finalement pas bien utile) pour finalement aboutir à un condensé d'horreur viscérale manquant sévèrement de conviction. Le métrage de Kurosawa aurait pu s'arrêter à une simple intrigue policière, mais préfère jouer la carte du fantastique l'entraînant dans une spirale nonsensique effrayante de nullité et bien trop théâtralisée dans son interprétation pour paraître crédible (il faut voir Toyokawa Etsushi se la jouer Hamlet en fin de métrage!). Malgré tout, on reste en face d'un thriller aux belles images (les séquences brumeuses) et ponctué par deux moments de frayeurs qui m'ont clairement fait frôler la crise cardiaque. C'est déjà bien pour un film dont on n'attendait finalement pas grand chose.
Un des plus mauvais Kiyoshi K. (pour ne pas dire son plus mauvais !!!)
Grande déception pour cette co-production nippo-coréenne. Incroyable de la part de ce génie qui a réalisé parmi les meilleurs films fantastiques japonais de ces dix dernières années (le slasher
Guard from the Underground, le friedkinien
Cure, le pré-apocalyptique
Charisma, le cyberpunk
Kaïro, le très "décevant"
Séance, le satirique
Dopplegänger et puis le très noir
Rétribution).
Avec des scènes d'une grande inutilité gratuite (l'écrivain vomissant de la boue, scène littérallement vomitive), une fausse histoire d'amour à laquelle on y croit pas une seconde, un Etsushi Toyokawa, pourtant grand acteur, tellement monolithique à un point qu'il en devient carrément caricatural. Une fin "ridicule" au possible.
Un tel niveau que j'ai du mal à admettre que se soit ce très grand cinéaste qui a donné de très grands films (not sa extraordinaire tétralogie de le Vengeance pour la vidéo
The Revenge I/
The Revenge II/
Serpent's Path/Eyes of the Spider), qui, avec Harada, Miike, Aoyama, Kitano, Nakata et Iwaï, a sauvé le cinéma japonais de la crise à laquelle il s'est embourbé durant les années 80. Espérons qu'il se ressaisira avec
Rétribution et les autres films à venir et que ce
Loft n'était qu'un simple film malade...
Une momie de 1000 ans ? Ah.
Vu au festival de Deauville 2006.
En lisant le synopsis, c'était déjà mal parti d'entrée. Pourtant, la première demi-heure du film est comestible, avec son lot d'interrogations, fleurtant avec le paranormal, signature habituelle de KUROSAWA Kiyoshi. La suite en revanche, n'est que délire scénaristique, du grand n'importe quoi. A éviter donc.
Mes propres démons à ma porte
KUROSAWA est rarement créatif quand il s'agit de purs films de commande – meilleure preuve en date ce "Loft" peu inspiré et visiblement rédigé en toute urgence.
Revenant au genre qui l'avait révélé en Occident – le film de fantôme – il propose une nouvelle relecture du genre en venant – par force détours – à un simple polar psychologique.
L'apparent prétexte du film de fantôme ne lui sert une nouvelle fois que de prétexte pour explorer plutôt les méandres du subconscient de ses personnages torturés et les créatures qui s'échappent de leur imagination. Ainsi, le film s'intéresse tout d'abord à une fragile romancière, dont l'imaginaire bloqué devant la fameuse page blanche se débride face à son morne quotidien, qu'elle pimente de ses hallucinations. Une première partie plutôt réussie, où KUROSAWA explore une nouvelle fois son savoir-faire unique dans la création d'une glauque atmosphère d'un minimalisme formel. Les scènes de vomissement du liquide noirâtre (en signe d'abnégation absolu, elle "expulse" ce qui servait dans l'Antiquité à renforcer la beauté féminine; elle rejette donc sa propre image), puis ses moments passés face à la mystérieuse momie (passons sur l'illogisme de préserver le cadavre dans sa propre chambre à coucher) sont d'authentiques moments d'horreur, montés avec beaucoup de talent et poussant nos propres peurs primaires à leur paroxysme; d'ailleurs tout le montage entourant ses moments forts est d'une telle banalité (banales scènes de champ/contre-champ déconcertant de paresse), que les véritables centres d'intérêt de KUROSAWA apparaissent très clairement.
La seconde partie (après ca. 1h de film) désarçonne par son soudain revirement de situation; non seulement KUROSAWA fait quasiment d'un personnage secondaire le véritable héros de son film (le scientifique), mais il démultiplie également nouvelles ficelles scénaristiques et rebondissements pour difficilement exprimer une notion toute simple : venir à bout de ses propres démons, grâce au soutien d'une personne proche. Fidèle à son approche souvent tarabiscotée, en tout cas sujet à de nombreuses interprétations, KUROSAWA se perd dans ses propres dédales et démultiplie des rebondissements et coups de théâtre tournant finalement à vide. Des moments dramatiques sont souvent d'un comique involontaire, tel l'arrestation d'un personnage par des policiers apparus on-ne-sait-comment et disparaissant tout aussi vite.
Certes, "Loft" appelle à de nombreuses relectures pour tenter de démêler le faux du vrai; mais contrairement à nombre d'autres de ses œuvres, celle-ci n'en donne pas vraiment l'envie.