Principe de l'incertitude
On a lu à propos de The Road to the Racetrack qu'il s'agirait d'une esquisse de Fantasmes. Or après une voix off d'introduction accélérant la mise en place du film ce dernier donne plutot au début le sentiment de se situer après coup, dans les moments où l'insouciance du début de liaison n'est plus de mise. Le film de JANG Seon-Wudonne d'ailleurs le sentiment de se poser immédiatement comme film captant le changement. Changement des rapports dans la liaison dans laquelle R semble moins maitre du jeu et où J tente de le renvoyer vers sa vie maritale. Mutations urbaines et économiques de la Corée du Sud de son temps que la caméra a soif de saisir. Sauf qu'à partir de là le script va se refuser à suivre les chemins balisés par le début du film, faisant de l'incertitude (de ton, des rapports entre les personnages) son principal moteur. Spoilers Le scénario va ainsi d'abord se recentrer sur les rapports entre R et J et leurs disputes, quitte à ressembler par moments à de la Nouvelle Vague en moins inspiré. Il est question de femme souhaitant s'affirmer face à celui qui la désire. Et d'etres ayant chacun de leur coté une vie amoureuse qu'ils voudraient quitter. Avec d'un coté R souhaitant divorcer mais incapable à cause du refus de sa femme et J demandant à R des conseils par refus de s'engager avec son autre amant. Avec comme conséquence paradoxale pour J le fait de prendre ses distances avec cet amant pour mieux se rapprocher de R qu'elle ne désire plus vraiment et à qui elle tente de se refuser.
Sauf que là encore le film prend un chemin de traverse inattendu: ces moments de sexe à l'hotel où l'on ignore les motivations de J: est-elle une femme affirmant son refus -oralement, par le rejer physique- de R pour ensuite lui céder par impuissance à se séparer de lui ou par jeu de manipulation psychologique? Lorqu'elle accepte de revoir R quelques secondes après l'avoir rejetée, rentre-t-elle volontairement dans son jeu manipulateur? Jeu manipulateur comprenant d'ailleurs un chantage de demande d'argent à J pour quitter la Corée du Sud. A partir de là, le couple semble retrouver une relation sexuelle insouciante certes moins innocente mais d'une vitalité à laquelle la mise en scène fait écho. Avant que pour finir la relation s'achemine vers une nouvelle brouille, une sorte de point final ne dissipant pas les ambiguités des rapports des personnages tandis que la voix off vient sceller la fin du film avec autant de brutalité qu'au début. Fin Spoilers Au cours d'un film où la mise en scène ne cherche jamais le bluff facile, le sens du cadre -ni plat, ni clinquant- du cinéaste éclate parfois au détour d'un plan aussi bien qu'un certain art du détail révélateur: comme ce gamin vendant des objets cheap pour survivre que le duo héros du film tétanisé par sa crise de couple ne voit pas, cette caméra passant d'une TV diffusant une soap opera sur le divorce à des spectateurs facinés dans le bar puis au "couple en crise" parlant à table. Ou encore J se grattant le dos pour marquer son refus de monter à l'hotel.
Et malgré l'idée des personnages à initiales en forme d'idée héritée de la modernité littéraire mal digérée le film tire son charme de ses ruptures permanentes. Et surtout de l'absence des gros sabots théoriques et de dispositif de Fantasmes. Pour une oeuvre confirmant la singularité d'un cinéaste/agitateur unique en Corée du Sud...