Faux semblants
Film d’auteur à l’apparence très classique, tourné en intérieur dans un quasi huis-clos, Raincoat fait la part belle aux acteurs et à leurs personnages en décrivant de manière très intimiste les faux-semblants d’une société bourgeoise décadente, qui ne conserve que l’illusion de la réussite sans en avoir les moyens. Jeune cadre au chômage, Manoj n’a en effet plus un sou en poche et hésite à aller emprunter de l’argent à ses amis de jeunesse pour lancer une affaire. Dans sa quête humiliante pour son amour propre, il rend visite à Neerja, sa promise qui lui a préféré un riche propriétaire pour mari, et la découvre seule, laissée à l’abandon, avec des dettes insurmontables. Tous deux vont jouer au chat et à la souris au travers de dialogues volontiers mystérieux et retords, pleins de sous-entendus et de non-dits pour masquer une vérité inavouable.
Ghosh signe un travail soigné, notamment sur le plan de l’ambiance avec une photographie superbe et une présence de la pluie qui est presque à elle seule un personnage à part entière. On compare parfois ce jeune réalisateur bengali au grand Satyajit Rai, avec qui il partage des thèmes identiques (décadence bourgeoise, place de la femme dans la société) et une étiquette « auteuriste » très prononcée, mais auquel il manque un souffle, un style, un propos clair qui lui permettrait de dépasser ce statut de simple élève appliqué à sa tâche. Il a heureusement ici 2 acteurs très impliqués dans la complexité de leurs rôles : Ajay Devgan tout d’abord, dont les nerfs semblent craquer au fur et à mesure qu’il se rend compte que les objectifs de sa vie (amoureux, professionnels) ne sont pas comblés, mais aussi Aishwarya Rai qui, de film en film, développe une finesse d’interprétation remarquable qui a réussi à la sortir du gros risque « sois belle et tais toi » dans lequel nombre de ses collègues mannequins seraient tombés la tête la première…