Un douloureux passé 
Que la Barque se brise, que la jonque s'entrouvre du réalisateur Cambodgien Rithy Pan est une révélation dans ce Festival, même s'il semble ne pas avoir touché le public. Par manque de moyens, le film est tourné en vidéo et situe l'histoire au cœur d'une communauté vietnamienne dans le VIIIeme arrondissement de Paris. C'est dans ce milieu que l'auteur va décrire les relations troublante de Mihn (un jeune taxi) et Bopha (propriétaire d'un petit restaurant)
Le film s'ouvre sur Bopha, femme d'âge mur à qui tout semble réussir. Tenante d'un modeste restaurant Vietnamien, elle vit en compagnie de ses deux filles et entretien de bonne relation avec d'autres membres de sa famille. Puis apparaît Mihn, jeune chauffeur de taxi sans grande ambitions qui multiplie les petits boulots dans une épicerie. Les deux personnages seront amenés à se rencontrer, lorsque Mihn sera chargé de conduire Bopha dans un petit casino fréquenté essentiellement par des vietnamiens. Intrigué par cette femme, Mihn s'aventure à son tour dans ce milieu qui lui est complètement étranger.
La relation amoureuse qui en découle se veut plus complexe qu'elle en a l'air. En effet, au fur et à mesure du récit, Rithy Pan révèlera le passé douloureux de ses personnages qui viendra gangrener une liaison déja mis à mal par un environnement hostile. Et c'est sur ce thème du souvenir que le film va prendre toute son ampleur. Bopha est rescapée du génocide Khmer rouge pendant lequel elle a perdue son mari et son père, et Mihn quant à lui, est un ancien Boat People qui a vu sa propre mère se sacrifier pour lui sauver la vie. C'est donc meurtri dans l'âme et physiquement que l'on découvre ces personnages, leurs profond amour, puis par la suite, son désagrègement.
Mais Rithy Pan va plus loin, et ne se repose pas uniquement sur le passé, mais aussi du contexte social qui englobe et finit par détruire ses personnages. Mihn, qui au début du film, apparaît comme un homme lucide, est introduit dans l'univers du jeu qui finira par l'engluer et transformera profondément sa personnalité. Paradoxalement, c'est Bopha qui le contraint à jouer "pour elle" selon ses propre termes. Aveuglé par sa passion il accepte, mais prendra malheureusement goût à ce "loisir" et finira par s'endetter. Son seul recours reste ses amis, avec qui sa relation deviendra de plus en plus difficile. Entre-temps, Bopha communique difficilement avec sa fille qui cherche à comprendre l'origine de sa cicatrice.
La désunion, Rithy Pan la veut progressive et sans excès pour arriver à cette formidable confrontation entre Mihn et Bopha lors d'une partie de poker, durant laquelle leur propre amour est mis en jeu, amour représenté par ce collier de Jade (que Mihn lui avait offert peu de temps avant).
Avec Que la barque se brise, que la jonque s'entrouvre, Rithy Pan signe un film sur le constat amère d'un douloureux passé et, par le biais de la romance, dévoile deux personnages d'une grande beauté. Un film touchant.
Passé présent
"C'est faute d'aimer, que l'on songe à la distance"...
Deux écorchés vifs, deux identités à la dérive vont se trouver avant de se perdre dans une passion commune. Des êtres de deux nationalités différentes au même passé tragique, 'lune ayant fui le régime de terreur des khmères rouges, l'autre un boat people vietnamien. Deux peuples, qui ont subi la malveillance de leurs "leaders politiques", qui ont réussi jusqu'à enflammer la haine du "petit peuple", comme démontré lors de cette marquante séquence du pique-nique, où un cambodgien reproche au vietnamien de leur avoir "volé" leurs terres (une partie du Cambodge avait été "annexé" au Vietnam.
Film interprété par des acteurs non professionnels issus des communautés asiatiques de Paris, Panh semble également glisser beaucoup d'anecdotes personnels ou des témoignages d'autres personnes en dévoilant petit à petit le douloureux passé de ses personnages. Des témoignages édifiants de la mise à mort de certains parentés, des dessins d'enfants prouvant un certain traumatisme jusque la confession faite à un moine pour tenter "d'expier" ses traumatismes d'enfance, qui vont jusqu'à s'attaquer au corps (Bopha - abréviation symbolique de "Bophana" et dont la traduction littérale est "Fleur" - souffre de crampes, son corps tellement crispé par ses souvenirs accablants).
Un autre témoignage édifiant du règne de khmères rouges, dont les conséquences du passé au présent sont aussi désastreux que ceux de l'engrenage infernal du jeu: il dépouille les êtres de leur véritable nature et identité et leur prend tout - jusqu'aux êtres proches...
