Maîtrise formelle ahurissante pour un résultat inégal
Le gros problème de Pistol Opera c'est sa contradiction. Tandis que Suzuki évoque tout un pan de son cinéma post 63 et s'auto-cite dans les grandes lignes (Pistol Opera étant le remake de La Marque du tueur), il fond dans le grand n’importe quoi nonsensique, et joue de sa propre théâtralité. En soit, Pistol Opera n'est pas un film à proprement parlé, mais bien une relecture stylistique de ses classiques formels, exigeant de son spectateur une bonne connaissance de son cinéma et des codes du polar pop jazzy. Pistol Opera a donc la saveur des films d'antan, calque sans grande profondeur même si visuellement ébouriffant (voir fatiguant), se fichant des limites mêmes du format pour davantage exploser et faire transparaître la sueur d'un cinéma anarchiste, libre de toutes conventions, poussant le vice jusqu'à trouver un rythme grâce à un score reggae. Certaines séquences sont ainsi mémorables (la poursuite entre l'handicapé moteur et Numéro 3, le duel final opposant Numéro 1 et 3), hélas plombées par l'absence totale de cohérence ou de liaison, le film de Suzuki n'étant qu'un pur récital d'idées en tout genre (personnage insensible, enfant voulant apprendre à tuer, utilisation récurrente de planches dessinées), comme une sorte d'attraction un peu longue et périlleuse mais dotée d'un final renversant.
La bravoure des grands Suzuki n'est pas là et le grotesque du film ne correspond pas avec l'image sous-jacente que Suzuki tente de ressortir (le thème musical de La Marque du tueur peine à convaincre malgré ses élans nostalgiques) et les innombrables symboliques récurrentes. Comment peut-on effectivement justifier la symbolique du chien errant ou celle du train, filmés sans aucun son? Ce ne sont pas non plus les nombreuses ellipses ou les tours de force formels totalement vains qui changeront la donne (après avoir été touché d'une balle, le portrait du Numéro 3 se brise comme du verre) , pas même ce duel final rappelant Le vagabond de Tokyo par sa théâtralité et ses décors épurés à l'extrême. Pistol Opera se voit donc avant tout comme une démonstration visuelle avant d'être un objet de cinéma.
Quelques mots de Suzuki :
"C'est un remake de La Marque du tueur. Le fait que le héros soit un homme posait des problèmes au niveau du scénario. Je l'ai donc remplacé par une femme. J'en ai fait de même avec le rôle du tueur N°1. J’étais également sans actrice pour les scènes d'action. Alors j'ai eu recours à des femmes à la démarche gracieuse et légère, quasi félines. Je les ai recrutées dans un club sportif. L'une d'entre elle était donc Makiko Esumi (dans le rôle du tueur N°3). Elle était joueuse de volley ball. Elle a un visage d'une grande beauté plastique. Son rôle est mi-masculin, mi-féminin. Elle a su jouer parfaitement la dureté qu'il exigeait sans perdre sa grâce féminine. Son caractère se prêtait bien au personnage. Quant à Sayoko Yamaguchi, elle fut excellente dans le rôle du tueur N°1. J'ai bien fait de miser sur elle. J'ai eu de la chance". ©Propos recueillis par Fabrice Arduini
La Marque d'un Grand
Après Fukasaku Kinji et Imamura Shohei, c'est au tour d'un autre papy électrique du cinéma japonais de montrer aux jeunes générations pourtant talentueuses et souvent biberonnées à son cinéma qu’il faut encore compter avec lui. S’il n’égale pas les grandes réussites suzukiennes des années 60, Pistol Opera offre une synthèse réussie des deux parties de la carrière du cinéaste : celle des années de relecture surréaliste du cinéma de genre et la seconde partie de carrière marquée par une plus grande présence d’éléments japonais traditionnels.
Car dès les premières images -ce tueur au travail depuis le toit d'un immeuble qui se fait prendre pour cible et se sauve in extremis, sa chute étant filmée avec une grande distance- l'art consommé du polar décalé de Suzuki est de retour ce que vient confirmer un générique mélange de motifs bondiens, clichés de générique de polar, collage surréaliste et kabuki. La variation sur son classique la Marque du tueur peut alors commencer (avec comme grande différence par rapport à l'original une importance accrue des personnages féminins). Très vite, le film met en évidence la forte artificialité de ses personnages.
Cette artificialité débouche vers une grande théâtralisation du récit, marquée au début par la scène où l'on voit Numéro 3 s'entraîner chez elle filmée en ombres chinoises. A ce propos, Suzuki coupe à plusieurs reprises le son dans certaines scènes: les dialogues joués avec un coté légèrement décalé par les acteurs paraissent alors détachés du récit ce qui renforce l'artificialité revendiquée. Le décalage peut être également créé par des bruits évoquant des éléments qu'on ne verra jamais dans le plan: bruits d'hélices ou de rythmes quasi-militaires. Une des forces du film est de ne jamais sombrer dans le grotesque malgré une galerie de personnages caricaturaux ou bizarroïdes: le jeune frimeur à lunettes, le tueur lourd dans tous les sens du terme, le tueur en chaise roulante qui poursuit Numéro 3, le Caucasien incapable de ressentir la douleur même lorsqu'il se plante un couteau dans la main, la tueuse masquée aux attitudes héritées du théâtre traditionnel japonais. Le coté caricatural des personnages est justement une référence aux bad guys des James Bond années 60.
Si justement Suzuki évite en permanence le grotesque, c'est grâce à son art consommé de la mise en scène: la course poursuite avec le tueur en fauteuil roulant est filmée avec une grande distance qui est aussi celle du spectateur au récit, Suzuki crée la durée à coup de longs plans d'une grande puissance contemplative, il offre des zooms et des mouvements hésitants de caméra hérités du cinéma de genre japonais des années 60 exécutés avec une grande maîtrise, un peu comme si dans la fleur de l'âge il arrivait à concilier audace et maturité dans un même mouvement. Lorsque la caméra s'approche dans un long travelling avant par moments tremblants de la tueuse transpire la maestria formelle du cinéaste et de sa capacité à théâtraliser une situation.
Scénario prétexte à un déploiement de maestria stylistique et de visions surréalistes? Bien sûr mais le canevas narratif choisi offre assez de liberté pour que ce désir d'ignorer la logique narrative élémentaire fonctionne bien mieux que dans la Taisho Trilogy. Mais ce faisant on débouche sur quelques idées se vautrant dans le ridicule (le chien se balladant près d'un mur comportant des portraits de Marx, Nietzsche et Einstein par exemple...) et quelques longueurs. On a beaucoup de plaisir à retrouver le coloriage kitsch travaillé de Suzuki: il fait merveille lors des scènes quasi-fantastiques au bord d'un fleuve évoquant le Styx -on retrouvera d'ailleurs des suppliciés des enfers à la fin du film- ou lors de situations quasi-surréalistes.
Spoilers Parmi elles, un canapé dix-huitième siècle au milieu d'un décor urbain, la tueuse masquée donnant à manger à des enfants sur une table évoquant le Château de Versailles en plein milieu d'une scène vide qui ne dépareillerait pas dans une pièce de Beckett, le spectacle au sabre froid et précis. Un des personnages dont la moustache rappelle Dali renforce la référence. A signaler aussi une belle scène où l'on voit l'ancien Numéro 3 éructer contre Numéro 3 en ombre chinoise derrière une porte. Mais la splendeur picturale et théâtrale va exploser dans la variation sur le duel final: les deux tueuses y sont amenées par des portes tournantes portant des photos d'Hiroshima, de la Rome antique ou meme une horloge sur fond jaune poussées par des suppliciés des Enfers teints en bleu, le décor mélange coloriage kitsch et colonnes romaines, on voit la tueuse voilée se livrer à l'exécution d'un ballet, des tableaux rappelant Goya ou l'image de l'explosion d'Hiroshima surgir subitement du sol. Fin Spoilers L'humour très présent contrebalance en permanence le coté trop théorique que risquerait d'avoir le film.
A l’époque des studios, les contraintes commerciales avaient permis à Suzuki de réaliser une série d’œuvres aussi politiquement subversives que d’une grande modernité. Avec désormais les mains libres artistiquement, il offre un film moins abouti mais n’ayant pas à rougir de la comparaison avec ses contemporains comme avec la jeune garde nipponne. Pistol Opera nous rappelle juste que la modernité suzukienne est loin d’être dépassée à l'heure où ses admirateurs dénommés Jarmusch, Tarantino, Kitano ou Woo l’ont recyclée, ce qui n’est déjà pas si mal…
Jeune premier!
Ah.... vraiment!! ça fait plaisir de voir un jeune réalisateur (84 ans!!) débordant à ce point d'imagination et d'énergie pour le moins communicative, et surtout faisant preuve d'intelligence et d'humour.
Un film rafraîchissant et motivant, petit budget, mais GRAND talent à suivre (sic)!
Imparfait, certes mais fascinant certes aussi
Ici Suzuki met tout ce qui fait son style à plan. On peut résumer ca a: le cinéma c'est de l'illusion, du pipeau donc tout est possible. Si Suzuki bouscule les conventions du récit de la continuité, du montage, ce n'est pas pour être nouveau, plus intéressant ou même signifiant, c'est juste parce que dans le fond le cinéma ce n'est pas sérieux. Donc autant s'amuser et faire partir dans tous les sens l'image, le scénario, les personnages. Malgré l'une ou l'autre chute de rythme (mais c'est un peu le péché mignon de Suzuki), ce film par sa désinvolture radicale est un must, une pure réussite.
Chef d'oeuvre
A 78 ans Seijun Suzuki fait avec Pistol Opera une œuvre remarquable et unique, préfigurant le non moins remarquable Princess Racoon.
Hors compétition au dernier festival de Cannes 2005 Pisutoru Opera semble être un exercice de style pour l’un des plus grands cinéastes japonais, dès le générique on comprend que l’on va voir quelque chose de nouveau.
Ce film respire la vie, la jeunesse, et le grand art. Mêlant habilement kabuki, pop art, film d’auteur, polar…le tout servi par une musique « jazzy », Seijun nous livre une peinture baroque, surréaliste, très contrastée en couleurs, sur un fil narratif hyper simple :n°3, Stray Cat, joué par Makiko Esumi hyper belle, découle son histoire pour tenter de devenir tueuse professionnelle n°1.
En chemin elle rencontre divers personnages qui vont agrémenter son récit d’une poésie visuelle . Il y a de magnifiques scènes-plans, le montage est parfois surprenant, le raccord son est parfois décalé, voire coupé, les gestes aussi, ils ne sont parfois qu’amorcés. C’est kitch, abstrait, futuriste et novateur, bref, l’un des plus beaux films que j’ai vu.
Dur dur d'accrocher...
Malgré tous mes efforts, j'ai arrêté de le regarder avant la fin. La magie n'a pas du s'opérer avec moi, car je l'ai vraiment trouvé pénible. J'ai pas aimé la façon dont le film a été fait, que ce soit l'ambiance que le réalisateur a voulu donner, le jeu des acteurs ainsi que la BO.
Un film des années 70 réalisé dans les années 2000 ? Qui d'autre que Suzuki Seijun pouvait faire ça !
Suzuki m'a comblé avec "Pistol Opera", dans le sens où je suis resté nostalgique de certains films nippons des seventies, ultra-stylisés, kitschs, arty, etc... Alors voir un film tel que celui-ci dans les années 2000, c'est le pied total. Surtout quand c'est de Suzuki, le type qui a réalisé entre autres "Tokyo Nagaremono" et "Branded To Kill" que je considère comme des must-see dans le genre. Et d'ailleurs, "Pistol Opera" reprend l'esthétique minimaliste et flashy du premier ainsi que la base scénaristique du second, en plus du côté "je me permets tous les excès" (usage du format 4:3 pour donner une densité de couleurs égale sur toute la surface de l'image, disparition du son à certains moments, etc...), proche dans l'esprit des films de la nouvelle vague française.
Pour moi, il ne faut pas trop chercher à y voir un scénario constructif ou une quelconque morale, puisque ce film de Suzuki est avant tout basé sur son style ultra-affirmé, de son générique du début jusqu'au fauteuil baroque qui traîne dans la cour.
Quant au jeu des acteurs, il est certes ultra-théatral, mais là aussi, j'adore.
Pour l'anecdote, j'ai une fois regardé le film sans le son, juste pour pleinement me concentrer sur la gestuelle des personnages... assez travaillée faut dire.
??!/,§!!
autant prévenir tout de suite, c'est à réserverr aux plus curieux et ouverts, car PISTOL OPERA est difficile à appréhender et donc difficile à juger (il faudrait un? dans les notes possibles).
pour ce qui est plutôt une bonne idée, PISTOL OPERA se lâche au niveau de l'expérimentation et l'aspect formel est séduisant sur plus d'un plan.
ce qui m'a rebuté c'est la direction d'acteurs, digne d'une parodie de film intellos par les inconnus, c'est à dire complètement artificielle (comme tout le film d'ailleurs); moi ça me fout plutôt la haine. la réalisation est on ne peut plus osée et casse gueule, limite foutage de gueule parfois, là aussi ça a du mal à passer, c'est complètement anti-efficace, alors que LA MARQUE DU TUEUR restait très accessible.
cela donne un résultat abstrait, surréaliste, quelque fois magnifique visuellement, trop symbolique et outrancier pour que j'accroche un minimum à l'histoire; enfin c'est une vraie curiosité, entre Godard, monthy python, dolls ou SUZUKI avant. (les références c'est plutôt moyen mais c'est pas facile à décrire non plus)
ps: quand j'ai vu ça je sortais de "LA VIE EST UN MIRACLE" de Kusturica (excellent au passage), est c'est tellement antagoniste comme vision du cinéma que passer de l'un à l'autre n'est pas évident.
LE PLUS GRAND FILM DE SEIJUN SUZUKI ?
PISTOL OPERA est un choc. c'est le genre de film qui ne peut laisser indifférent.
Apres plus de 20 ans ou sa production de films s'est fait plus que rare, seijun SUZUKI nous revenait en 2002, à l'age de 78 ans,
encore plus insaisissable, preuve de son incroyable vitalité artistique.
SUZUKI a été le réalisateur rebelle de la nikkatsu, un studio spécialisé dans le film de genre et plus précisemment dans le pinku-eiga et autre roman-porno.
la nikkatsu a connu son apogée dans les années 60-70, avec un style bien a elle: pop,coloré et jazzy...
Suzuki a été un des créateurs les plus fascinants de l'époque.
Il a réinventé tous les genres auxquels il a touché:
policier (detective bureau)
ninkyo-eiga (la vie d'un tatoué)
jitsuroku (le vagabond de tokyo, la marque du tueur...)
C'était bien plus qu'un formaliste,c'était un véritable auteur qui a transcendé le film de genre nippon pour en faire un croisement artistique improbable entre le pop art, le kabuki, le film d'auteur europeen, le polar voir meme la comedie musicale!!
PISTOL OPERA reprend les choses là ou SUZUKI les avaient laissé avec BRANDED TO KILL (la marque du tueur en vf), autrement dit avant de se faire virer de la nikkatsu
Avant de visionner le film,on se pose plusieurs questions:
pourquoi refaire la meme chose 30 ans apres?
Pourquoi Suzuki fait il un remake d'un de ses propres films?
je rappelle l'histoire:
Stray Cat, alias n°3, est une tueuse professionnelle. Contrat après contrat, elle exécute son travail avec la conscience professionnelle nécessaire,mais sans s’y investir totalement. Mais l’hécatombe d'autres tueurs autour d’elle, signe d’un changement de pouvoir, l’oblige à affronter le mystérieux n°1, " Hundred Eyes ".
c'est le meme plot que dans branded,sauf qu'ici on est en présence d'une tueuse et non d'un homme....
Pourtant,si on y va pour voir un "branded to kill 2", on risque d'etre extremement décu
PISTOL OPERA, c'est bien plus que ca.
C'est autre chose. Ce n'est meme pas un "film" comme on l'entend habituellement, c'est une idée de cinéma,un songe filmique intellectualisé...
Assurement, Pistol opera est l'oeuvre la plus difficile d'acces de SUZUKI.
On déteste ou on adore.
Le détester est facile, puisque celui ci ne ressemble a rien de vraiment connu.
Ce n'est plus un film, c'est un concept.
C'est ca pistol opera, c'est le "concept suzuki" traduit a l'écran.
On y retrouve tout ce qui se trouvait dans les precedents films de suzuki, mais conceptualisé et condensé en un seul.
Un ami qui l'avait vu à l'étrange festival m'avait prévenu:
beaucoup de personnes se sont heurtés a un mur en le voyant,à un film "autiste", tellement abstrait et symbolique qu'on ne sait pas de prime abord si on l'a aimé ou detesté.
Et effectivement, autant prevenir tout de suite:
PISTOL OPERA est une experience filmique unique qui risque de dérouter.
Déjà, oubliez toute histoire.
Elle n'est que pretexte, ou plutot "idée".
En fait, le film est une serie de situations, d'impressions abstraites.
On prend les personnages par exemple.Que des stéréotypes.Mais justement, suzuki joue sur ces stéréotypes, non pas en les détournant par l'ironie, mais en leur donnant du sens.
Mais de toute facon, l'interet n'est pas la.Le film pourrait se faire sans dialogues que ca ne changerait rien.
En cela,SUZUKI se fait le disciple de gens comme BRESSON, pour qui chaque geste vaut bien 10000 mots.
Ainsi le film se presente comme le terrain de toutes les experimentations gestuelles.
Par exemple, lors de certaines actions,certains gestes sont mimés,voir meme juste amorcés!
Mais cette recherche de l'abstraction gestuelle se double d'une imagination visuelle rarement atteinte...
Là,c'est un véritable feux d'artifice.
on manque d'adjectifs: surréaliste, baroque, kitch, théatral, futuriste, abstrait, réaliste....
le réalisateur nous présente des tableaux visuels a la fois géniaux, grandioses, grotesques, hallucinant....et déroutants par certains moments.
Il n'y a qu'à voir ces tueuses à gage se balladant et agissant comme des personnages du théatre kabuki!
et que dire de l'utilisation du son...
Parfois,le son de la scene est décalé(!),voir meme coupé brievemment(!), toujours dans une ambiance jazzy du plus bel effet...
vous l'aurez compris,PISTOL OPERA est un film a part.
Est-ce pour autant le meilleur film de suzuki?
c'est une oeuvre-concept qui peut choquer les amateurs du suzuki"branded to kill" 60's,le mauvais garnement qui faisait subir un traitement si particulier au cinema de genre nippon, tout en donnant dans le divertissement....
Une balle dans la tête
Critique difficile - et note très certainement à re-voir - quand j'aurais vu l'oeuvre entière du pretendu grand Suzuki.
Je n'ai eu la chance de posséder pour l'instant que l'édition Criterion de la "Marque du Tueur", un chef-d'oeuvre pourtant difficilement approchable lors d'une première vision; et j'ai été d'autant plus curieux de regarder cette version différente (et differée) de l'oeuvre sus-citée; malheureusement, la magnifique intro - et peut-être encore la poursuite par l'homme en fauteuil roulant - passées, l'experience a tourné court en ce qui me concerne.
Bien des images étaient très intéressantes, le travail sur la bande-son osée et intélligente; mais je dois avouer avoir été gagné par une torpeur infinie, d'attendre un coup d'éclat final, peut-être un re-virement total de ton - comme dans "La Marque du Tueur" pour ne finalement être qu'amèrement déçu.
Sans doute synthèse de tout son travail antérieur, peut-être un prolongement de ses idées; un monde hermetique et clos pour moi, alors que je me pense cinéphile, amateur d'éxperiences visuelles et de mondes et personnages décalés...
"Killing can blossom onto great artwork" dit l'un des protagonistes du film et exprime très certainement un point de vue cher au réalisateur; pour moi, "Pistol Opera" est loin d'être un tableau exposable...
deroutant
à revoir
Jean-Luc Godard
Il n'y a qu'un défaut, à Pistol Opera, les décors surréalistes de la scène (presque) finale. C'est tout. Le reste, c'est la mort. Le cinéma après la fin du cinéma. C'est Jean-Luc Godard, Hélas pour moi, Forever Mozart, Eloge de l'amour, d'autres. L'erreur serait de considérer Pistol Opera comme un film cinglé. C'est faux. Rien de plus sérieux, calculé, rigoureux, que ce film. Contre la verbosité branlante de Tsukamoto, Miike ou Ishii, Seijun Suzuki renoue avec le silence fétichiste de Bresson, où une main et un canapé ont plus d'importance que tous les événements du monde. L'image, c'est l'événement. Et le reste, comme dans Hamlet, est silence. Pistol Opera est tout entier images, c'est-à-dire non pas cinéma (l'erreur serait de comparer les délires de situation de Pistol Opera avec ceux de certains films de cinéma Z italien, comme par exemple Danger : Diabolik de Mario Bava), mais DE cinéma. Le manque où s'inscrit le cinéma, c'est là le champ de image. Les déhiscences du montage. Le trou du noir. Le regard, c'est tout ce qui sort du plan. Le plan lui-même est du néant. Bazin avait raison. Mais tout à l'envers. Seijun Suzuki rappelle pourquoi.