Ordell Robbie | 2 | Talent de filmeur et personnages pas assez creusés. |
Fablin | 3.75 | |
Xavier Chanoine | 3.5 | Une soirée de chien par un mec prometteur |
Anel | 3 |
Parking c’est la surprise d’un cinéma âpre, humain et particulièrement violent prenant lieu et place à Taipei durant toute une nuit agitée. Selon les dires du cinéaste, la place de parking est une métaphore pour parler des gens qui vivent une situation difficile. Comme une grosse majorité des véhicules immatriculés à Taipei, les personnages errent dans cette société urbaine, se glissent n’importe où même de manière illégale et gênent surtout le bon déroulement des choses, aussi bien ce gâteau sur lequel s’est assis Cheng Mo (Chang Chen) par inadvertance et ruinant ainsi son cadeau, que ces deux voitures garées à proximité de son véhicule l’empêchant ainsi de partir. Pire, même Cheng Mo bouscule le bon déroulement des activités de la mafia locale ou du proxénète du quatrième étage en se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. Parking démontre donc qu’une simple voiture garée en double file peut bouleverser la soirée (la vie ?) d’un type qui n’a rien demandé et qui voulait juste rentrer chez lui dîner avec la femme qu’il aime. Découpé de manière intelligente, le film brosse le portrait de chaque personnage nouvellement rencontré et explique comment ils en sont arrivés à ce qu’ils sont maintenant. De manière souvent cruelle et désespérée, le jeune cinéaste Chung Mong-Hong parvient à dépeindre un Taipei sombre en un endroit de rêve utopique pour ceux qui désirent quitter la Chine continentale, comme cette jeune fille de campagne promise aux joies de la vie urbaine mais qui endossera le rôle de prostituée pour payer ses dettes. Elle reflète à elle-seule les ambitions surréalistes et utopiques d’une jeunesse aveuglée par la découverte d’ailleurs.
En mêlant les genres de manière roublarde, le cinéaste réussit à évoquer la crise que vit un couple, Chang Chen et sa femme, causée en grande partie par la stérilité de cette dernière. Dans cette ambiance inquiétante transfigurée par une photographie de haute volée, on y croise mafieux et proxos douteux, tailleur sans talent, clocharde, barbier manchot, vieux couple reclus s’occupant de leur petite fille et une tête de poisson dans un évier qui ne tardera pas à devenir célèbre. Et c’est justement la destruction des bases (qui ne prêtent pas à rire) établies par le cinéaste grâce à l’utilisation d’une grammaire vraisemblablement comique qui provoque le décalage attendu dans une production qui respire l’esthétisation à outrance et la signature « auteur » qui plait tant aux festivals (sa sélection à Cannes 2008 dans la section Un Certain Regard n'y est pas étrangère). De plus, il est intéressant de noter comment deux extrêmes peuvent se frôler à l’intérieur d’un seul et même film, entre un cadre qui se masturbe face à une prostituée entrain d’uriner et les câlins de Cheng Mo avec une petite fille devenue complice le temps d’une présence porteuse d’espoir. Rarement la crasse n’aura été mariée avec la beauté/bonté humaine de si belle manière dans le cinéma asiatique récent. Au final, Parking est une œuvre décomplexée, à la grammaire cinématographique pointue, ambitieuse et un poil flambeuse dans son exécution qui réussit à faire de cette « soirée de chien » un authentique moment de rencontres improbables.