[Critique du film dans son exploitation DVD raccourcie de 30mn]
Très humains? Inhumains? Le personnages de Liu Fendou ont au moins le mérite de proposer quelque chose à l'écran, une prestance exceptionnelle que l'on soit d'accord ou non avec ce que le cinéaste désire en faire pour assommer son spectateur dont il se fiche éperdument. Dans Ocean Flame, une pauvre serveuse dans un café (Li Chuan) tombe amoureuse d'un type professionnel du chantage qui la désire mais la hait tout autant. Il s'en fiche à vrai dire, c'est un mec à nanas, n'hésitant pas à se taper l'amie de son collègue pour tester l'amour de celle qui l'aime tant. Elle l'aime passionnément quitte à en prendre pour son grade et à passer pour la prostituée de service le temps d'une mission. Mais ce qui est intéressant ici, c'est la métamorphose de chacun : l'un teste l'autre, l'autre n'abdique pas. Chacun perd un peu de lui, chacun devient esclave de l'autre, la jeune fille timide du début endossera peu à peu le rôle de veuve noire et au maton d'un jour d'être pris au piège et de ressortir de prison huit ans plus tard pour retrouver la responsable de son incarcération. Si Ocean Flame part sur de bonnes intentions, notamment dans le soin absolument extrême porté à la mise en scène et à la narration très libre, jamais on ne peut éprouver la moindre compassion pour les personnages. Parfois, les hommes de Liu Fendou ressemblent un peu aux gangsters Kitaniens : grandes gueules, mais grands enfants. Les nombreuses séquences à la mer renvoient effectivement au côté "cool" de Kitano notamment lorsque Wang Yao et son ami partagent un moment à la plage comme pour oublier la bagarre de la veille à l'hôpital, ou lorsqu'il se fait enterrer avec Li Chuan dans le sable par des gamins dans l'impossibilité de se soustraire face aux baffes de Wang Yao.
Le sentiment après la projection est très étrange, autant les personnages sont minables, damnés, enfermés et reculés de tout, autant on se plait à les voir en bonne santé, faire la fête au bord de la mer, s'aimer en quelque sorte, le film n'est d'ailleurs pas avare en séquences planantes d'une poésie quasi insoupçonnable mais pourtant bien réelle : tout l'art du cinéma de Liu Fendou, cette capacité énervante à produire du cinéma à part, juste et incroyablement bien structuré malgré l'infecte misogynie se dégageant de l'ensemble comme lorsque Li Chuan menace Wang Yao de le poignarder ou lorsque ce dernier la maltraite le temps d'un plan-séquence sidérant au bord de la mer. Il faut avoir les nerfs bien accrochés pour supporter ces gerbes de violence quasi passionnelles, masochistes, surréelles. Et le pire dans tout cela, c'est que Liu Fendou distille une vraie poésie et parvient à scotcher le spectateur par tant de maîtrise visuelle : la barque qui prend feu sous les regards amusés de jeunes mariés, la première séquence "nue" sur les rochers, la ballade en double-taker cabriolet, le sang qui se répand dans l'eau de la baignoire en fin de métrage, le film enchaîne les tours visuels avec une vraie force tranquille ce qui a le don d'agacer tant ceux qui le font vivre ne sont que de petits branleurs attirés par le sexe et le chantage faciles. Comme quoi un salaud peut changer une personne simplement par son emprise sur elle. A noter le caméo de Simon Yam, discret mais présent, plus utile qu'on ne croit. Roublard en quelque sorte, Liu Fendou l'est tout autant, mais il le fait avec un vrai et sérieux talent.
Les critiques de Carth et Happy résument bien les choses, j'ai eu à l'esprit à peu près les même pensées à la vision de ce mémorable OCEAN FLAME.
Adapté de Wang Shuo, l'histoire est donc grinçante, dérangeante et bouleversante, ce qui n'est pas étonnant quand on connaît le côté provocateur des romans de WANG SHuo. La réalisation fait rapidement penser à Kitano, pour les ellipses, les plans fixes, le bord de mer, et aussi pour la violence du propos. J'ai aussi pensé à KIM ki duk tout comme Carth, mais LIU fendou impose quand même son style. Le film est puissant, dur, énervant, à l'image du personnage Wang Yao, complètement antipathique, et que l'on aimerait bien voir morfler tant il le mérite. Par contre aucun des autres personnages n'attire vraiment l'empathie, à part la jeune serveuse innocente au début du film, car ensuite on ne peut plus vraiment la plaindre malgré le triste sort qui lui est réservé.
Bref OCEAN FLAME est pour moi un film différent de la production courante, très fort, plein de bile, rageant et magnétique en même temps. Ce n'est pas un énième drame dont on oubliera la vision le lendemain, mais il aura du mal à séduire le grand nombre tant la misanthropie qui s'en dégage est crument balancée à la face du téléspectateur. Une vraie claque dans la face qui donne même envie de riposter. Du cinéma physique. Un réalisateur qui s'impose en l'espace de deux films.
Liu Fendou est une personne tout à fait horripilante et ses films sont tout à son image.
"Ocean Flame" est un film, que j'ai détesté aimer…ou plutôt aimé détester.
C'est un vrai artiste – sauf qu'il le sait. Un réalisateur de talent avec un vrai sens de l'image, une incroyable direction de ses acteurs et un don pour raconter des histoires…
Un homme de talent, mais conscient de son talent, comme en témoigne la roublarde mention au générique de son film (juste en dessous du titre): "A second movie by…"; mais à la différence d'un Edmond Pang et de son "Isabella", Liu est un vrai artiste, alors que PAng ne sera toujours qu'un artisan doué.
Alors, qu'est-ce qui irrite tant dans le cinéma (à ce jour) de Liu ? Ce sont ses histoires. Sa vision du monde et des personnages. Liu déteste ses personnages et méprise l'humanité. C'est un énorme misogyne et il aime faire souffrir les femmes à l'aide de personnages masculins, qu'il déteste tout autant. Un homme, qui a un vrai problème avec les femmes.
Dans son premier, "Green Hat", il en faisait déjà voir de totues les couleurs à son couple principal, dont l'homme n'arrivait plus à bander (et donc à satisfaire sa femme), tandis que son épouse s'épanouit dans une relation extraconjugale.
L'heure de la vengeance a sonné: cette fois, c'est l'homme, qui va mener la femme à la baguette; soit donc un caïd roublard, qui va se jouer des sentiments amoureux d'une serveuse, comme d'autres s'amusent à arracher les ailes d'une mouche. Leur relation, passionnelle, amorce une incroyable spirale infernale, dans laquelle le spectateur se fera happer…ou restera indifférent devant tant de violence (verbale et psychologique, avant d'être – aussi – physique). A avouer, qu'il lui en fait voir de toutes les couleurs et que certains épisodes sont un peu gros (et trop), tel l'avortement; en même temps, Liu déploie une perversité méticuleuse pour représenter cette spirale…et des nombreuses scènes resteront à jamais gravées dans la mémoire, comme celles de l'hôtel.
On pense à la férocité d'un Kim Ki-duk à ses débuts (enfin…à partir d'un "Birdcage Inn" ou "Bad guy"); il y a ce même malaise clairement palpable durant la projection. L'histoire vogue vers son dénouement tout à fait logique, quoique terrible (même si je pense, que le dernier coup de feu à l'image était tout à fait inutile).
J'ai horreur de ce film; mais je dois avouer avoir développé une fascination tout à fait morbide; tant de mépris et de rage accumulé à l'écran est rare de nos jours et donne une certaine énergie fascinante. Le film, qui m'a fait comprendre, ce que Frodon a dû sentir à porter l'anneau dans "Le seigneur des anneaux"; un film, qui m'a donné envie de le revoir au plus vite; de le voir et re-voir, analyser dans ses moindres détails, le posséder pour me faire posséder. Une relation amour-haine immatérielle, comme il n'est possible d'en vivre que grâce au cinéma.