C’est à croire que Kowloon, dans le cinéma Hongkongais, est le terrain rêvé pour exploiter au maximum la violence et le chaos, où les gangsters et les flics sont dépassés par la population locale composée de mecs mal famés et à la limite d’être indestructibles, comme ce mendiant que le cinéaste se plait à comparer à un arbre. Au départ, The Moss démarre comme un classique film de règlements de compte sous fond de prostitution, de vols et de pauvreté. La police fait ce qu’elle peut pour faire régner un semblant de calme, les filles se planquent dans les coins pour éviter de se faire embarquer parce qu’elles vendent leur corps même au plus jeune âge, les bagarres sont monnaie courante. En toile de fond, des vols perpétrés par les réfugiés indiens du coin et un enlèvement d’une gamine par un clochard invincible. Dans ce merdier (on ne peut vraiment pas appeler cela autrement), Jan oscille entre ripoux et vrai homme de justice, n’hésitant pas à donner de sa personne pour piéger les macs et, par la même occasion, régler ses comptes à sa manière, jusqu’au jour où l’enlèvement d’une gamine va bousculer ses habitudes, ce dernier ira jusqu’à tout plaquer pour retrouver la petite et venger sa grande sœur molestée par cet étrange clochard fou. Une lutte acharnée commence dans les rues d’un des coins les plus mal famés du monde. The Moss n’est pas encore le grand film de gangsters de quartiers attendu à Hongkong. Après un affligeant Hong Kong Bronx et un Besieged City au potentiel énorme, on attendait The Moss au tournant du côté de l’ancienne colonie britannique. Affublé d’une classique caméra DV, le cinéaste cède bien trop à l’excès et à la violence qui fait mal au détriment d’un regard plus ancré dans le documentaire, et dans cette perspective, dans le réalisme pur.
Le stupéfiant Gomorra de Matteo Garrone suscitait chez son spectateur un véritable malaise parce qu’il démontrait de manière sèche, réaliste et sans artifice le quotidien d’un quartier de Naples où ses habitants, époux ou jeunes garçons aux idées utopiques faisaient plus ou moins partie de l’une des plus grandes mafia du monde. Chez Garrone, pas de mec invincible, pas d’abus de ralentis et d’exacerbation de la violence pour faire dans l’épate et le spectacle facile, Garrone montrait qu’un simple gamin frêle et mal fagoté pouvait être un danger ; et la mise en scène respirait l’épure d’un documentaire intelligent. Chez Derek Kwok, la violence et la misère font partis du spectacle et c’est bien dommage, quoique le voyage vaut le détour pour quiconque aime mettre les pieds dans la crasse durant le temps d’une bonne série B. Très asiatique, la violence est précédée par un discours zen et naturaliste au possible avec comme paysage une plage et son eau agitée. La voix off est celle d’une gamine, le ciel est radieux : la suite se déroulera dans le noir et on retrouve la gosse, crade, perdue, portant autour d’elle une pierre précieuse sortie de l’anus d’un gros sac pendant qu’il jouissait (la scène, cocasse, crée le décalage). Et ce qui au départ n’était qu’un simple film sur la vie du quartier de Kowloon et son avalanche de commerces illégaux se transforme en course-poursuite. Et comme tout bon film d’enlèvement qui se respecte et qui souhaite apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes épaisses, la jeune fille enlevée trouve en son séquestreur une âme de grand enfant qui pleure sa mère et finira par l’aimer. Le climax final joue évidemment de ça, la rencontre entre Jan et le clochard débouchera sur un vrai dilemme : Jan doit-il tuer la brute affaiblie alors que la petite souhaite le contraire ? On a déjà vu cela mille fois autre part mais The Moss demeure suffisamment soufflant et alerte sur toute la durée pour lui pardonner ses excès de frime, une frime légitime lorsque le chef opérateur distille de savoureuses ambiances glauques, loin de l’approximation roublarde d’un Hong Kong Bronx, salement mal fait bien que tourné dans les mêmes conditions. The Moss aurait pu être aussi davantage spectaculaire si le cinéaste avait montré plus de choses de Kowloon, notamment ses tours interminables et mono-formes plutôt que des couloirs d’hôpital et des sous-sols à n’en plus finir. Dans son ouverture sur la ville, Besieged City est un poil plus intéressant et bien plus documentaire dans son approche de la même violence, The Moss vire hélas au grand guignolesque le temps d’une décharge de violence symptomatique de l’état du cinéma hongkongais actuel. Mais on sent en Derek Kwok un semblant d’âme de véritable auteur, celui qui constate ce qui se passe chez lui mais qui ne juge pas, ses propos sont parfois rehaussés d’une touche d’humour noir qui crée une sorte de décalage malsain avec la moiteur du quartier, les passages avec la mère qui souhaite trouver le coupable de la mort de son fils et les vas et viens des deux sans-abri atteints du ciboulot auraient pu être exploités davantage, mais leur présence suffit à décontracter. De plus, les rares moments calmes sont empreints d'une vraie douceur, comme lorsque Jan diffuse de la musique chinoise traditionnelle à sa protégée d'un jour et à l'enfant qu'elle porte. Au final, que retient-on du deuxième film d’un mec doué ? Qu’il est doué, c’est sûr, qu’il sait exploiter un univers de sous-sol pour en tirer sa substance la plus glauque, qu’il sait donner du rythme au récit par un montage fluide sans être speed à outrance et que les personnages qu’il met en scène ont de la consistance. Les bases sont là. Reste maintenant à peaufiner un style qui tend un peu trop vers l’épate et le trop-plein de violence, The Moss aurait pu être un grand film sur Kowloon, il ne restera qu’un spectacle noir heurtant. A suivre tout de même…
Evoluant dans des ruelles lugubres de Hong-Kong, dans des recoins insalubres ou dans des sous-sols peu recommandables, The Moss décrit un monde sans foi ni loi, du moins autre que celle du plus fort. Dans cette fosse à purin où grouillent les pires individus, il n’est pas cependant pas exclu qu’une fleur délicate parvienne à pousser tant bien que mal, ici sous les traits d’une petite fille.
Lourdement démonstratif, Derek Kwok narre ce conte désanchanté de manière brouillonne, accumulant les incohérences, s’attardant sur le tape-à-l’œil, le glauque, le sang et la crasse sans jamais réussir à donner vie à ses personnages, enfermés dans des stéréotypes et des répliques le plus souvent consternants. L’ennui pointe son nez au bout du premier quart d'heure pour étendre ensuite son étreinte redoutable sans mollir jusqu'au générique final.
Pas vraiment de surprise avec ce second film de Derek Kwok, compagnon de longue date des projets de Wilson Yip et pote de Soi Cheang et Szeto Kam Yuen. On retrouve dans ce Moss l'approche crue et réaliste sans concession qui confère au film son status de Category III très peu commercial, et le ton très noir qu'on a pu voir dans beaucoup de productions récentes comme One night in Mongkok (dont l'un des scénaristes officie aussi sur ce film) et autres Dog Bite Dog. Le propos est pessimiste à plusieurs niveaux, la famille (thème favori de Wilson Yip), l'argent, via le personnage de la gamine très désabusée sur la famille et principalement intéressée par l'argent, l'amour. Derek Kwok mélange tout cela sous forme de survival très noir qui rappelera forcément le Dog Bite Dog de Soi Cheang, avec la même noirceur mais aussi la même humanité qui évite de sombrer trop dans le pathos le plus déprimant.
Et si son scénario se révèle solide en abordant avec sérieux quelques sujets sans jamais faire de sacrifices commerciaux, c'est la solidité et l'équilibre des éléments environnants qui surprend et très agréablement. Le casting tient bien la route, avec un Shawn Yue toujours assez à l'aise dans ce genre de rôle assez intense, entouré d'un Louis Fan suffisament grimé pour masquer ses carences dramatiques, et d'une jeune actrice chinoise très prometteuse. La mise en scène abuse parfois un peu de la caméra à l'épaule mais évite les fautes de goût tout en se montrant sérieuse. La bande son et la musique sont largement au dessus des standards locaux, avec un bon travail d'ambiance. Bref, Derek Kwok a vraiment sû se faire entourer et le résultat est immédiat à l'écran: le film se tient à tous les niveaux, ce qui reste très rare à Hong Kong, surtout pour un second film. Prometteur donc!
Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu de polar Hk et bien je n'ai pas été déçu. En effet si The Moss n'est pas le film parfait mais n'est pas non plus dénué de qualités.
Tout d'abord une vision très juste des bas fonds de Hong Kong très réussie avec ses trafiquants, ses mafieux, ses prostituées, sa pauvreté, ses flics désabusés.
Il y a également un bon casting Shawn Yu en tête en flic flirtant toujours à la limite de la légalité.
Côté charme nous avons Bonnie Sin que l'on voit finalement peu et qui se fait voler la vedette par une petite chinoise au talent prometteur. J'ai bien aimé aussi le maquillage du clochard. On ne sait vraiment pas le cerner et tout au long du film on ne sait pas si il va "péter un cable" ou non.
Le scénario quant à lui n'est pas très original mais se laisse bien suivre et on a envie de connaître la fin. D'ailleurs j'ai bien aimé la petite surprise pendant le générique de fin.
En bref The Moss est un bon polar qui se regarde avec beaucoup de plaisir.
Il fait bon de voir que le film sombre n'est pas mort à HK, car THE MOSS l'est complètement. La violence est omniprésente, les personnages torturés, et les qualités techniques au rendez vous. Le seul problème c'est que c'est un peu bordélique, il faudra que je le revoie une fois pour assimiler le film complètement. Une bonne petite surprise qui ne rentrera pas au panthéon mais marquera les esprits par sa noirceur.
"The moss" a été tourné en moins de 3 semaines, et techniquement, on ne peut pas dire que ça se voit. Hormis la propension désagréable du réalisateur à faire filmer ses scènes d'action par des caméramen malades de parkinson, la mise en images est franchement réussie, et met bien en relief l'ambiance poisseuse omniprésente.
Le quartier est des plus inquiétants, les personnages sont sales, la chaleur pesante.... le travail sur l'atmosphère est vraiment appréciable et constitue le gros point fort du film. La caractérisation des personnages est par contre plus hasardeuse, et on dépasse rarement les clichés inhérents à ce genre de trame.
D'autant plus regrettable que l'intrigue est très mince, à tel point qu'on se demande, une fois le film terminé, ce qu'a vraiment voulu raconter Kwok. D'où une impression de gâchis, alors que le potentiel est important que nombre de qualités rendent le visionnage plutôt agréable. Mais ça ne suffit pas à faire de "the moss" autre chose qu'un petit film expérimental pour un réalisateur qui a encore des preuves à faire.
L'interpréation est correcte, mais personne ne fait d'étincelles, il faut dire que les personnages sont trop peu écrits pour le permettre, et le réalisateur semble hésiter quant à ses priorités de ce point de vue.
Rendez vous manqué, mais gageons que ce n'est que partie remise.
Après son précédent "Pye-Dog" mi-figue, mi-raisin, les espoirs étaient fondés dans Derek Kwok, surtout en vue des premières images impressionnantes de ce "Moss"…et après avoir vu, il ne reste effectivement…que des images.
Depuis Soi Cheang (Love Battlefield, Dog Bite Dog) et – dans une moindre mesure Johnnie To (PTU) ou Herman Yau (Gong Tau, A mob story) – personne n'avait su filmer Hong Kong de manière aussi radicale et underground. On plonge vraiment aux racines de cette gigantesque métropole tentaculaire avec des ruelles ressemblant à des fines artères vasculaires ou fines tiges florales et les habitants, qui s'agitent dans la pénombre, tels des cafards et autres parasites nuisibles.
Le début du métrage est particulièrement impressionnant avec une atmosphère unique et des personnages tous droits extraits du meilleur du polar noir HK des plus belles années. La contribution du scénariste SZETO Kam-yuen (quelques production Milky Way de Johnny To et…TIENS, l'ensemble des films de Soi Cheang !!) n'y doit pas être étrangère; au moins Derek Kwok réussit brillamment à traduire cette atmosphère unique en images.
Les premières scènes sont enlevées et donnent envie d'en connaître un peu plus sur cette galerie de personnages, dont les destins s'entrecroisent plus ou moins au cours de quelques heures mémorables…enfin…presque mémorables, car le rythme s'essouffle, les personnages perdent de leur charisme au fur et à mesure qu'ils se dévoilent et les idées de départ ne seront jamais vraiment exploitées. C'est que les frondaisons semblaient tellement solides, qu'on espérait voir se monter une véritable cathédrale du polar noir made in HK…mais Kwok ne réussit gère qu'à monter une petite chapelle. Ce qui est déjà une belle lueur d'espoir dans l'actuelle situation (de plus en plus) catastrophique hongkongaise, mais loin des attentes suscitées par ce réalisateur, qui perverse donc dans une veine du "jeune talent à suivre"…sauf qu'il semble cette fois confirmer, qu'il est meilleur faiseur d'images, que conteur de talent…et ça, l'archipel en regorge déjà suffisamment.
Reste un joli exercice de style et le mérite de susciter le délicieux sentiment nostalgique éprouvé à la découverte des premiers meilleurs polars HK (sur le grand écran, le film développe tout son génie visuel). En revanche, il reste très loin des standards des meilleurs cas du genre.