Tout dans A Moment of Romance respire le mélo cliché comme on en voit des dizaines. Un titre bien sirupeux qui annonce la couleur, Andy Lau en orphelin rebelle, Wu Chien-Lien en jeune fille riche avec ses parents bourgeois qui refusent son idylle, Ng Man-Tat en loser vieillissant, un mentor droit, son adversaire qui ne respecte pas les règles, des ralentis toutes les trois scènes accompagnés de chansons de cantopop aussi mielleuses que possible. Tous les rôles sont des clichés, toutes les situations sont des clichés. Mais la frontière entre le ridicule et la grâce est souvent très mince. Seuls les plus grands réussissent à la franchir. Le temps d'un film, Benny Chan y est arrivé.
Car qui mieux qu'Andy Lau pouvait interpréter ce jeune rebelle qui jusqu'au bout tente de repousser la jeune fille car il connaît son destin? Un personnage taillé au burin mais terriblement attachant. Rien ne vient polluer son histoire, c'est LE rebelle sans avenir. Il ne connaît pas son père, sa mère s'est suicidée. On aurait voulu faire plus cliché qu'on n'y serait pas arrivé. Andy n'était sûrement pas le meilleur acteur Hong-Kongais à cette époque, mais force est de constater que dans ce film il atteint un des sommets de sa carrière.
Face à lui, la débutante Wu Chien-Lien remplit le même contrat: interpréter avec talent LE rôle féminin du mélo. La jeune fille de bonne famille qui envers et contre tout et tous veut aimer son beau rebelle. Même si elle n'avait pas encore atteint à l'époque la beauté qui lui vaudra le surnom de "The Face", elle colle parfaitement au personnage. Et tous les autres interprètes se voient confier des rôles clichés qu'ils interprètent très simplement, en les prenant tout à fait au sérieux. Ng Man-Tat est touchant en loser nettoyant les voitures dans la rue, la mère de la jeune fille est rigide et directrice, la femme de ménage compatissante, le père gentil, les mères adoptives d'Andy sont drôles et bonnes vivantes. Le chef d'Andy est l'archétype du chef de triade à l'ancienne, son rival celui du jeune chien fou dévoré par l'ambition. Des rôles simples mais très bien interprétés.
Tous ces rôles du premier au dernier ont été vus et revus. Mais on dirait presque qu'ils sont tous ces copies de ceux de A Moment of Romance, tellement ils sont ici dans leur plus pure simplicité. Il suffit d'ajouter par dessus une réalisation qui joue également à fond la carte du grand mélo pour obtenir un résultat assez stupéfiant. Benny Chan n'évite aucune scène cliché, et met la gomme à la moindre scène touchante: et vas-y que je balance des ralentis, enlacez-vous les amoureux, fais péter une grosse chanson par dessus. Plus le film avance, plus on comprend que jamais une seule concession au genre ne sera faite: tous les clichés y passeront, le film récite sa gamme comme peu oseraient le faire par peur du ridicule. Mais c'est justement en respectant autant le genre et en évitant de vouloir le rendre moins simpliste grâce à des sous-intrigues inutiles ou des discours pseudo-philosophiques que le film enfonce la concurrence.
Grâce à tout cela, A Moment of Romance deviendra peut-être pour vous la référence ultime du mélodrame, car il ne prend jamais le genre de haut. Il n'est pas étonnant que le film soit dans les mémoires de toutes les jeunes femmes à Hong-Kong. Laquelle ne voudrait pas traverser Hong-Kong en moto en robe de mariée en enlaçant un Andy Lau sanguinolent? Quel homme normalement constitué ne voudrait pas que Wu Chien-Lien le suive en dépit de tout? A Moment of Romance est fait de ce petit rien qui fait les films mémorables, cette touche de sincérité dans l'interprétation, la réalisation et le scénario. Cette touche qui vous donne envie d'acheter une veste en jean déchirée, de rentrer dans les triades et de trouver la chanson finale pour vous la passer à fond en embrassant Wu Chien-Lien au ralenti au milieu de motos qui fond du bruit. Vous en connaissez beaucoup des films comme ça vous ?
A Moment of Romance est un des films les plus cultes du cinéma hong-kongais, et au vu des critiques ici présentes, on pourrait se dire que c'est largement vérifié. Cependant je me permets de mettre un bémol car si il est vrai que le film ne fait pas de détours et va à fond dans le cliché totalement assumé ce qui lui confére une honneteté assez touchante qui le sauve du fiasco complet, il n'en est pas moins vrai que pour nombres d'entres vous, A Moment Of Romance (en sigle : AMOR...coincidence ?) et son ambiance "méloromantique" dégoulinante à souhait et ses successions de scènes plus stéréotypées les une que les autres, sera sans doute assez insupportable.
Wah-Dee (Andy Lau Tak-Wah) est un jeune beau gosse triade ultra-cool, non ca ne suffit pas, il faut aussi qu'il soit orphelin, elevé par des prostituées et sans aucun avenir possible ; le couple est en planque, mais non, on s'accorde une petite balade en ULM, c'est tellement plus romantique ! On se laisse convaincre par certains clichés touchants et éfficaces mais une partie de nous, hurle au rembousement tant cette improbable romance au milieu du monde déchiré et sans égards qu'est celui des tirades est assez difficile à avaler. On a du mal à croire que cette petite sainte-ni-touche, toute amoureuse du danger qu'elle puisse être, puisse tomber amoureux et encaisser autant de ce voyou qui lui peine à convaincre le spectateur de son côté fleur bleue.
Les acteurs sont pourtant bons, Andy Lau enfile sa veste de jean et nous joue son cultissime rôle du jeune Goo Wak Jai (membre des triades) au grand coeur sur sa moto, mais le fait bien et a même personnifier le mieux ce genre de personnage grâce à Wah-Dee mais aussi aux films de Wong Jing et le As Tears Go By de Wong Kar-Wai. Wu Chien-Lien montre un grand potentiel malgré son jeune âge et Ng Man-Tat prend ici un rôle qu'il reprendra de nombreuses fois par la suite dans les films d'Andy Lau et ceux de Stephen Chow Sing-Chi.
En Bref, il y a de très bons acteurs, la carte du "méloromantisme" franco fonctionne assez bien, seulement il est clair que si vous n'êtes pas familier des mélo hong-kongais, passez votre chemin, et plus vite que ca. Pour ceux que les clichés et les personnages peints au rouleau n'effrayent pas, pour ceux-là, A Moment Of Romance est à voir.
A Moment of Romance, c'est du film de triades "à l'eau de rose", mode que lança le succès du film à Hong Kong. Suivant le degré de tolérance que chacun peut avoir vis à vis d'une certaine naiveté fleur bleue, de certains clichés niveau Harlequin qui peuvent parfois fonctionner lorsqu'ils sont placés entre de bonnes mains, le film sera au choix une bluette insupportable comme les wagons de "Roméo et Juliette au milieu des rues et de leurs bastons photographiés par un ancien réalisateur de la publicité" que produisirent les années 80 ou bien un film qui fait ce que font tous les bons mélodrames, à savoir susciter des émotions profondes en utilisant le cliché.
J'ai de mon côté plutot envie d'être client d'un film pouvant faire crier facilement à l'overdose de guimauve au nom d'un certain "charme d'époque". Déjà parce que le film est un des plus beaux rôles d'un acteur que j'ai toujours trouvé limité sauf sous la direction d'Ann Hui et Wong Kar Wai, Andy Lau qui crève ici l'écran avec des jeux de regards à la nuance trop rare chez cet acteur et surtout avec toute une panoplie d'attitudes et de poses à tomber par terre de coolitude: il joue ici au grand seigneur romantique plein de "fureur de vivre" eighties lorsqu'il joue les motorcycle boys, allumant ses clopes avec une classe qui nous rappelle pourquoi à l'époque le terme "glamour hongkongais" avait un sens, réussit presque à faire passer un vulgaire blouson en jean délavé pour le summum de la classe parce que c'est lui qui le porte, arpente comme un Dieu le sol d'une vulgaire discothèque eighties si bien qu'on a pas de mal à croire que les autres petites frappes le craignent dans ces circonstances. De toute manière il aura déjà offert au début du film un enchaînement effarant d'actes imprégnés de romantisme eighties qui est aussi un des plus beaux moments du film: il faut le voir prendre sa promise sur sa selle de moto et partir à moto après avoir mis le feu à sa voiture, la déposer devant sa maison classieuse, continuer sa cheuvauchée motorisée dans les rues de Hong Kong tandis qu'une vieille dame brule de l'encens, jouer les mélancolos au sommet d'un immeuble puis balancer par terre une canette de bière. Tout cela sent à plein nez l'accumulation de clichés d'un certain cinéma eighties mais c'est filmé -par Benny Chan qui se montre ici bon technicien- et exécuté -par Andy Lau, par une Wu Chien Lien très convaincante dans un registre dramatique- avec tant de conviction et de naïveté que l'émotion finit par surgir.
La réalisation justement: Benny Chan n'invente clairement pas la poudre mais sait à peu près la faire parler, il démontre qu'il peut filmer avec une efficacité pro une scène de casse, qu'il sait bien user du zoom, se rapprocher avec une vraie ampleur classique d'une voiture en stationnement et surtout utiliser des ralentis sans que cela fasse pubeux parce qu'ils soutiennent l'intensité des sentiments des protagonistes. Restent quelques scories en terme de mise en scène malgré tout: un ou deux zooms exécutés de façon maladroite, une mise en scène inégale dans la scène d'ouverture, un ralenti pas judicieux lors d'une bagarre. Le montage et la photographie -belle mais pas assez pour tomber dans un certain style ulraléché eighties dans le mauvais sens du terme- sont eux irréprochables. Surtout, s'il y a bien une chose qui aide à la puissance émotionnelle du film, c'est sa musique sans laquelle peut etre le cliché ne serait pas rendu émouvant et aussi sans laquelle le film ressemblerait à une long film publicitaire eighties. Il y ressemble d'ailleurs épisodiquement lorsque le score est moins inspiré, preuve que l'équilibre d'un tel film est fragile. Rayon direction d'acteurs, rien à dire, y compris pour les seconds roles: Ng Man Tat réussit à rendre son personnage drole et attachant et le reste de la bande se débrouille très bien. Venons-en au scénario, à la fois force et talon d'Achille du film: s'il y a une chose que ce dernier sait faire c'est utiliser certaines symboliques à gros sabots -explosion, chambre saccagée, briquet zippo, robe de mariée...- qui passent parce que c'est du mélo afin de soutenir l'intensité dramatique des plus belles scènes du film.
Par contre, s'il ne faut pas vouer un film aux gémonies sur la foi de son seul pitch -des tonnes de mélodrames ont parlé d'amours rendus impossibles pour cause de diverses "différences" (d'âge, de milieu social...); c'est dans le traitement narratif et formel du sujet que les plus beaux représentants du genre font la différence-, reste que ce dernier aurait mérité un peu plus de développement: le personnage de Ng Man Tat est bien développé, les contradictions d'Andy Lau aussi mais on ne saurait en dire autant des parents de Wu Chien Lien réduits au statut d'obstacles à l'amour ou de ceux du personnage d'Andy Lau qui manquent aussi de développement; concernant les personnages des autres voyous, un reproche identique pourrait etre fait vu que la tension dramatique provient aussi en partie de la façon dont l'amour des deux protagonistes principaux dérange l'univers des triades. Qui plus est, le personnage de Wu Chien Lien est moins riche psychologiquement que celui d'Andy Lau : ce qui pourrait passer dans du cinéma d'amitiés viriles est plus genant dans une histoire d'amour impossible.
Mais au final, malgré tous ces défauts, malgré des poncifs qui font le charme autant que la limite du film, j'aurais tendance à considérer que le film fait partie des preuves que bien des années avant la Milkyway Johnnie To était déjà un producteur sachant choisir avec discernement les équipes -Ringo Lam producteur associé, Yuen Bun comme chorégraphe, James Yuen plus convaincant comme scénariste de film de genre (cf Blood Rules) que de comédie (He's a woman She's a Man), Wu Chien Lien qui sera brillamment réemployée dans Beyond Hypothermia- dont il s'entourait. Et qu'il avait déjà également son flair pour lancer des formules que d'autres repiqueront de façon moins inspirée, le film ayant fait beaucoup école à HK...
Au risque de passer pour un rabat-joie au beau milieu de ce concert de louanges, j’ai trouvé ce Moment of Romance d’une fadeur et d’un ridicule consommé, m’ennuyant du début à la fin. Voici un film qui ne dépasse jamais le stade de la caricature notamment au niveau des personnages, avec sa petite frappe beau gosse jouée par Andy Lau, brute au cœur tendre qu’il faut apprivoiser, avec sa copine nunuche qui accepte tous les outrages sans broncher (dont une course sur le toit d’un camion quand même…), avec ses beaux-parents bourgeois et coincés qui veulent briser leur couple, ou avec des seconds couteaux tous plus idiots les uns que les autres. Le couple au centre de l’histoire ne fonctionne jamais, il n’y a pas d’étincelle entre les 2, la fille étant d’une transparence inouïe – du coup, difficile de s’émouvoir un seul instant pour eux.
A vrai dire, le fond et la forme de ce mélo mièvre ne valent guère mieux : image de la femme « soumise et aux fourneaux » très discutable, pas de sexe avant le mariage religieux, musique pop sirupeuse à mourir de rire, faux raccords à la pelle, bref on nage en plein délire. Au secours !