drélium | 3.75 | La leçon du maître |
Anel | 3.5 | |
Flying Marmotte | 3.5 | |
Xavier Chanoine | 3 | Démonstrations |
Martial club s’apparente presque à un cours de philosophie martiale à l’image de sa scène d’introduction où le sifu explique quelques détails sur la danse du lion comme si il présentait une émission de télé dédiée aux arts martiaux. Plus que dans toute autre réalisation, la dramatique y est quasi inexistante et l’intérêt se cantonne très souvent à la philosophie martiale en elle-même, presque hermétique, évoluant en vase clos dans les studios de la Shaw comme pour renforcer le cocon instauré. Sa mise en scène se contente d’ailleurs de plans larges ou rapprochés très souvent fixes pour déblayer tout ce qui pourrait obstruer la bonne compréhension du spectacle qui s’y déroule. Et le spectacle démarre très fort avec une danse du lion sur pyramide humaine qui fait déjà office de référence unique en la matière. Le show Liu Chia Liang est lancé sur les chapeaux de roue.
L’incontournable Gordon Liu interprète le légendaire Wong Fei Hong, jeune élève encore trop fier et déconcentré pour représenter le maître à venir. Martial club, c’est avant tout trois écoles de la boxe du Sud qui cohabitent avec respect comme le prône encore et toujours Liu Chia Liang. Robert Mak et Gordon Liu sont amis et élèves des deux premières écoles. Le premier embrigade très souvent le second dans des excès de confiance indignes d’un véritable maître. En contrepoids évident de Gordon qui trouvera peu à peu la maîtrise et la concentration des grands, Robert Mak ne cessera de se montrer (au bordel notamment) avec désinvolture. L’ambiance resterait d’ailleurs constamment légère et détendue si la troisième école ne visait pas à dominer les deux autres.
Comme dans la plupart des comédies kung fu, la logique action / réaction ne peut fonctionner qu’avec une bonne dose de quiproquos qui font que le film avance malgré le manque total de tension. Toute la première partie de Martial Club est fortement ancrée dans cette logique. Un petit quiproquo en suit un autre et voilà le seul moteur qui peut justifier la leçon martiale en cours. Car Liu Chia Liang ne cherche finalement qu’une seule chose, dispenser sa philosophie, le travail quotidien, la concentration, le respect, la rigueur, l’humilité. Aaaaah, c’est beau…. Mais difficile de tenir 1h45 sans la moindre action / réaction conséquente.
Oui, alors donc : aux commandes de cette troisième école qui manque de respect (ououh la vilaine), Chu Tet Wo et Lee King Chue font appel à un grand maître du Nord et espèrent le pousser au conflit avec les deux autres écoles et ainsi écraser la concurrence.
Mais là où Chang Cheh s’engouffrerait dans la brèche à grands coups de combats haineux et saignants qui finiraient sur un bon gros massacre (*), Liu Chia Liang propose une idée simple qui s’avère brillante pour exposer sa logique : Wang Lung Wei y joue le maître du Nord. Éternel bad guy de la Shaw notamment pour Chang Cheh, Johnny Wang trouve ici son meilleur rôle aux antipodes de sa caricature habituelle. Il débarque très détendu en voyageur aux allures de bohème. Avec sa trogne de méchant par excellence, il possède naturellement l’ambiguïté nécessaire à semer le doute. Le spectateur aussi bien que les personnages ne peuvent que s’interroger sur les desseins de ce molosse qui devrait logiquement se rallier aux fourbes. Pourtant Wang lung Wei gardera un respect constant, restera observateur sans jamais s’interposer entre les trois écoles. Il n’est là que pour découvrir les arts du Sud et pourquoi pas apprendre des choses aux contacts de nouvelles techniques. La découverte d’une culture inconnue (déjà développée dans Heroes of the East) fait aussi partie du message du Sifu Liu Chia Liang. L’élève Wong Fei Hong trouve sa voie en écoutant son maître (Ku Feng !) et en observant le rival supposé qui est lui simplement heureux de découvrir de nouveaux horizons et ne daigne se battre qu'en dernier recours. Wang Lung Wei totalement à contre emploi devient donc l'image parfaite de l'accomplissement martial que Liu Chia Liang souhaite inculquer au jeune Wong Fei Hong.
Aucune victime, aucune goutte de sang donc, mais un message limpide de la part du Sifu et un nombre très élevé de combats dans la plus pure tradition shaolin assure la tenue, armes et techniques à l’appui, avec les élèves préférés du Sifu, Lee King Chue (assistant oublié de Liu), Gordon Liu, Hsiao Hou, et Kara Hui toujours aussi jolie et impressionnante (martialement parce que pour le jeu…. Un vrai mec).
Le combat final dans une ruelle qui se rétrécit petit à petit est absolument magnifique et inventif, obligeant Gordon et Johnny à changer constamment de techniques. Une multitude d’autres combats trouvent toujours l’idée originale qui fait toute la différence entre Liu Chia Liang et les autres chorégraphes. Un combat avec des rouleaux de tissus expose la technique du cheval campé, un boxon incroyable dans un théâtre expose la souplesse de Hsia Hou, des démonstrations de bâtons et de santsetsukon, etc.
Bref, le spectacle est à la hauteur et le message on ne peut plus clair mais j’insiste, Liu Chia Liang ç’est aussi du cirque quelque part. Il y a les clowns, les acrobates, les prestidigitateurs, les maîtres de cérémonie, le tout mélangé comme pour une grande fête dédiée aux arts martiaux, la philosophie martiale comme liant primordial.
(*) Avenging Warriors of Shaolin de Chang Cheh débute exactement de la même manière que Martial Club, une ambiance très légère où deux élèves frimeurs et puérils recherchent sans cesse à se comparer, à montrer qui est le meilleur. Mais ils ne représentent aucune école, ne montrent aucune voie spirituelle, sont indépendants et entrent finalement en conflit avec les manchous pour déboucher sur… un gros massacre évidemment. Chang Cheh ne s’attarde pas sur le pourquoi du comment de la voie martiale, il ne l’utilise que pour arriver au conflit et au bain de sang héroïque final.
Avis Express
Martial Club offre à Gordon Liu un rôle plus mature, lui qui interprète une nouvelle fois le personnage de Wong Fei-Hong, héros folklorique ultra populaire. Plus de travail dans le registre dramatique, un visage qui a gagné en gravité, sans toutefois laisser de côté ses mimiques immanquables qui ont fait son succès. Avec Martial Club, deux problèmes se posent pour les téléspectateurs. D’un côté, l’on oscille entre démonstration de force (l’introduction et ses danses de lions) et de l’autre, comique involontaire. La version française –imposée sur les chaînes adsl- est navrante, surjoue et assomme de temps à autres par sa bêtise. Comment réussir à contourner le problème ? En se focalisant sur le reste, sur cet art du divertissement enlevé cher à Liu Chia-Liang où les chorégraphies, challenges (Gordon Liu en « posture du cheval », tombera, tombera pas ?) et autres pièges dynamisent parfaitement la narration. A l’image des écoles de combat présentes ici, l’école Liu Chia-Liang, elle, existe belle et bien. Une succession d’épreuves et de défis. Ses films les plus spectaculaires sont de véritables défilés d’acrobaties en tout genre, sans toutefois paraître déliés du récit. Ils s’inscrivent dans cette logique de pur spectacle parce que la narration en demande toujours plus, transformant le thriller en exploit physique : « Tu as fait du mal à untel ? Et bien prends ça dans la tronche ! ». Prétexte pour aligner les moments de bravoure, bien que les Huit diagrammes de Wu-Lang ira encore plus loin dans ce domaine. Il y a ceci dit la scène des tissus, lente et bien faite et des combats dans de tous petits espaces. Le problème est que Tsui Hark dépoussiérera le genre deux ans plus tard avec Zu, faisant très mal aux divertissements Shaw Brothers du début des années 80.