"Le film de bagnoles"… Un vrai genre à part entière dans le cinéma et qui possède le mérite de sérieusement diviser les gens pour des raisons extra-cinématographiques et Legend Of Speed ne déroge pas à cette règle ; donc les frustrés, les étudiants en mal de poésie et les intellos pédants peuvent d’emblée passer leur chemin : ici commence le règne des voitures tunées et des excès de vitesse….
Ces dernières années ont vu fleurir sur les écrans internationaux bon nombre de films plaçant le tuning et la vitesse comme élément de leur narration : les deux Taxi, 60 Secondes Chrono ou encore Fast And Furious… Mais chacun d’eux laisse un goût de trop peu car les scénaristes ne croient pas en la place de la voiture dans notre société contemporaine et rajoutent de la comédie ou une intrigue policière qui fait qu’au bout du compte, ces films deviennent banals, ressemblant trop aux productions habituelles dans leur schéma. Déjà producteur et scénariste de la saga Young&Dangerous, Manfred Wong a parfaitement compris que le domaine du tuning et tout ce qui en découle pouvait se suffir à lui-même, créant un univers à part entière et presque inédit. Je dis « presque » car dans son essence même, le culte des voitures et de la vitesse est bien plus ancien qu’il n’y paraît et le premier à avoir popularisé cet aspect sauvage d’un simple moyen de transport, n’était quand même autre que l’icône James Dean dont sa propre mort et les courses de voiture au ras des falaises dans La Fureur De Vivre ont fait beaucoup pour placer la voiture à un niveau transcendental. Evidemment, le terme tuning est assez galvaudé depuis quelques temps et on a vite fait de mettre dans le même sac les gens qui enlaidissent leurs voitures et sont de vrais dangers publics comme ici et les vrais racers qui ne mettent que leur propre vie en danger et qui savent correctement customiser leurs voitures. C’est bien entendu sur cette seconde catégorie que se penche Legend Of Speed pour le plus grand plaisir…
Rien que les premières minutes posent d’emblée les bases de l’œuvre à venir. Tout d’abord le générique du studio BOB, gage de qualité la plupart du temps (The Stormriders faisant office de belle erreur de parcours en la matière…) en matière de divertissement de ces dernières années avec l’équipe de choc habituel : Manfred Wong à la production et au script, Andrew Lau à la caméra et un casting de première classe emmené par Ekin Cheng alors au sommet de sa gloire avant que la génération EEG (label pop comprenant Nic Tse, Eason Chan, Twins, Joey Yung, etc…) ne prenne la relève. Le générique de début montre un Andrew Lau au sommet de sa forme, utilisant diverses figures de style (et mettant en valeur la plastique de Kelly Lin comme aucun cinéaste n’y arrivera jamais plus) qui ne virent jamais au n’importe quoi, gardant un ton classieux et sophistiqué, adjoignant même à cela la culture des jeux vidéo (les voitures en CGI, la séquence du luna-park, les cartes en sur-impression pendant la course finale), chose non-négligeable et d’ailleurs révélatrice de son ouverture et compréhension du monde actuel. Les grincheux pourraient dire que les courses manquent d’action mais c’est tout naturel car il s’agit de vitesse pure sur de grands axes routiers et non pas de course-poursuites ou de pseudo-rallyes en pleine agglomération, une sorte de dé-dramatisation de ces courses qui est bien plus conforme à la réalité : un choix d’une humilité appréciable plutôt que de jouer la carte du spectaculaire gratuit et facile. Mais ça n’empêche pas le résultat d’être efficace et l’utilisation des effets spéciaux est vraiment bien pensée (comme la surchauffe du moteur, etc…). Aux images se rajoute une bande-son excellente qui outre de bons thèmes instrumentaux, propose une bonne chanson de Cecilia Cheung et deux tubes en puissance de la part d’Ekin Cheng (du niveau de la BO de Young and Dangerous 3). Mais tout cela serait vain si Manfred Wong n’avait pas livré un script à la hauteur du projet…
A la façon d’un David Bowie qui a toujours su évoluer intelligemment avec son temps, la grande réussite du film étant de recycler es plus grandes figures de style scénaristiques du cinéma hong-kongais en les adaptant à la culture populaire actuelle pour qui les valeurs des films de Chang Cheh ou John Woo sont complètement dérisoires. En purgeant les thématiques d’amitié viriles (mais bien niaises) qui plombaient les œuvres de ses prédecesseurs, il livre ici un authentique heroic bloodshed où les voitures ont remplacé les flingues et les épées et fait d’Ekin Cheng un personnage quasi-biblique car ici la notion de héros se voit bien plus nuancée et c’est peut-être l’un des rares heroic bloodshed où le personnage principal évolue dans le laps de temps du récit. Car dans un premier temps, et comme toute personne normalement constituée, Ekin Cheng se nourrit de la gloire éphémère que lui procure les courses, une notion bien loin des valeurs héroïques habituelles plus portées sur l’altruisme. Son monde sera chamboulé par l’arrivée de son némesis en la personne de Simon Yam (excellent comme d’habitude) qui au lieu d’être un simple bad guy de service servira de révélateur à Ekin Cheng de sa propre personnalité et il est d’ailleurs bon de noter que les codes couleurs sont quasi-inversés dans cette dualité (Ekin et sa voiture en noir, Simon et sa voiture en blanc). L’arrogance et l’ambition demésurée des deux personnages faisant un clash inévitable, c’est la loi du plus fort qui joue et dans le fond, Ekin et son entourage n’est victime que de ses propres pulsions auto-destructrices et c’est ce qui donne à Legend Of Speed tout ce sentiment d’amertume et de gâchis car ici les "bons" personnages meurent violemment (avec des plans furtifs de crash dignes d’une campagne anglaise de prévention de la sécurité routière) et de façon non-exaltées (notamment à l’enterrement de Kelly Lin où l’on découvre toute la solitude et la misère dans laquelle elle vivait réellement). Plutôt que de préparer une vengeance mille fois vue, le scénario laisse plutôt au héros le temps d’une véritable remise en question de sa vie, de ses valeurs morales et de ses actes auquel la figure paternelle fait office de guide lors de la partie se déroulant en Thaïlande. Ce changement de point de vue rend le film bien moins linéaire et plus profond qu’il ne pouvait le paraître au début et c’est tout naturellement que le film se conclut sans happy-end, poussant la logique de son récit jusqu’au bout.
Dans tous les cas, Legend Of Speed s’impose comme un très bon divertissement mais avec suffisamment de qualités et surtout de personnalité (l’inverse étant hélas trop fréquent) que pour s’imposer comme un film vraiment à part entière dans la production hong-kongaise, voire internationale.
Film vraiment très bien ; le divertissement y est très bon et plutôt original pour une production HK ; ce n'est pas souvent que l'on voit des grosses mécaniques là-bas. Premier point que l'on peut trouver mieux réussi que dans une production US de base (qui a dit Fast n Furious ?), ici il n'y a pas vraiment de surenchère de mécanique et on nous sert pas plein de voitures ultra-modifiées à mort juste pour faire joli ; même si un vocabulaire assez particulier est employé dans le film, ca reste cantonné à la trame logique du film sans abus et permet donc de développer autre chose à coté, ici la relation de "Sky" et de son père qui était le champion des pistes autrefois et blablabla, rien de bien original mais c'est un peu plus intéressant que de la mécanique et des gros bras. En plus on peut reconnaître qu'au niveau des chatîments, ils sont assez originaux, avec la seringue HIV, c'est assez osé. Par contre on peut regretter que les courses ne soient pas vraiment réussis dans l'ensemble ; disons que les plans sont beaux, les pilotes vont vite et la conduites est bien négociée pour donner quelque chose de bien foutu (avec de très bonnes idées dans la dernière course), mais ca manque quand même beaucoup de cohérence ; les segments ne se suivent pas, et les voitures se retrouvent assez aléatoirement devant ou derrière sans qu'il y ait une suite logique. Mais on assiste à du beau spectacle en général et les acteurs restent honnêtes dans leur jeu. Espérons que Initial D saura donner un meilleur résultat au niveau des poursuites.
Car oui, Legend of speed est une pop daube bien ciblée public ado au coeur d'artichaut, incohérente, culcul, usant de légèretés scénaristiques et d'effets popeux par gros paquets avec sa techno recyclée pseudo cool bien sucrée à 2 balles.
****SPOILER****Côté légèreté scénaristique, le petit teigneux qui débarque en thaïlande et se choppe le sida pris à son propre piège, le père qui apprend à son fils à tourner à droite et à gauche ou Cécilia Cheung dans son attitude juste après la perte de son frère. Et tout ça pour déboucher sur un gros happy end comme si de rien n'était, c'est tout sauf réaliste !****FIN DE SPOILER****.
Mais Legend of speed réussit pourtant à être parfaitement uni entre ses envolées improbables bien chewing gumeuses et une très belle authenticité. Legend of speed n'a finalement rien à voir avec un Fast and furious (le style pop US) comme il le laisse entendre dans sa première demi heure, c'est simplement une autre planète. Il n'a absolument rien à voir avec ce à quoi je m'attendais, c'est à dire un film de bagnoles. L'action motorisée n'a quasiment aucune importance. La bagnole même, bien qu'offrant un univers à part et sensible n'est pas le moteur du film. A la limite, la voiture on s'en balance d'ailleurs elles sont blanches et noires, point barre, et non rien d'engins hors du commun. La photo est faite à l'arrache comme pour approcher rapidement un semblant de réalisme. Les voitures ne vont pas vite (un comble !), c'est juste accéléré pour nous faire sentir une atmosphère de vitesse tiré par les cheveux. c'est encore plus flagrant en thaïlande où la course en pétrolettes dans les rues contre des loulous locaux ne sert pas du tout à exhacerber le sentiment de compétition primaire et inébranlable à ce genre de concept cinématographique mais se trouve juste là pour véhiculer une vraie sensation de ce que vit Ekin (son trouble intérieur, son amour de la course... scène très marrante prise au second degré comme tant d'autres). Et bouquet finale de la fraîcheur pop garantie, le charme de la course finale ne vient absolument pas du défi entre les deux caïds, ni de la pression, de la vitesse ou de la compétition comme on peut le voir dans les films testostéronés US. c'est du pop ! ça pétille ! c'est de la pure tranche de coeur chaud !
L'action est très minime au vue de la totalité du film. ça marche avant tout par et pour les personnages, leur fraîcheur, leur sincérité dans le jeu, ce qu'ils vivent et c'est exacerbé par les pertes douloureuses que l'on ne voit jamais aussi brutalement que dans un film HK. Blacky Ko, père d'Ekin retiré en thaïlande est touchant, vivant, dans sa nouvelle vie avec sa petite famille, très loin du vieux routard qui a tout vu et qu'il aurait été dans une prod US. Les parents d'Ekin (David Chiang !) soutiennent leur fils avec beaucoup de naturel. La mère de Kelly (Ha Ping !), juste là le temps d'une scène, parvient elle aussi a toucher juste en moins d'une minute. Même Ekin (si pop daubesque d'habitude) respire aussi et vit très justement l'évolution de son personnage qui va de concert avec l'évolution du film (bon, c'est quand même pas la révélation Ekin hein). Comme tout le cast, la spontanéité et la naîveté du jeu Hong Kongais est omniprésente et sert merveilleusement la continuité du métrage, le lien entre le drame et la bonne humeur chaleureuse ambiante. Cecilia, Patrick Tam et même Jerry Lamb sont vrais et enthousiastes comme les jeunes plein d'énergie qu'ils interprètent, comme si la caméra les prenaient sur le vif. Tout le coeur du film est exclusivement centré sur les relations entre tous ces personnages et tout le monde y est beau et vivant et là est la force de Legend of speed. Et donc et même dirais-je, la musique naïve HK ressort avec une force mielleuse qui enrobe gentiment les scènes bien mélo et les envolées de bravoure. L'image, le cadre sont tout à l'arrache avec des effets pops (zooms rapides et exagérés, cuts brutaux dans un même plan avec effet sonore, ralentis puis accélération du plan, etc) qui passent sans souci car ils ne maquillent pas le vide de l'action foireuse mais décorent les instants de vie. Le gnangnan se fait touchant et le vide se fait plein.
Du coup, je me suis retrouvé à arborer un petit sourire presque moqueur mais conciliant et attendri pendant une bonne partie de ce qui est indéniablement un film super popeux et bien mélo (histoire, musique, jeux vidéos, look de jeunes, amour de jeunesse, simplicité) mais aussi et surtout un film hautement authentique, sincère et direct. Du pop sans chichi, du vrai pop comme Alain l'aime avec des thaïlandais qui semblent méchants et prennent finalement un pot de l'amitié et des jeunes adolescentes bien natures qui parlent d'un super beau mec dans leur dortoir en rigolant sans trop faire de bruit ;). Bluffé je suis.
Le film de bagnoles, on connaît. A la manière de n'importe quel film de "sport", les films de course ont leurs codes (un héros, un accident, un retour, ...), mais hélas peu de fleurons. Autant chaque sport a son ou ses films cultes, autant au niveau film automobile pur, on cherche encore le grand film qui fait référence. Les poursuites mémorables, il y en a bien sûr, mais elles sont le plus souvent intégrées dans un autre récit. Vu l'engouement de la jeunesse Hkgaise pour le tuning (il doit y avoir plus de voitures modifiées à Mongkok que de modèles de série...), il était bien étonnant qu'aucun film n'ait abordé le sujet. Il faut dire aussi qu'en matière de cascades "mécaniques", les Hong Kongais sont mauvais, probablement plus par manque de moyens que par autre chose. Alors, comment Legend of Speed vient-il s'insérer dans le patrimoine "des films de bagnoles"? Plutôt bien en fait, mais là n'est pas le problème. La bagnole n'est qu'un prétexte, une opportunité commerciale, Andrew Lau et Manfred Wong profite de l'engouement du public local pour le tuning pour aller un peu au-delà du simple film de caisse.
Ce qui fait assurément le charme du film, c'est sa simplicité et son ancrage dans la culture locale. Sa simplicité car il ne s'embarasse jamais la vie avec des histoire annexes bidon, du style intrigue policière, ou bien romance. Non, on parle de voitures et de courses de voiture, sans chercher non plus à faire de belles morales du style "c'est pas bien de conduire trop vite, respectez les limites!". A la manière d'un bon vieux film de kung-fu, Legend of Speed ne cherche pas à justifier le fait que le héros veuille mettre une bonne trempe à son ennemi, il le fait, c'est tout.
Et c'est justement là où le film réussit à s'intégrer dans la culture locale, même avec un genre aussi international. Si Legend of Speed peut être considéré comme une version HK du célèbre Fast and Furious, film de référence "par défaut" pourrait-on dire quand on parle de tuning auto, il ne fait pas que copier/coller le concept: avec son titre à la "Legend of the Flying Hero", son héros qui accepte des duels avant de devoir rejoindre son "sifu" après une cruelle défaite, on nage en pleine culture cinématographique Hong Kongaise. Les personnages ont des surnoms de chevaliers, Ekin Cheng le partageant même en version anglaise avec Legend of Zu. On y combat toujours pour l'honneur, des gens meurent, et on se venge. John Woo avait remplacé les sabres par des flingues, Andrew Lau les remplacent par des voitures. Peu importe l'arme, un sabre, un flingue, une voiture, seules les valeurs des personnages qui les manient comptent.
Bien sûr, le scénario ne décrochera jamais l'Oscar, c'est une évidence, mais dans le genre (de l'heroic bloodshed, vous l'aurez compris), c'est une histoire décente et sans fioritures. Il y a tout de même une volonté d'ajouter un peu de fond, avec un personnage principal qui évolue, comme en témoigne son changement de look (des lunettes de soleil utilisées comme un "masque", puis à visage découvert), via sa relation avec l'argent. Les acteurs sont plutôt corrects, Ekin Cheng trouvant ici un de ses derniers rôles à succès de "hero", avec tout de même un jeu plus varié et qu'il exploitera nettement plus dans sa deuxième partie de carrière (post Running out of Time 2). Patrick Tam étonne pas mal avec un rôle d'handicapé génial, Kelly Lin, horriblement doublée, apporte une touche sexy, Simon Yam une touche de classe, David Chiang une touche de nostalgie, Cecilia Cheung une touche de nouveauté.
Ce qui pêche tout de même, c'est au niveau technique, puisque les courses de voitures sont bien moyennes, la faute à une inexpérience flagrante. On accélère les images pour donner une impression de vitesse, on remplace les accidents par des images de synthèse, quand ils ne sont tout simplement pas hors champ. C'est tout de même gênant, tout comme un film de kung-fu avec du mauvais kung-fu ne peut être totalement réussi, même si le fond prime sur la forme. A la limite, le passage en Thailande avec des vélomoteurs est le plus réussi, car filmé de manière plus originale, à la "Wong Kar-Wai". Autrement le reste est plutôt sympa, Andrew Lau oblige, avec un héritage très affirmé des jeux vidéos (l'intro, la carte en surimpression pendant la course), et les bruitages sont assez dynamiques (mais avec quelques fautes de goût difficiles à pardonner).
Au final, cet heroic bloodshed déguisé en films de voitures est plutôt réussi, car fait avec le respect des codes du genre, et avec un fond ni trop léger ni trop lourd. Il est simplement dommage que l'inexpérience locale en matière de poursuites de voiture vienne un peu plomber un film autrement sympathique à suivre.
Souvent rapproché de Fast and Furious, Legend of Speed ne soutient malheureusement pas la comparaison et déçoit beaucoup. Car autant la trilogie américaine est rouleuse de mécanique, sans complexe, spectaculaire et rythmée - sans dépasser cependant le statut de simple divertissement, autant cette tentative de renouveau d'un genre populaire est mou du genou, convenu, vulgaire, pas charismatique pour un sou et, pire que tout, moraliste. Le personnage central d'Ekin Cheng ne dégage aucune émotion, se bornant à représenter une caution bien-pensante à un scénario qui exploite paradoxalement le filon tendancieux des courses de voitures clandestines : valeur de l'amitié (surtout quand l'ami est mort et qu'il a été utile), dénonciation de l'argent "qui corrompt et qui ne peut pas tout acheter, même quand on est un fils à maman", valeur de l'amour pur, surtout sans sexe et surtout pas avant l'âge de 18 ans, ou alors dans le cadre du mariage (spécial cunnilingus quotidien inside). Quant aux courses proprement dites, elles ne sont ni assez régulières, ni assez impressionnantes pour retenir l'attention, encore moins pour tenir le film entier.