Ordell Robbie | 3 | Ou quand le trivial et le politique croisent le mythologique. |
Astec | 3.5 | Buffalo soldier |
C'est sur Prime en vosta, le gros succès surprise de 2022 en Inde (a gagné +20 fois son budget depuis sa sortie en septembre). Entre thriller fantastique, conte mystique, comédie d'action rurale avec une touche de fable écolo-sociale... Kantara ("forêt mystique"), film en langue kannada (Sandalwood) de et avec Rishab Shetty, tient sa ligne de crète narrative avec classe visuelle et musicale.
Le film a ses petits défauts (15mn de moins et un scénario moins éparpillé auraient pu faire du bien au rythme, personnages féminins faibles) mais marque une franche réussite pour son original producteur/réa/acteur. Le succès semble s'être construit sur le bon bouche à oreille avec buzz dans la foulée : d'abord sorti en vo (kannada) dans sa région de production où il est devenu le plus gros succès de l'histoire de l'industrie locale, dépassant le record du blockbuster K.G.F 2 établi plus tôt dans l'année, puis a rapidement été doublé pour exploitation dans les autres régions du pays. C'est le 2nd plus gros succès de l'année en Inde.
Rishab Shetty, qui est originaire de la région où se déroule l'intrigue (Côte de Kanara dans l'État de Karnataka), s'est inspiré de ses souvenirs d'enfance et du folklore local pour écrire son histoire. Il s'est également entrainé pendant six mois à la course de buffles, une discipline traditionnelle de la région (Le Kambala), pour une séquence d'ouverture assez chouette (je me demandais si ce n'était pas du cgi au début mais non, vrais buffles et acteur non doublé). Plus généralement tout la partie folklore et tradition est bien utilisée et rendue (un des trucs qui a plu au public), que ce soit dans les décors, le langage, la musique...
Autre détail amusant et qui nous donne une des séquences marquantes du film : le personnage principal, interprété par Rishab Shetty donc, en état de défonce la moitié du film (en compagnie de sa petite bande de pieds nickelés), ne consomme pas que de l'alcool et on peut le voir à plusieurs reprises tirer de grosses bouffées de cannabis sur son chilom (les grosses pipes en forme de tuyau de canalisation), expulsant une fumée bien dense qui me fait même questionner l'utilisation d'un quelconque trucage sur certains de ces plans ah ah... J'imagine que la locale doit être de qu... Bref, donc pour en revenir à cette séquence - dans mon top de scènes marquantes de l'année - qui arrive dans le dernier tiers et marque une révélation pour le personnage principal, suivie d'un combat : Shiva (le héros) fait une pause cannabis dans la boutique du vieux forgeron du village, un aveugle qui pendant leur échange lui fait des révélations (Shiva "je ne sais pas si c'est ton truc qui me fracasse la tête ou ce que tu me dis") sur un évènement clé survenu plus tôt dans le film. Dans la foulée ils se font attaquer...
La séquence dure un peu plus de 5mn et est un concentré d'originalité, amusante sans verser dans l'humour façon "frères pétards", avec des velléités mystiques mais aux dialogues complètement pratiques, enchaînant avec une scène de combat très bien chorégraphiée (ce qui vaut pour toutes les scènes d'action) où la "physicalité" de Rishab Shetty (non doublé, super convaincant dans les combats pour son premier film d'action) trouve pleinement à s'exprimer : c'est beau comme un tube dancehall jamaïquain comparée a de la production internationale bien léchée : rough, riche, puissant, terrien. Et la musique, façon Jungle tribale, y joue son rôle. Pour mettre en boîte ces 5mn il aura fallu une semaine de tournage de nuit - le double de ce qui était prévu - et Rishab Shetty va même se déboiter l'épaule pendant le combat, ce qui ne l'empêchera pas de finaliser la scène la nuit même.