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Kagemusha

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les avis de Cinemasie

7 critiques: 4.07/5

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42 critiques: 3.82/5



Xavier Chanoine 4.25 Authentique tragédie.
jeffy 4 Kurosawa quoi!
==^..^== 4 Une grande oeuvre.
drélium 3 sublimement filmé mais très long, voir très @!#$
Ordell Robbie 4.75 une superbe parabole sur le pouvoir et l'identité
Ghost Dog 4.75 Une incroyable merveille!
MLF 3.75
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Authentique tragédie.

Et si pendant trois ans, vous vous mettiez dans la peau d'un chef suprême d'un clan prestigieux de samouraïs? Là est la question que pose Kurosawa Akira. Kagemusha l'ombre du guerrier est une fabuleuse fresque sur l'identité et le pouvoir. Un vagabond au casier judiciaire plutôt remplit se voit confié une mission par les hauts généraux du défunt chef Shingen afin qu'il le remplace pour ne pas affaiblir l'autorité et le prestige du clan. Ressemblant comme deux gouttes d'eau au chef mort, le brigand va alors devoir suivre les règles et coutumes du clan, s'improviser chef et donc reproduire les attitudes du vrai Shingen pour ne pas perdre toute crédibilité face au clan qu'il dirige et aux clans adverses dont la rumeur d'un potentiel sosie semble courir les rues. L'ombre de Shingen, sous sa carapace d'abrutit et personnage sal se révèle alors être plus digne qu'il ne l'était avant. Son éloquence, sa gentillesse et son humanisme prennent le dessus et ce dernier semble prendre goût au petit jeu concocté par ses vassaux (il n'était pourtant pas très chaud au début). Il se verra même complètement dépassé par le personnage qu'il incarne allant jusqu'à fondre devant le petit-fils du vrai Shingen (qui reconnaîtra tout de suite la fausse identité du personnage, quoi de plus normal, la vérité sort toujours de la bouche des enfants non?), se sentira fort et valeureux lors des attaques ennemis en dirigeant le cortège de soldats depuis son tabouret royal, dirigera des audiences privées, etc.

Kurosawa montre alors qu'en chaque être dit malfaisant ou mauvais à l'origine se cache finalement un personnage bon. Une philosophie peut-être naïve mais on ne va pas s'en plaindre. Le côté "mauvais" de l'imposteur ressurgira d'ailleurs, lorsque l'usurpateur sera pris d'un cauchemar le mettant face à face au vrai Shingen (le rêve reste un thème souvent utilisé chez Kurosawa) dans un décor onirique de toute beauté, non sans rappeler une toile de maître. Le schéma est alors simple et tragique, une fois la vraie identité de l'imposteur découverte, il se fera jeter du clan sous une nuée de pierres. Comme quoi, le retournement de veste est ici d'une grande aberrance, après tant de bons et loyaux services offerts au clan. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le brigand gardera ce personnage de Shingen dans le corps. En témoigne ses regards totalement affolés devant le massacre de son clan (alors qu'il n'en fait pourtant pas partie à l'origine) jusqu'à la tragédie pure et dure : l'homme tentera de porter une attaque finale (alors que tout le clan est à terre) face à l'ennemi en brandissant héroïquement un des drapeaux appartenant au clan de Shingen. En vain, il tombera lui aussi sous les fusils ennemis. D'une grande puissance narrative, Kagemusha n'est pas un film facile à aborder de part ses très longues séances de dialogues où le jeu scénique des protagonistes peut parfois remplacer des paroles, il ne sera alors pas rare de voir de nombreux blancs. L'interprétation est une fois de plus immense, Nakadaï crève littéralement l'écran (il le fera une fois de plus dans Ran) et c'est avec plaisir que l'on revoit le vieillissant Shimura Takashi. La mise en scène est prodigieuse, étudiée et parfaitement encadrée par Kurosawa. Les attaques à cheval sont alors éblouissantes (peut-être plus encore que celles de Ran). Le bon goût des costumes, la beauté des décors, le fabuleux thème musical de fin...tout respire le travail d'artisan.

Produit par Françis Ford Coppola et Georges Lucas (pour le montage international), Kagemusha est un chef d'oeuvre, une fresque imposante longue et passionnante à la thématique remarquable. Dire que sans la pression de grands personnages que sont Coppola, Lucas ou Spielberg, Kurosawa n'aurait pas fini sa carrière en beauté, laissant échapper quelques chefs d'oeuvre du genre. Kagemusha en aurait fait malheureusement partie.

Esthétique : 4.5/5 - Une esthétique de qualité, soutenue par une mise en scène poignante. Musique : 4/5 - Thèmes assez quelconque en dehors de celui de fin, absolument fabuleux. Interprétation : 5/5 - Une interprétation au sommet pour l'un des sommets du chambara historique. Scénario : 4.75/5 - Questionnement sur l'identité et la prise de pouvoir. Tragique et terrifiant.



08 avril 2006
par Xavier Chanoine




Kurosawa quoi!

Que dire? La maîtrise technique est parfaite, la dimension épique est toujours là et la psychologie des personnages principaux est exemplaire de limpidité. Un grand moment parmi d'autres est la bataille finale perdue par le clan Takeda, à la fois la manière dont elle n'est pas filmée et le champ de bataille avec l'utilisation de chevaux agonissants qui reflète mieux que n'importe quel réalisme l'inhumanité de la guerre. Un des grands films de Kurosawa, même si ce n'est pas le genre de film que je regarderais tous les jours.

21 mars 2004
par jeffy




Une grande oeuvre.

Grand est vraiment l'adjectif par lequel je décrirai ce film. Tout d'abord pour sa longueur, ensuite par le taux de concentration qu'il demande et enfin par son contenu.

En effet, ce film n'est pas à regarder si l'on n'est en pleine possession de ses moyens, ou bien alors comme berceuse. Comme souvent chez Kurosawa, les dialogues sont pleins de sens et très compacts voire succincts, laissant ainsi place à des blancs où la situation des personnages prend le relais et poursuit par un récit muet. La concentration nécessaire devra être encore plus grande si l'on souhaite profiter de la version japonaise.

Ce premier point parait peut-être rebutant, mais il est indispensable, si l'on veut vraiment saisir tout le contenu du film. Contrairement à ce qu l'on pourrait croire au début, il ne s'agit pas d'un film de guerre classique. Le fond historique est certes celui du Japon traditionnel et des luttes d'influence qui l'ont marqué, toutefois l'histoire se déroule à un autre niveau. A savoir toute la difficulté de vivre dans l'apparence en n'étant que l'ombre de quelqu'un. Cette situation déjà périlleuse pour la vie du double devient encore plus démoralisante lorsque celui-ci se rend compte qu'il n'obtient aucun respect de son entourage presque au complet informé de la situation. Ainsi, en plus de perdre son identité le pauvre homme perd aussi toute fierté. Et s'est peu dire que cela est important dans un pays comme le Japon.

Un film plein d'intérêt qui m'a cependant déçu sur un point: la musique. J'aurais trouvé une musique japonaise traditionnelle plus appropriée. Celle-ci n'est pas totalement absente, mais bien trop souvent on trouve des accords guère plus dignes d'un téléfilm.



26 mai 2003
par ==^..^==




sublimement filmé mais très long, voir très @!#$

Un conte historique absolument superbe mais d'une lenteur et d'une longueur qui en endormira plus d'un, moi le premier. Je lui préfère sans conteste Ran, qui trace une trâme parallèle à celle-ci, mais avec une verve et une force tragique qui m'a semblé totalement absente de Kagemusha. Peut-être le Kurosawa qui m'a le plus déçu. Surement même.

09 janvier 2003
par drélium




une superbe parabole sur le pouvoir et l'identité

Avec Kagemusha, Kurosawa revient au jidaigeki (drame historique), genre qu'il a révolutionné notamment avec le Chateau de l'araignée. Mais la force de Kurosawa est de ne pas se mettre en compétition avec son glorieux passé. Car Kagemusha pose magnifiquement les questions suivantes: Qu'est ce que le pouvoir? Qu'est ce que l'identité?

Le sosie de Shingen Takeda n'aura jamais le pouvoir: quand il incarne Shingen, il est un pantin dans la stratégie militaire des conseillers du palais et une fois démasqué il demeure le spectateur passif des changements qu'il a toujours été. Il est en un sens le véritable héritier de Shingen car il est cette "montagne qui ne bouge pas". Là où le Chateau de l'araignée était le récit d'une plongée dans un délire mégalomaniaque, Kagemusha est celui de la perte d'une identité: le début du film souligne le brouillage d'identité avant meme que le sosie de Shingen entre dans son role en montrant Shingen reconnaitre que finalement il ne vaut pas mieux moralement que son futur imposteur; le sosie est tellement ressemblant qu'il réussit à berner les serviteurs qui ne sont pas au courant ainsi que le propre petit-fils de Shingen qui finit presque par le considérer comme son véritable grand-père; la cour affirme que finalement il est à plaindre et qu'il aurait mieux fallu l'exécuter plutot que de le mettre dans une situation où il ne sait plus qui il est. Cette situation de dédoublement se retrouve magnifiquement incarnée dans l'interprétation de Tatsuya Nakadai qui synthétise parfaitement les deux versants du jeu de Mifune: par moments plutot dans un registre très théatral et hyperexpressif (le Mifune du Chateau de l'araignée), à d'autres dans un jeu retenu mais très expressif (le Mifune de Chien Enragé).

L'autre grande question du film est de savoir qui a véritablement le pouvoir. Les seigneurs en veulent au sosie de Shingen car ils savent que le bénéfice des victoires lui sera attribué. Et si le Kagemusha vit dans l'ombre du souverain, alliés comme adversaires ont l'impression que c'est Shingen le véritable maitre des événements, bref d'etre aussi dans son ombre. Et surtout son sosie se comporte en véritable chef des armées, parvient parfaitement à incarner le role du meneur qu'on en vient à se demander si le véritable pouvoir ne se situe pas plutot dans son incarnation physique (le chef) plutot que chez ceux qui en tirent les ficelles en coulisse. Une autre grande question éminemment politique du film est: Quelle posture adopter vis à vis du changement? Shingen avait choisi celle de "la montagne qui ne bouge pas" (les adversaires de son clan diront que le montagne a bougé quand ils sentiront la victoire proche, ce qui rappelle beaucoup le Chateau de l'araignée où le personnage de Mifune affirmait qu'il serait invincible "tant que la foret ne bougerait pas"). C'est cette posture qui précipitera la chute de son clan: les vainqueurs seront les clans qui se sont ouverts à l'influence occidentale symbolisée par les armes à feux.

Pour ce qui est de la mise en scène, elle est constamment somptueuse: après une introduction en plan fixe très théatrale qui pose le sujet, la caméra suit un messager cheminant vers le plais au travers des armées, un de ces morceaux de bravoure d'ouverture auxquels Kurosawa nous a habitués. Les scènes d'intérieur sont cadrées comme des scènes de théâtre et les batailles sont filmées à coup de travellings qui soulignent leur ampleur, la quantité énorme de soldats, comme si leur gigantisme renvoyaient à celui d'enjeux (pouvoir, identité) dépassant la simple stratégie militaire. La pluie acquiert sa force émotionnelle (annonce d'un destin tragique) dans la scène où le sosie est renvoyé hors du château et les brouillards donnent comme toujours chez Kurosawa leur cachet très particulier aux scènes de bataille en se posant en l'incarnation physique d'une époque où les repères moraux vacillent. Le cheval joue comme toujours un role important chez Kurosawa: c'est la monture qui révèlera l'imposture du sosie et c'est surtout les chevaux que viseront l'armée des adversaires du pouvoir en place pour les mettre en échec. Et dans le final sur le champ de bataille en désolation c'est sur les chevaux se débattant à terre que la caméra s'attardera pour souligner l'horreur engendrée par les luttes des dirigeants (grand thème d'un Kurosawa qui a toujours été marqué par les conséquences de l'aveuglement des dirigeants japonais durant la seconde guerre mondiale).

Avec le succès mondial et la palme d'or du film, Kurosawa, à l'époque considéré comme un homme du passé par des studios refusant de financer ses projets (et sans des admirateurs nommés Lucas, Spielberg, Coppola ou Scorcese qui poussèrent Hollywood à financer certaines de ses dernières oeuvres il n'aurait jamais pu continuer à filmer), était de nouveau célébré en son pays et permettait au cinéma japonais de produire encore des oeuvres puissantes durant ses années de crise. Face à un Japon évoluant vers le tout-mercantile, la montagne Kurosawa restait immobile mais toujours au sommet de son art.



20 mai 2002
par Ordell Robbie




Une incroyable merveille!

Peut-être avez-vous déjà vu Président d’un jour (Ivan Reitman, 1993, avec Kevin Kline et Sigourney Weaver), cette petite comédie US où un sosie remplaçait au pied levé le Président des USA qui venait de mourir. En voyant Kagemusha, je viens de comprendre que Reitman n’a strictement rien inventé… Ce film, Palme d’Or à Cannes en 1980 ex-aequo avec Que le Spectacle commence (Bob Fosse), exploite en effet le même filon du double qui remplace le chef, avec une maestria et une profondeur que le remake US ne peut lui contester. Soit dit en passant, je ne fais pas exprès de mettre des 4,75 et des 5 aux films de Kurosawa, c’est tout simplement parce que je ne peux m’en empêcher ! Devant ses films, une sorte de magie s’empare de moi et je reste béat d’admiration et de bonheur du début à la fin…

Kagemusha s’ouvre sur un plan fixe large et long d’un mini-congrès réunissant Shingen, l’ambitieux seigneur qui rêve de régner sur le Japon, son frère et le sosie parfait de Shingen, qui n’est autre qu’un vulgaire voleur repéré dans les parages. A la manière d’une pièce de théâtre, les personnages et l’histoire sont plantés en moins de 5 minutes, et tout ce qui suit va directement en découler. On se doute après cette première scène que Shingen va finir par mourir et que son double va être contraint de le remplacer au pied levé pour berner les ennemis comme les alliés afin de conquérir Kyoto. Un vulgaire voleur promu grand seigneur, ça promet, surtout quand c’est Nakadai Tatsuya qui régale ! Cet incroyable acteur parvient en effet à donner une âme à ce bougre à la destinée tragique, puisqu’il n’accédera au pouvoir que dirigé comme un pantin par les cerveaux du clan, et sera gentiment remercié à coup de pierres quand on n’aura plus besoin de lui…

Pour son profit et son intérêt, même un samouraï peut trahir son code de l’honneur par la méchanceté et l’égoïsme. C’est en substance ce qu’essaye de nous montrer Kurosawa. Le double s’investit à fond dans la tâche qui lui a été confiée, si dure soit elle, pour tenter de ressembler à un homme qu’il déteste au service de gens qu’il ne connaît pas. Il accède ainsi d’une manière détournée au pouvoir, voit des hommes se faire tuer pour lui avant que le bâton ne lui revienne violemment dans la gueule. Les femmes, qui n’avaient jusque là qu’un rôle minime dans la société machiste des samouraïs, jouent une nouvelle fois chez Kurosawa un rôle déterminant : c’est elles qui, parce qu’elles couchent avec Shingen, dénoncent le double comme étant un usurpateur puisqu’il n’a pas de cicatrices dans le dos…

Malheureusement, c’est bien connu, quand le pouvoir vous monte à la tête, il est difficile de s’en défaire. Le sosie va constater malgré lui cet adage en périssant au nom d’une bannière qui n’était même pas la sienne. Kurosawa clôt son film en laissant voguer son héros tragique au gré des flots, et en nous laissant par la même occasion flotter dans les délices de son cinéma inimitable, ravis et fascinés par un tel spectacle et une telle intelligence de traitement.

Il est à noter que même si Kagemusha finit mal, le ton est cependant bien plus léger que le film de samouraï kurosawaien suivant, Ran, qui est une critique désabusée et désespérée de la folie humaine.



23 juillet 2001
par Ghost Dog


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