Encore un grand film de la part de Stanley Kwan
Ahhhh, Stanley Kwan... Sans aucun doute l'un des cinéastes hong-kongais des plus intéressants mais hélas très peu reconnu à l'étranger(et ce n'est pas le bide de Lan Yu, histoire d'hommes à Pékin dans les salles françaises qui va arranger les choses) et pourtant, en parcourant sa filmo on ne peut y voir que le talent indéniable d'un cinéaste qui décorte au fur et à mesure de ses films l'âme humaine et Hold You Tight est un très bon exemple de la capacité du maître à délivrer des chef-d'oeuvres d'une profondeur inégalée
Comme souvent dans sa filmo, Stanley Kwan aime à multiplier les points de vue et les personnages ce qui donne lieu à plusieurs histoires parallèles. Ce mélange a déjà de quoi décontenancer au départ mais est rendu encore plus complexe par une narration déstructurée. Au-delà de l'effet de style, c'est un moyen remarquable qui est donné au spectateur pour pousser sa curiosité, l'amener à comprendre les personnages auquel il va être confronté. Le premier personnage nous étant introduit post-générique est celui d'Eric Tsang qui malgré son air débonnaire et simple se révèlera en fin de compte, comme la personne portant le regard le plus lucide(et en même temps idéaliste) sur les autres personnages. Sa relation avec Sunny Chan lui donne l'occasion de fournir l'une des meilleures interprétations de sa carrière: durant tout le film, il ne cessera de draguer Sunny Chan d'une façon tellement subtile qu'on ne peut que saluer sa prestation.
Mais il est temps de passer à la partie la plus intéressante du film avec le couple sunny Chan/Chingmy Yau. Jeune couple modèle en surface, Sunny Chan et Chingmy Yau sont pourtant deux personnes qui ne se connaissent pas même si ils dorment dan le même lit et vivent dans le même appartement, leur relation étant presque d'ordre formel. Rares sont les moments où Chingmy Yau peut prendre conscience de son mari: une étreinte sous la douche, des gouttes d'eau, un clavier d'ordinateur. Autrement dit, son mari ne peut lui fournir tout l'amour et le réconfort dont elle a besoin et c'est ainsi qu'elle mènera une relation plus ou moins idyllique avec Jie, un maître-nageur qui saura être à son écoute. Mais la vie est ainsi faite et elle meure brutalement dans un accident d'avion. Fin. Fin et nouveau début en même temps pour Sunny Chan car de la même manière que sa femme n'avait de lui que quelques éléments pour prouver s aprésence, il se rendra seulement compte de toute l'importance qu'avait Chingmy Yau dans sa vie via des éléments aussi simple qu'un répondeur, un éconmiseur d'écran, des parfums. ette disparition brutale aura aussi des conséquences sur Jie qui ne sait plus ou il en est tant au niveau émotionnel que de ses goûts sexuels. Commence alors pour ces deux hommes, un long chemin de croix où chacun aura besoin d'une tierce partie pour se repositionner dans leur vie respective.
Hold You Tight contient à peu près tous les thèmes chers à Stanley Kwan: la vie, la mort, l'amour, la solitude, les questionnements sexuels. C'est d'ailleurs assez impresionnant comment son cinéma se fait la plus belle représentation de la solitude à tous points de vue. Cet aspect est habilement représenté par Chingmy Yau qui constitue le véritable coeur du film. A mille lieux de ses rôles précédents(dont Naked Killer est le plus connu), elle délivre une vraie performance d'actrice, n'ayant rien à envier à des stars plus respectables comme Maggie Cheung. La réalisation de Stanley Kwan colle au plus près des personnages, ne les lâche pas d'une seemlle et les cadre sous tous les angles possibles comme pour mieux les cerner. Mais il parvient aussi à délivrer de grand moments comme lorsque Chingmy Yau s'envole pour son dernier voyage où cette séquence finale magnifique sur un pont la nuit avec la chanson-thème du film. Pour tous ceux qui veulent sortit des sentiers mille fois rabattus des films HK, ce film s'impose comme un grand film à découvrir
Un grand Stanley Kwan
Voilà sinon le meilleur film de Stanley Kwan à ce jour, du moins le plus homogène dans ses différentes composantes. Au contaire de Lan Yu, histoire d'hommes à Pékin, l'histoire s'équilibre parfaitement entre les points de vue des différents personnages. Si l'on ressent le questionnement personnel de Stanley Kwan dans ce film, il y sert de ferment pour explorer les attitudes de ses héros sans que cela ne vienne justifier leur comportement. Cette indépendance dans le regard porté aurait pu aboutir à une distance fatale pour ce genre de film. C'est là que le sens de la construction de Stanley Kwan prend tout son sens en venant livrer les destins sous forme d'histoires croisées, suffisamment désentrelacées pour que chaque personnage existe par lui-même et pourtant réunies par un même questionnement sur le sens de leur vie. La forme technique du récit mériterait d'être montrée dans les écoles de cinéma comme un modèle du genre. Cette maîtrise reste pourtant seulement l'outil à travers lequel les différents héros vont être découverts par le spectateur.
Le personnage d'Eric Tsang sert de fil conducteur à l'histoire au moins par sa relative stabilité. Eric Tsang livre à travers son personnage une interprétation qui peut faire date dans sa longue carrière au coté de celle de Metade Fumaca par exemple par sa retenue et l'intensité qu'il sait conférer au moindre geste de son personnage. Chingmy YAU Suk Ching tenait là un des derniers rôles de sa trop courte carrière et peut-être son seul grand rôle dramatique. De tous les héros, c'est son personnage qui a le plus de mal à trouver sa place, c'est aussi la seule à s'interroger sur son destin avant que sa disparition ne vienne révéler aux autres la place qu'elle tenait pour eux. Sunny CHAN Kam-Hung, en mari un peu oublieux de sa femme qui n'aura pas su voir sa fragilité avant qu'il ne soit trop tard, porte l'intensité dramatique du film après la disparition de celle-ci. C'est lui qu'Eric Tsang va conforter dans le film . Il sera l'objet d'une attention toute aussi ambigüe de la part de l'ex-amant de sa femme sans que le final ne vienne rien trancher sur ce que l'avenir pourra réserver à ces personnages.
Si le cinéma de Stanley Kwan est déjà en lui-même en décalage par rapport au contexte local, au point d'être beaucoup plus proche du cinéma taïwanais que de celui de Hong-Kong, Hold You Tight fait incontestablement parti des tout meilleurs de sa production par son équilibre, sa délicatesse et l'intensité rentrée des émotions qu'il porte. A ne pas manquer!
30 janvier 2006
par
jeffy