Une expérience étrange et percutante
Critique de la version longue
Ce moyen métrage nous renvoie tout naturellement vers les premiers essais du cinéaste voilà déjà vingt ans. Tsukamoto imprimait déjà son style inimitable -sans pour autant être apprécié de tous- en mêlant les images choc à une narration absolument décousue (voir inexistante) alliés à un montage sévèrement travaillé.
Haze nous replonge donc dans cette époque, sans pour autant faire preuve de l'énergie palpable de ses premiers essais, pire même puisqu'il intervient dans une période où Tsukamoto semble s'être apaisé, rangeant au fond d'un placard ses sempiternels montées en régime qu'on lui doit depuis
Denchu Kozo, monument de n'importe quoi artistique mais monument d'expérimentation dans le domaine, dépassant ce que pouvait déjà faire l'un des "artistes" de l'expérimentation sous toutes ses coutures, le dénommé
TERAYAMA Shuji. Qu'est-ce que c'est donc
Haze? Le renouveau de l'expérimental signé Tsukamoto? Une plongée inédite et paranoïaque dans l'esprit d'un salaryman? Un peu des deux, teinté aussi d'une légère déception dans la mesure où
Haze ne relève que d'une relecture du cinéma typique du cinéaste nippon : la quête et le dépassement de soi, l'organique, l'urbanisation intense, le renfermement.
Il n'y a donc aucune crainte à avoir, le cinéaste nous emmène dans un tunnel pendant presque 50 minutes et on n'en ressortira pas de si tôt. Un tunnel qui ressemble à s'y méprendre à une véritable chambre des tortures, alternant couloirs épineux et bassin de cadavres comme une belle maison hantée un chouya plus trash que celle que l'on trouve à Disney. Mais Haze c'est aussi une -petite- expérience visuelle dans la mesure où Tsukamoto recycle -de belle manière- son cinéma et ses cadrages chargés de tension : gros plans sous le menton, cadrages à même le sol, très peu d'exposition à la lumière, rendant l'univers particulièrement étroit, étouffant et habité d'une panique monstre. Il faut en effet voir ce salaryman débarquer dans ce tunnel, transpercé de piques et saigner comme un porc, rien de mieux comme entame pour un moyen-métrage estampillé Tsukamoto. Le cinéaste n'hésite pas non plus à inclure une autre personne dans son récit (plus on est de fous plus on rit), à rehausser sa narration par l'ajout de monologues classiques et empruntés, mais n'affaiblissant pas la dynamique déjà bien emballée. A noter un final toujours aussi étrange, faussement optimiste, pas aussi beau que celui de Bullet Ballet. Une curiosité.
Obscur et génial
Retour aux sources pour
Tsukamoto ? Surement un peu, si on pense au retour à un cinéma centré sur le corps et la sensation physique comme au bon temps de
Tetsuo et
Tokyo Fist, ainsi qu'à un élan minimaliste et brutal (dans le scénario comme dans les méthodes de tournage) qui semblait avoir abandonné depuis
Bullet Ballet. Mais pas tant que ça lorsqu'on se dit qu'en fin de compte, même lors de ses collaborations avec des studios (sauf pour
Hiruko, ce qui nous ramène à loin),
Tsukamoto ne s'est jamais renié. Toujours personnel, il a évolué. Alors si on y retrouve des thématiques et certaines références (un plan culte qui a fait grincer un certain nombres de dents se voit transposer dans une scène de plusieurs minutes)
Haze n'a dans sa mise en scène finalement pas grand chose à voir avec
Tetsuo.
Haze est ce qu'il est convenu d'appeler un exercice de style, et ce n'est pas forcément dans un scénario à la signification plutôt obscure qu'on y trouvera un intérêt profond.
Haze est un pur film de mise en scène et de sensation. Son tour de force est - dans une démarche totalement claustrophobe - de construire un espace, décrire un territoire (le labyrinthe) entièrement en contre-champs. Contre-champs paradoxalement fixés sur le personnage (filmé au plus près, le plus souvent en très gros plans) dont les réactions décrivent comme en négatif son environnement. En quelque sorte l'équivalent cinématographique du discours rapporté, avec la dose d'incompréhension et de flou qui va avec.
Obscur, au sens propre comme au figuré, mais génial.
Labyrinthe de la passion
ATTENTION : il existe deux versions de "Haze", dont une d'une vingtaine de minutes au sein d'un film à sketches, puis celle de TSUKAMOTO d'une cinquantaine de minutes.
Je n'ai vu que la version longue au cours du festival de Lyon 2005 et pour en avoir assuré les sous-titres.
Avec "Haze", "Tsukamoto" revient quelque peu à ses premiers projets enragés, après l'exploration de la thématique sexuelle développée dans ses récents "Snake of June", "Vital" et "Tamamushi".
"Haze" constitue sa première incursion dans la réalisation DV, dont il aimerait tirer un meilleur bénéfice dans un proche avenir en accumulant des projets, qui lui reviendront à moins chers.
"Haze" est un retour à la martyrisation du corps (TSUKAMOTO se met lui-même en scène) par cette histoire d'un homme enfermé par le béton (réminiscent de l'homme emprisonné par les villes de ses précédents "Tetsuo 2", "Bullet Ballet" et "Tokyo Fist") et subissant des mauvais traitements de son corps par des pièges mortels. Le film recèle de scènes cultes, qui feront grincer des dents (dans le sens premier) plus d'un spectateur...Pur film basé sur des sensations primaires, il ne faut pas réellement chercher d'interprétations aux images, mais plutôt se laisser emporter dans le tourbillon des sensations primaires.
Quant à la fin, à chacun son interprétation...personnellement, je ne pense l'avoir saisi qu'après une dizaine de visionnages.
En tout cas, TSUKAMOTO poursuit sa quête personnelle, revenant à l'exploration de ses premières thématiques. Un pur condensé de sensations brutes.
Dans cet exercice de style claustrophobique à souhait, Tsukamoto Shinya revient à ses premiers amours expérimentaux. Et si quelques moments grinçants valent assurément le détour et procureront à coup sûr des frissons dans l'échine des spectateurs, il est dommage qu'"Haze" soit entaché par une fin aussi décousue, dont le propos aurait gagné à être plus clairement explicité dans la version "longue" de 40 minutes.
1 min ça va, 30 min bonjour les dégats...
TSUKAMOTO ? Fidèle à lui-même pour le coup, aux dires de tout le monde. Pourtant, quel bide que ce court métrage, un délire artistique poussé à l'extrême...
On ressort du film avec une impression de n'avoir rien à dire, comme si cela ne méritait même pas une discussion autour du sujet ; fait rarissime, surtout dans un festival (vu à l'Asiexpo de Lyon en 2005).