Le Grand Attentat est un Kudo Eiichi intéressant parce qu'il sait se mettre en marge du tout venant chambaresque d'époque. Ici, les affrontements sont filmés avec une noirceur redoutable, privilégiant les plans-séquences caméra sur épaule plutôt qu'une ampleur classique que l'on voyait chez Kurosawa ou Gosha. L'efficacité n'est donc pas à mettre à l'actif d'un montage sec mais plutôt sur l'instant même. En dehors de ceci, aspect purement technique, Kudo offre à son film un scénario très écrit, le samouraï recherché par les hautes autorités locales incarne une certaine forme de rébellion, la critique du Shogunat n'en est alors que plus virulente, mettant en avant les séquences de violence sur les villageois un à deux crans en dessous des meurtriers qui sont censés représenter la loi. Visuellement les séquences dialoguées, parfois pompeuses, sont filmées avec un vrai sens du cadre (deux samouraïs aux extrémités de l'écran et des détails en fond) et ne font pas l'impasse sur la recherche du plan qui tue (admirable travelling éloigné suivant les ombres de deux seigneurs), d'où cette impression d'être en face un chambara délicat dans son approche car très écrit et très dialogué pouvant laisser échapper quelques confusions parmi les personnages, mais très agréable à suivre pour sa rigueur formelle. Reste qu'il est beaucoup trop long, au final.
"Le grand attentat" est un parfait prolongement du précédent "13 Assassins" par Kudo et constitue indéniablement le chef-d'œuvre des trois jidai geki crépusculaires réalisés par le réalisateur. Tout y est mieux maîtrisé, depuis les personnages, tous parfaits, en passant par la dramaturgie d'un scénario nihiliste jusque dans l'exécution des impressionnantes scènes de bataille, dingues de rage et de fureur rarement vu sur les écrans du monde entier à la même époque.
Par-delà du simple divertissement contestataire en vogue à l'époque, où un groupe d'individus remettait en question, voire s'opposait la tyrannie d'un seul homme / pouvoir en place, Kudo accentue ancre davantage encore l'action dans la situation réelle avec notamment l'avènement des mouvements étudiantes contestataires. La légende veut même, qu'il ait inclus les slogans et cris des manifestants des vrais mouvements de protestation dans sa bande sonore…
Un superbe jedi gekei, à l'image de cette terrible scène d'ouverture avec les forces de l'ordre dévastant tout sur leur passage et tuant la femme de l'un des personnages principaux sous ses propres yeux…Tourné à l'époque des films de la Nouvelle Vague, c'est un autre "souffle" qu'envoyaient les grands studios nippons à la tronche de leur public…