Cajolons le Kaiju
Avec une belle succession d'enjeux clairs, on peut sans peine trouver que le scénario est bon, que la mise en scène en jette un max, que c’est bien foutu, intelligent - Fukushima, le 11/09, Hiroshima, tout y passe avec une finesse assez surprenante -, que c’est émouvant, époustouflant, trucmuchtouflant, la totale. C’est indubitablement méta via Spielberg (le final de L’empire du soleil…), Patlabor 2 (la même vision d’un pont cassé en deux, la présence d’un chien qui révèle un environnement respirable…) et d’autres mais pas geek pour deux sous comme, au hasard, le « Geek.I-Jesque » Pacific Rim. Cela étant, l’approche n’est pas la même puisqu’elle est lovecraftienne d’obédiance Goldorakienne chez ce dernier, plus animale et humaine chez le Godzi du jour, traité qui plus est comme un (très bon) film catastrophe à l'issue perçue comme inéluctable. Rayon zicmu, si je ne suis pas transplaspouillé par le score d’Alexandre Desplat il reste sacrément efficace, bien dosé - c'est déjà très bien - mais comme d'hab' je ne retiens aucun thème, aucune mélodie. C’est peut-être trop subtil pour moi, du moins sur une première écoute. A réentendre. Chacun son truc mais j'aime quand la musique existe par elle-même, quand elle ne s'efface pas derrière son sujet, ce que beaucoup cautionnent pourtant. Là il assure bien la jonction entre du Zimmer et du Williams mais bon... peut-être recycle-t-il les scores japonais originels, je ne sais pas.
Quelques trucs bofs pour la route ? La coupe de cheveux de Cranston, le jeu "Beverly Hills" de la petite soeur des jumelles Olsen, Watanabe en expression mono faciale tout du long, une scène ultra classique de "school bus" et l'étrange explosion finale - histoire de ne pas spoiler - qui ne renvoient pas au meilleur des Batman de Nolan... Mais j'avoue que notre militaire d'Aaron Taylor Johnson, qui m'avait bien parlé dans le Chatroom de Nakata, m'emballe bien ici. C'est pourtant un stéréotype mais ça passe. Je ne me suis pas formalisé des codes du genre, bien gérés sur ce type de film qui n'a pourtant jamais été ma tasse de thé. Le contexte veut que l’individu passe derrière l’intérêt collectif, cela ressort du genre "film catastrophe" où chacun est défini en quelques lignes. C’est un peu comme si, poursuivi par un gros monstre, vous vous retrouviez à causer survie avec un inconnu. Peu importe qui il est à cet instant-là : vous vous en foutez complètement, l’intérêt commun prime et vous vous boirez une bière plus tard... si toutefois vous vous en sortez ! De son côté, même si les dramatiques dommages collatéraux de Godzilla sont "éllipsés", il reste un renfort bienvenu. Bizarre impression tout de même que celle que le réalisateur Gareth Edwards a voulu faire la nique à J.J Abrams en améliorant la scène de chute libre de Star Trek et les scènes de panique de Super 8. Par ailleurs, il améliore aussi le monstre de Cloverfield et fait montre d'une intention toute particulière de se différencier des chorégraphies de Pacific Rim et du King Kong de PJ, c’en est flagrant lors de l’ultime coup de grâce. Bref, pour un film de monstre, c'est clairement le haut du panier, slam dunké à mort par un Godzilla en grande forme. GRAOUAAÂÂRR !!! Nota : on m'a conseillé d'éviter la 3D : merci ! Elle est en effet inutile, ça marche du feu de Dieu sans. J’ai bien God-zillé. Et, pour l'anecdote, je me suis bien poilé avec le soldat Moralès, passé Sergent mais mort pour la patrie quand même. Ce qui relève certes d’une lointaine et involontaire private joke française made in Didier Bénureau mais m'a franchement fait pleurer de rire. "Lui qui voulait battre des records"... comprenne qui pourra. Il faudrait demander à Gareth Edwards – à ne pas confondre avec Evans, tiens oui – s’il connait Bénureau. Al'occasion, hein...
Ce Godzilla a le mérite de ne pas verser dans l'excès autant d'un point de vue narratif que spectacle.
Le scénario ne cherche pas à établir de coupable tout désigné autre que les américains sans les charger, l'eau ayant coulé sous les ponts depuis).
Le rythme prend le temps de caractériser un minimum ses personnages (humains) et l'histoire déroule assez tranquillement mais avec une relative efficacité.
Quant au spectacle, il fait gentiment son office sans..."casser la baraque" pour autant.
Si vous souhaitez voir de la baston régulière entre kaijus, c'est raté.
Le réalisateur désamorce (non sans malice) chaque combat de titans ceux-ci à peine débuté pour revenir auprès de nos semblables.
Le duel final, quant à lui, même s'il reste opératique et positivement fonctionnel, ne sera pas à ranger parmi les meilleurs moments du genre.
Au moins, on tient là une version américaine respectueuse du matériau d'origine, essayant d'introduire de l'émotion.
Pour la suite "Godzilla, King of the Monsters" réalisé par Michael Dougherty, ce sera tout l'inverse. Castagne géante bien plus (trop) fréquente (et pas assez originales pour la grande majorité) et nombre de créatures emblématiques démultipliée de la saga contre caractérisation et émotion en berne.
À noter la présence poétique de Mothra sous ses deux formes et un traitement de Rodan assez efficace question design et chorégraphie.
06 février 2021
par
A-b-a
