Patriotisme
Adapté du roman 226 sur les évènements du 26 février 1936, Four Days of snow and blood a le mérite de montrer qu'à l'époque où son collégue frondeur Fukasaku cachetonnait Gosha avait pu encore réaliser des projets vraiment personnels pendant les années 80. Avant cela, il avait tourné un Gokudo wives de funeste mémoire et deux oeuvres érotiques (en particulier un remake de La Barrière de chair de Suzuki). On sait que Gosha s'est toujours intéréssé à des individus en rébellion contre des contraintes (sociales, de clan) plus puissantes qu'eux. Avec les évènements de 1936, Gosha élargit cette réflexion au groupe cette fois en lutte contre les forces en place se sentant menacées par le coup d'état. Il s'agit ici de la chronique d'un combat perdu d'avance et de la façon dont les contradictions des combattants et les pression extérieures vont le miner. Quelques grands thèmes liés à la question de l'action révolutionnaire se déploient au cours de ces près de deux heures. Citons la contradiction d'un coup d'état usant de l'action violente (c'est à dire un procédé révolutionnaire) pour tenter de faire revenir le pays à la tradition. Ou celle d'un coup d'état cherchant à réhabiliter l'empereur mais désavoué par ce dernier. Car l'ordre établi et l'Empereur sont ailleurs, tous désireux qu'ils sont d'expansionnisme. Porteur de valeurs révolues, les héros de Gosha sont de toute façon toujours les premières victimes des changements d'époque. On trouve également le thème de l'action contestataire face à l'extérieur, les influences de ce dernier finissant par disloquer le groupe et mettre à jour ses contradictions. On ne sent jamais d'ailleurs en son sein de véritable projet politique alternatif un minimum pensé, chose caractéristique de toutes les tentatives vaines de changement. Le scénario a également pour mérite de ne jamais perdre le spectateur malgré de très nombreux personnages. Et Gosha emballe ça avec une vraie sobriété classique tout juste entachée de quelques ralentis peu inspirés. Le film ne fait pourtant pas partie des réussites majeures de Gosha. Les thèmes brassés sont riches et nombreux et auraient mérité encore plus de développement. Et outre un script pas assez développé, le film souffre d'un score classique dont l'usage pompier ou convenu cadre très mal avec le parti pris de sobriété de la mise en scène. Les flash backs sont ainsi tirés vers la mièvrerie par ce score. Le film ne s’approche ainsi pas suffisamment de la sécheresse et de la noirceur d’un Portrait d’un criminel. D'où un Gosha en deçà du potentiel de son sujet.
tenchuuuu!!!
Ce film est peut-être à voir en parallèle d'une oeuvre de Kiju Yoshida; "coup d'état", retraçant cet événement historique majeur qui a eu lieu à partir du 26 février 1936.
Mais ici Gosha épouse peut-être trop les sentiments de ses protagonistes, dont les idéaux "révolutionnaires", poussent à une tentative de coup d'état...
Il serait aussi possible de faire un parallèle, peut-être moins évident, avec une autre oeuvre de Gosha... Le film de sabre "Hitokiri", où des assassins exécutent des politiques au nom de l'empereur, en criant "tenchuu" (châtiment divin), tout comme l'un des militaire de "226".
Un coup pour rien
Le spécialiste du Chambara a aussi œuvré dans bien d’autres styles. Il signait ici un drame historique contant la révolte du 26 Février 1936 de jeunes officiers de l’Armée Impériale contre la corruption généralisée de l’Etat. Cet incident resté célèbre et nommé au Japon Ni-ni-roku (titre original) a beaucoup inspiré la littérature et le grand écran, l’écrivain Yukio MISHIMA profondément marqué par cet épisode réalisant en 1965 YUKOKU/PATRIOTISME directement tiré de ce fait d’armes.
Nous découvrons un groupe de jeunes militaires exaltés par la mission qu’ils se sont eux-mêmes donnée, restaurer la condition de l’Empereur et chasser les grands financiers et autres politiciens véreux. Mais reniés par leur hiérarchie ne pouvant tolérer un tel manquement à la discipline en si haut lieu, ils devront vie déchanter.
Le scénario suit ces évènements de façon linéaire et très limpide, seuls quelques flash-back renvoient à la vie familiale de chacun, alors que les doutes et les peurs de chacun sont finement décrites. Plus qu’un simple film de soldats, il s’agit surtout d’un huis clos psychologique de plus en plus désespéré.
La réalisation prend son temps, la caméra proposant souvent des plans contemplatifs, mais les scènes de bataille au début de l’histoire sont filmées avec maestria dans une pénombre hivernale et sous une neige très photogéniques, rendant parfaitement à l’écran l’intrusion de la violence dans les maisons endormies. La photographie du film est vraiment travaillée, les couleurs un peu passées conférant un caractère quasi- documentaire à cette belle reconstitution d’une époque, l’esthétique en plus.
Le magnifique score musical signé Akira SENJU, rappelant les meilleures partitions de Ryuichi SAKAMOTO, participe à la gravité et à la solennité de l’ensemble.
Les personnages féminins restant forcément en retrait dans cette affaire d’hommes, Hideo GOSHA dirige une distribution majoritairement masculine et homogène, exacerbant une virilité quasi-officielle en ces temps militarisés.
Mais le lyrisme dans la réalisation des dernières séquences conclue de manière émouvante cette révolte finalement pathétique et promise à l’échec dés le départ : les idéaux chevaleresques n’avaient plus cours depuis longtemps, tous ces hommes représentant certainement une époque révolue face au pragmatisme moderne et aux volontés expansionnistes et militaro- économiques de leurs supérieurs, l’Empereur tant vénéré en tête.
On pourra toujours argumenter sur le caractère extrémiste de ce noyau d’officiers, ce que GOSHA ne fait pas directement, les faits racontés pouvant être interprétés d’eux-mêmes selon l’opinion de chacun.
En réalisant ce beau et sombre drame historique, Hideo GOSHA effectuait son grand retour à un cinéma de facture classique après toute une série de films érotiques injustement décriés à leur sortie, dont le remake de la BARRIERE DE CHAIR/NIKUTAI NO MON en 1988 ou encore TOKYO BORDELLO/YOSHIWARA ENJO en 1987.
Un de ses derniers projets mené à bien avant son décès trois ans plus tard, laissant alors une filmographie passionnante dont une bonne partie reste inédite.