Kunisada : portrait d’un serial maso
Qu’en penser ?
Un quart d’heure après le début du film, on hésite. Partir de la salle en claquant le siège et en insultant le metteur en scène ? Rester vaille que vaille malgré les images dégueu qui dégoulinent à l’écran ? Etant en plein milieu de mon rang et sachant qu’environ 200 personnes regardaient avec moi (c’était l’étrange Festival 2002), j’ai finalement opté pour la seconde solution, et bien m’en a pris. Mais il faut dire que les premières scènes sont particulièrement éprouvantes, même pour un habitué des films gores et sans tabous. Voir Kunisada, cet homme déjanté et pédophile enlever et séquestrer son ex-femme dans une maison de campagne, le voir la violer, l’attacher, la mater quand elle chie et la torturer à la cire de chandelle quand elle tente de se rebeller, a quelque chose de vraiment dérangeant, peut-être parce qu’on ne pouvait concevoir d’assister au cinéma à des fantasmes enfouis dans l’inconscient collectif et bien sûr totalement inavouables…
Quand la barbarie devient poésie
Après ces 15 premières minutes pesantes, l’atmosphère se détend progressivement quand le récit laisse apparaître des éléments de comédie au second degré, notamment grâce à des ellipses du même type que celles de Kitano (par exemple, lorsqu’un jeune homme qu’on croyait mort entre en rampant dans ladite maison, et qu’au plan suivant il se retrouve attaché comme tout le monde, sans comprendre ce qui lui arrive). Le renfort de ce couple qui a raté son double suicide et qui tombe entre les mains de Kunisada apporte d’ailleurs beaucoup au récit. On assiste à un apprentissage collectif du plaisir, forcé au début puis consentant par la suite. Voir les yeux d’Akiko en redemander avec envie est très troublant… Quelques moments atteignent même une dimension poétique inattendue, comme dans la scène de groupe où Akiko satisfait le jeune homme attaché tandis que Kunisada couche avec sa petite amie, ou encore lorsqu’on retrouve le couple séquestré mort mais attaché, pour l’éternité. Acteurs convaincants et mise en scène léchée donnent au final un jugement positif sur ce film pourtant mal parti.
Coup de fouet dans l'eau
Gros succès au Japon en son temps, Une Femme à Sacrifier est un Konuma guère plus convaincant qu'Esclaves de la souffrance. Qu'a-t-il à raconter? Un kidnapping, de la torture, un couple qui fait un double suicide et se retrouve à apprendre le plaisir... Oui et pour dire quoi? On n'attend pas forcément d'un cinéaste qu'il ait quelque chose à dire et on est pas du genre à vouloir absolument que le cinéaste offre sa vision de l'humanité, de son temps ou des topinambours. Sauf que l'absence de profondeur, c'est mignon quand c'est revendiqué et assumé et qu'il s'agit de satisfaire le plaisir du spectateur, de lui offrir un feu d'artifice de divertissement pur. Mais quand il s'agit juste d'enchainer des scènes érotico-chocs qui ne procurent aucun malaise, de faire du SM pour le SM, de rajouter de l'humour qui rate sa cible, l'intéret d'un tel film est nul. Eprouvant? Dégueulasse? C'est censé l'etre mais pas de ce genre de sensations pour moi. Peut etre parce que les pétards mouillés de la provocation pour la provocation ratent leur cible et ennuient vite. Et qu'après tout un Ishii Teruo a fait bien plus gratiné rayon cocktail sexe/violence ce qui fait qu'on a meme pas envie d'aller chercher Konuma sur le terrain de la morale de cinéaste pour son cinéma SM Canada Dry. Et qu'hors quelques effets elliptiques, c'est platement mis en scène, avec ces plans fixes poseurs voulant faire croire à la rigueur classique, ce genre de plans fixes qu'on a trop vu comme carte de visite d'un certain cinéma asiatique de festival. Erotisme SM auteurisant? Peut etre bien et après tout au rayon de l'érotisme avec alibi auteurisant bidon, c'est bien plus agréable à suivre que du Breillat parce que ça endort là où Breillat exaspère. Et surtout c'est d'une poudre aux yeux ordinaire, ça ne pousse pas l'esbrouffe assez loin pour se faire détester...
Imperfect Education
Concernant le type particulier des roman porno, on sait au moins à quoi s'attendre; des parties de jambes à l'air, des femmes ligotées et maltraitées et une conception du plaisir et de l'amour bien particuliers. L'intérêt est bien évidemment assez mince, à moins de s'extasier devant les humiliations subies d'une femme. Difficile également de prendre ce type de productions à un dégrée moindre, tant un certain malaise persiste quant au traitement purement abject infligé aux femmes et de se dire qu'un certain public y trouvait son compte.
Le film est tout simplement scabreux. Si le fait qu'une femme découvre son affinité pour des pervers plaisirs en se faisant abuser sexuellement, violer et maltraiter n'est pas le seul exemple dans la longue filmographie du Cinéma Japonais, d'autres thématiques abordées sont plus choquantes :abus d'un couple que l'on devine mineur et surtout d'une petite fille innocente - jusque dans son plan final. Personnellement, j'ai fait finalement abstraction de ces fantaisies totalement inconcevables et ai fini par prendre ce spectacle au centième dégrée; du coup, le film réserve effectivement des véritables bijoux de moments cultes, comme un lavage des fesses conclue par une poussée phénoménale sur fond musical exagéré ou encore ce magnifique plan final, où le sadique sexuel part - heureux comme un pape - main dans la main avec une petite fille vers leur avenir. A bien y réfléchir, ceci donne froid dans le dos; en le prenant comme un film, cela devient le comble de l'absurde.
Au moins, il faut avouer une certaine recherche visuelle et de maîtrise du réalisateur. Si les décors uniques et les nombreux zooms et mouvements de caméra maladroit trahissent un tournage expéditif pour cause de manque de budget évident, le réalisateur crée pourtant de véritables cadrages recherchés, notamment par ses différents plans magnifiques, isolant les couples dans la nature. Perdus dans l'image, ils sont véritablement écrasés par l'omniprésence de la Nature environnante, seuls au monde. Quelques habiles procédures cachent également les parties intimes et empêchent le recours aux gros carrés floutants pour cacher les poils pubiens - telle une partie de jambes en l'air masquée par la flamme d'une bougie au premier plan.
S'il ne faut donc prendre le film que pour ce qu'il est - un pur produit d'exploitation avec son lot obligatoire de scènes SM et autres abus - il se détache forcément du lot des productions du même genre autrement torchés par d'autres réalisateurs; maintenant le véritable talent de cinéaste seraient encore largement à prouver...
Et à Mizoguchi de se retourner dans sa tombe devant un tel portrait des femmes...
avec Flower and Snake, un indispensable du pinku tendance SM
oula, oula il nous fait quoi là konuma...
Ce film est malsain, il ne faut absolument pas le prendre au premier degré. Il y a pourtant un talent indéniable dans la réalisation de cette chose... Mais un talent pas très fréquentable. Je le déconseille aux non cinéphiles, car regarder ce film juste pour se faire plaisir (se branler) c'est un peu être du côté de son salop de héros, et aussi du regard fort contestable de son réalisateur un des trois grands maîtres du roman porno de la nikkatsu durant les années 70. Les deux autres maîtres, Noboru Tanaka et Kumashiro Tatsumi ont peut-être un peu plus d'éthique, si il est possible de parler d'éthique dans ce genre de productions.