Il y avait pourtant tout pour réussir....
Quelle déception ! J'avais adoré presque tous ses précédents films, surtout les deux premiers de sa trilogie musicale, et je m'attendais à un final retentissant avec celui-ci. Et y avait de quoi. Un contexte passionnant et riche en possibilités, la musique qui ne se contente pas de son rôle artistique, mais sert réellement à la progression...
Et patatras!
Tout le début est entièrement râté, on n'y croit pas une seule seconde tant l'ensemble paraît superficiel. On sent bien évidemment qu'il s'agit d'un mariage arrangé, et que l'héroïne est presque forcée de rendre visite à son mari. Mais, par on ne sait quel miracle, elle finit par l'aimer d'un amour vrai et à tout abandonner pour le retrouver. Aucune progression dans la psychologie du personnage, on nous balance ça d'un coup. Il n'y a donc qu'une succession de moments, et aucune vue d'ensemble ou évolution des personnages. Ce qui aurait été le minimum, quitte à ne pas avoir de raison à ce changement.
Bon, et sinon je pourrais aussi parler de quelques touches d'humour qui sont parfois assez mal venues. Mais je préfère vous dire que les décors sont plutôt bien reconstitués, et qu'il ne prend pas parti pour un camp ou un autre. L'ambiance est assez plaisante. C'est donc d'autant plus dommage que tout ceci soit gâché par une mise en scène hasardeuse. D'autant plus que Su Ae y donne de sa voix et qu'elle n'y est pas mauvaise.
Que de talent gâché
Mais que fait donc Lee Jun-Ik. Ses deux derniers films (Radio Star et Happy Life) étaient excellents et on se disait que le réalisateur avait trouvé son créneau en filmant des oeuvres musicale. Évidemment, il ne va pas faire ça toute sa vie et il est normal de changer un peu les styles. Dans Sunny, il garde le coté musical, mais l'emploi dans un contexte plus fort : la guerre du Vietnam et les militaires coréens envoyés là-bas pour soutenir les forces américaines. Hors, une femme est sermonnée constamment par sa belle-mère parce qu'elle ne va pas assez voir son mari au service militaire ; parti au Vietnam, c'est devenu complètement impossible mais, étant soumise à sa belle famille, elle se voit contrainte de suivre les traces de son mari et de partir vers le pays en guerre. Hors, elle n'a qu'un moyen d'y parvenir : utiliser ses talents de chanteuse dans un groupes de musique pour remonter le moral des troupes. Une fois sur place, elle doit retrouver la trace de son mari, ce qui n'est pas du tout évident. Elle sera amenée petit à petit à faire des choses qu'elle répugne afin d'arriver à son but.
En langage simple et grossier, il s'agit de prendre une campagnarde innocente et fidèle et la transformer en véritable salope. Tout le film est concentré sur sa personne et les autres ne sont plus que des faire-valoirs qui intéragissent avec elle sans vraiment l'influencer. Mis à part le chef du groupe dont les décisions importent pour la suite des événements, tout le monde ne fait que suivre la danse. Malheureusement, tout ce qui aurait dû être intéressant est mal rapporté ; les changements de personnalité sont quasi-inexistants, et mis à part des coups d'humeurs, on ne sent rien dans les actes de Sunny qui montre qu'elle doit changer pour arriver au bout. Et c'est la raison pour laquelle la scène qui devrait être la plus bouleversante semble complètement hors-cadre : le changement est trop radical et n'apparaît pas crédible.
Outre cette intrigue à la Soldat Ryan pour le moins bancale, il faut reconnaître que la capacité de Lee Jun-Ik à filmer des scènes de guerre, guerillas et champs de bataille est plus qu'honnête. Bons angles, logique dans les raccords, absence de sur-dramatisation ; de vrais scènes de guerre en somme. Lee Jun-Ik a cherché à filmer la guerre du Vietnam et l'engagement de la Corée dans cette guerre qui ne les concernait pas (d'ailleurs le dialogue avec les vietcongs est intéressant pour son cynisme), mais à ce titre, non seulement il apparaît vraiment fade, mais il est complètement déclassé par le White Bagde de Jeong Ji-Yeong (1992) qui, sans être un chef d'oeuvre, est poignant et raconte quelque chose.
En attendant, on peut toujours se réjouir de l'interprétation de Su Ae, et on espère un jour voir enfin l'adaptation de l'Ombre des armes, de Hwang Sok-Yong (roman disponible en français).
08 décembre 2008
par
Elise