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Les Enfants d'Hiroshima
les avis de Cinemasie
1 critiques: 4.25/5
vos avis
8 critiques: 3.53/5
un magnifique témoignage
Bien sur, le film de Shindo Kaneto se suffit à lui-meme et n'a pas besoin que l'on rappelle son contexte historique de sortie pour émouvoir le spectateur. Mais le contexte historique de sortie du film n'est pas un contexte comme les autres. A cette époque, l'occupation américaine fait régner la censure sur le cinéma japonais, avaient banni toute mention d'Hiroshima et essayaient de trouver des justifications à ce massacre. Les Enfants d'Hiroshima fut le premier film à oser aborder le sujet et la première fois que les Japonais qui n'avaient pas vécu la bombe A avaient l'opportunité de découvrir l'horreur de ce qui s'était passé. Mais l'Union des Professeurs, commanditaire de ce film à succès et proche des Communistes, reprocha au film son manque d'engagement politique. Or c'est précisément cela qui fait le prix du film. Il s'agit d'une constatation quasi-documentaire de l'horreur de la bombe A et des vies humaines qu'elle a brisées qui n'a pas besoin de discours poltique pour l'appuyer. A cet égard, l'exposition est un modèle: la caméra parcourt des ruines et s'élève vers le haut pour encore montrer des ruines; suit dans un contraste saisissant un plan d'enfants insouciants filmés à distance comme si leur bonheur était factice. Ensuite, lors de l'arrivée en bateau de l'institutrice, Hiroshima est filmée toujours à l'aide de mouvements verticaux de caméras qui partent de la mer pour s'élever vers une ville en apparence comme les autres. Mais l'entrée révèle très vite l'envers du décor: la tombe des parents de l'institutrice en plein milieu de la dévastation, les habitations endommagées, le bruit évocateur des raids aériens. L'évocation du bombardement est courte mais saisissante: explosion, hommes et femmes en sang, homme devenant fumée suite à la bombe A, tout cela ponctué d'airs d'opéra tragique.
La recherche d'élèves survivants va amener l'institutrice à une série de rencontres qui la bouleverseront et où quel que soit le tragique des circonstances l'humanisme triomphera: une femme rendue stérile par la bombe A qui décidera de consacrer sa vie aux enfants, un homme qui mourra subitement mais heureux, un homme qui tient sa promesse d'épouser celle qui l'aime meme si la bombe l'a estropiée, un gamin toujours attaché à son grand-père défiguré et qui refuse de le quitter malgré les injonctions répétées de ce dernier. Ce meme grand-père priera tous les jours afin que l'horreur ne se reproduise plus jamais. Car le souvenir de cette explosion créatrice de malades, d'orphelins, d'infirmes, de drames familiaux lui est insupportable au point qu'il tentera au final de se suicider comme pour envoyer à son petit-fils récalcitrant un message d'incitation à quitter les lieux du massacre. Le maitre mot de la mise en scène semble etre dignité. Rien n'est fait pour susciter l'émotion facile. En se mettant à distance des personnages, la caméra la rend plus intense. Les cadrages et les mouvements de caméra sont simples et pleins de retenue. Ce désir de non-dramatisation d'une situation, ce refus du pathétique se retrouve dans le jeu d'acteurs aux émotions visibles mais retenues. Les personnages choisissent de rester debout malgré tout.
Des années après, les Enfants d'Hiroshima tient aussi toujours debout par son choix de rendre compte avec simplicité et spontanéité d'un grand traumatisme de l'histoire du Japon. En cela, il annonce de par ses qualités la Nouvelle Vague japonaise des années 60 dont Shindo sera d'ailleurs un des réalisateurs-phares.
La mort des pauvres
Ce que Shindo retient principalement de l'après-Hiroshima, ce n'est pas tant l'aspect sanitaire, humanitaire, mais surtout la dimension sociale de ce drame, la misère morale et physique qu'elle engendre chez les gens à qui tout a été ravi. Il ne s'agit pas de la vie de la campagne, calme et sereine, d'Imamura dans Pluie noire, ou de la méditation sur le sens du drame (Kurosawa), mais à travers le recit de la mort de ces miséreux, c'est la mort des pauvres que Shinoda met en scène. Dans le fond, il ne s'agit que très peu de la bombe en elle-même dans Les enfants d'Hiroshima, mais bien du paysage socialement sinistré qu'elle a créé par son passage, et les réprouvés qui y croupissent.
Ces vies, Shindo les met en scène avec la dignité et la sensibilité presqu'inouïe qui explosera dans son chef d'oeuvre L'île nue. La retenue puissante avec laquelle il peint la vie quotidienne, l'espoir, le désespoir, la maladie, l'amour, la mort finalement de ces gens qui n'ont que leur dignité force un respect immédiat pour l'oeuvre de Shindo qui a aucun moment ne tombe dans la putasserie d'un pathos démonstratif et facile. La beauté directe de la photo n'est certes pas à un degré de performance égale à Hadaka no shima mais insuffle à ce film un respiration tranquille et douce qui transpire de toute la compassion et de toute l'humanité d'un réalisateur qui a toujours été à l'écoute de la souffrance des plus humbles.
Hiroshima ma douleur.
LUI : Tu n'as rien vu à Hiroshima. Rien.
ELLE :J'ai tout vu. Tout... Ainsi l'hôpital je l'ai vu.J'en suis sûre. L'hôpital existe à Hiroshima. Comment aurais-je pu éviter de le voir ?
LUI : Tu n'as pas vu d'hôpital à Hiroshima. Tu n'a rien vu à Hiroshima...
ELLE : Je n'ai rien inventé.
LUI : Tu as tout inventé.