jeffy | 3.75 | Peu de choses suffisent parfois |
François | 3.75 | All About Ah Hey |
Alain | 4 | Le fabuleux destin d'Ah Hey |
Depuis plus de 10 ans qu'il officie comme réalisateur, Joe Ma a su s'imposer comme une figure importante de l'entertainment Hong-Kongais. Evidemment, on ne va pas le comparer artistiquement à un Tsui Hark ou un Johnnie To. Mais sa présence à un générique est un gage de qualité, même si son genre de prédilection (la pop-comédie) ne plaît pas à tout le monde. Disons que pour le fan, Joe Ma est un peu le Corey Yuen de la comédie. Et même s'il a fait beaucoup de comédies pures, il a aussi démontré qu'il pouvait aborder des sujets plus sérieux. Simplement le résultat n'était pas vraiment aussi efficace et convainquant que ses comédies. Avec Diva Ah Hey, il signe tout simplement son film le plus ambitieux, laissant de côté les effets un peu faciles de ses comédies à quiproquos pour tenter quelque chose d'à la fois léger et plus consistant, un film multi-couches sous ses apparats de pop-comedy.
Comme l'a très bien dit Alain, Diva Ah Hey fait immédiatemment penser au Fabuleux Destin d'Amélie Poulain. Le film français, célèbre jusqu'à Hong-Kong, a sûrement dû influencer Joe Ma. Les deux films partagent en effet un personnage principal qui essaye de répendre le bien autour de lui, et une certaine esthétique travaillée. Même si le grand frère français se montre assez clairement supérieur, il est surprenant et bienvenu de voir autant d'ambition chez un cinéaste assurément malin et talentueux dans son genre, mais rarement génial ou audacieux. Diva Ah Hey n'est pas parfait, il y a clairement des longueurs ou quelques passages faciles. Il ne faut pas s'attendre à un chef d'oeuvre du Septième Art. Mais compte tenu de son point de départ, on constate surtout qu'il y a ici un scénario nettement plus écrit que la moyenne pour un film de ce genre fait à Hong-Kong, ville même de la superficialité, notamment dans le milieu décrit ici, le show business. Joe Ma réalise donc ici une espèce de prouesse en faisant une pop-comedy qui ne joue pas que sur les apparences contrairement à son sujet même.
Qualité principale de ce scénario, une multitude de personnages tous suffisamment développés, chose plutôt rare à HK. Deuxième élément plutôt rare aussi, une interprétation de très grande qualité, et même pour les jeunes acteurs. Troisième qualité, une réalisation fort soignée, avec une photographie vraiment travaillée. Bien sûr, tout n'est pas parfait, loin de là, mais plutôt que d'être un grand film attendu et râté, Diva est tout simplement une excellente surprise.
Surprise en effet que ce scénario qui traite du milieu de la chanson à Hong-Kong à première vue, mais qui nous parle surtout des rêves de chacun et qui n'hésite pas à jeter un regard assez caustique sur l'entertainment Hong-Kongais. Bref, on peut le prendre comme un simple divertissement, mais on peut aussi écouter plus attentivement certains dialogues nettement plus écrits que d'habitude, et voir Hong-Kong sous un autre angle. Avouez que ça n'était pas acquis en regardant l'affiche quand même... J'attire votre attention sur le nom du scénariste, Matt Chow, déjà coupable des horreurs de superficialité qu'ont été les scénarios de Bullets Over Summer, Juliet in Love, Three: Going Home et Golden Chicken. Ses deux derniers scénarios sont la preuve éclatante qu'on peut faire une comédie qui sait aussi brosser un portrait intéressant de la culture de laquelle elle est issue. Cet homme sait apporter un peu de substance sans forcer non plus le message, en témoigne cette première scène assez étonnante où beaucoup diront certainement "qu'est-ce qu'elle joue mal" avant de comprendre que c'est en fait plutôt l'inverse... Il y a dans Diva tout comme dans Golden Chicken un vrai regard porté sur Hong-Kong qui ravira sûrement ceux qui s'intéressent à la ville autant qu'à son cinéma.
Pas vraiment de surprise par contre quand on regarde le casting et l'équipe, Joe Ma réunit du très solide pour justement rendre crédible à la fois les passages humoristiques mais aussi ceux plus sérieux. Exit les gentils garçons un peu limités comme Edison Chen ou les actrices sans personnalités. Le film confirme les espoirs misés sur Shawn Yu, très naturel en chauffeur taciturne, et Chapman To, hilarant dans un petit rôle d'acteur. Il est difficile de réunir de jeunes acteurs crédibles à Hong-Kong, Joe Ma ne s'est pas trompé ici. Du côté des filles, Niki Chow hérite d'un rôle un peu moins intéressant et ne s'en tire pas trop mal, alors que Charlene Choi confirme après My Wife is 18 qu'elle sait donner le change quand il s'agit de jouer une jeune fille pleine d'énergie.
Mais la vraie vedette du film, c'est Jordan Chan, acteur évidemment sous côté à Hong-Kong. Capable de jouer tous les types de personnages, il est ici excellent dans un rôle de manager caractériel. Cela faisait plusieurs films que le pauvre Jordan se voyait donné des rôles monolithiques ou bien intéressants mais dans des films plutôt ratés. Ici on se plaît enfin à le voir s'exprimer pleinement. Il y a de la nomination aux Hong-Kong Awards 2003 dans l'air, c'est moi qui vous le dis. N'oublions pas le toujours excellent Lam Suet, à nouveau parfait ici.
Alors même si les autres personnages ne sont pas tous aussi réussis ou aussi bien joués (Queenie fait un peu tâche ici avec un personnage trop cliché), si certains effets de réalisation sont de trop (quelques ralentis de moins n'auraient pas été de trop...), si le film accuse une baisse de rythme évidente par moment, on ne peut enlever à cette Diva son efficacité, la bonne humeur et les émotions qu'elle sait transmettre. Sans oublier les quelques audaces dont fait preuve ce film forcément attachant, pas si prévisible que ça pour un conte morderne, et les qualités techniques évidentes, avec une photographie de toute beauté (excellente utilisation des couleurs) et un dernier plan qui vient confirmer l'originalité du film. Dans le milieu de la cantopop, rares sont les chanteurs/chanteuses capables de sortir du lot et de donner un peu de fond à leur matériau. Si Diva Ah Hey était une chanteuse, elle ferait assurément parti du lot.
Après un début 2003 franchement peu palpitant vu la faible qualité de la fournée des comédies de nouvel an chinois, les choses sérieuses commencent enfin via ce nouvel opus du rarement décevant Joe Ma. Mais au lieu de fournir une redite de ses comédies sentimentales dont il a le secret, le voilà qu’il préfère se remettre en question, réévaluer ses désirs et la relation privilégiée qu’il entretient depuis longtemps avec son public hongkongais, quitter son costume de bouffon et plonger au plus profond des racines de son cinéma populaire pour en arriver à l’essence même, à savoir faire plaisir aux gens et qu’ils ressortent "meilleurs" d’un film : exactement ce qu’il fallait en ces temps difficiles et quoi de mieux que le domaine de la canto-pop et une trame vaguement héritée de Singing In The Rain avec Gene Kelly ? Mais au lieu de délivrer un divertissement pur jus, Joe Ma se lance avec son copain de scénariste Matt Chow (tous deux responsables des débuts de Wilson Yip entre autres…) dans un projet bien plus personnel, sorte d’auto-psychanalyse de son cinéma, recherchant le juste milieu entre ses réalisations commerciales et ses productions indépendantes. Il faudrait d’ailleurs à ce point-ci évoquer le cas de Funeral March, première incursion de Joe Ma dans un sujet sérieux mais la sauce ne prenait pas, l’univers trop mélodramatique collant mal avec son univers personnel : Diva Ah Hey se positionnant plutôt en équilibre instable via sa chronique dramatique teintée de légères touches de comédies mais privilégiant en premier lieu l’attachement et le temps passé aux côtés des personnages, un compromis réussi mais qui ne manquera de désarçonner un public non-averti.
Comme tout bon conte de fée, Diva Ah Hey s’ouvre sur la vie supposée rude de son héroïne, poussant justement cette séquence d’ouverture à son paroxysme via une exagération mélodramatique dans le jeu de Charlene Choi, Joe Ma étant conscient du côté mélo propre à chaque conte, cette surenchère volontaire dès les premiers instants impose un vrai ultimatum au spectateur : il doit accepter cet univers surréaliste ou arrêter dès à présent le visionnage. Mais cette ouverture implante déjà la thématique du film via le père (excellent Lam Suet comme d’habitude) qui saborde son propre commerce de pêche pour nourrir une famille défavorisée. D’ailleurs, un petite parenthèse à propos de Charlene Choi en elle-même : c’est sans aucun doute avec ce métrage qu’elle s’impose vraiment comme actrice à part entière : portant déjà une bonne partie de l’œuvre sur ses épaules, elle montre un vrai plaisir à jouer toutes les situations possibles (du rire aux larmes, de la décontraction à l’intensité), se rapprochant de la fameuse séquence de King Of Comedy où Stephen Chow mimait toutes les séquences de cinéma imaginables. On pourrait sans trop d’erreurs avancer qu’Ah Hey et son père ne sont que l’alter-égo cinématographique de Joe Ma, ces deux personnages n’étant qu’un moyen intermédiaire de communication avec son public pour faire passer plus subtilement son message au-delà du conte de fée. Etant à la base un film sur le rêve, Joe Ma y introduit son contraire à savoir la désillusion car pour Ah Hey, son désir de devenir chanteuse se rapprochera plus du chemin de croix qu’autre chose et là est l’originalité du film, c’est qu’au lieu d’arriver à satisfaire son simple désir personnel, les leçons de son père lui feront comprendre qu’elle devra perpétuellement se sacrifier pour le bien des autres et non pour son propre bien. Même lorsqu’elle arrivera enfin à son but, son "quart d’heure de gloire", elle comprendra la vacuité de ses rêves, qu’elle n’est encore qu’une jeune fille innocente mais qu’en aidant les autres, elle s’est aidée elle-même et a grandi durant toute cette mésaventure….
Ce qui est énervant avec les bons films c’est qu’on voudrait que ça ne s’arrête jamais et les 99 minutes de métrage laissent parfois un goût de trop peu surtout quand on voit les 20 minutes de scènes coupées qui développent un peu plus certains personnages et relations, l’exercice des 2 heures de métrage étant périlleux dans le contexte hongkongais, il est vraiment dommage que le film ai été coupé ainsi pour avoir plus de chances commerciales. Mais quoiqu’il en soit, Diva Ah Hey garde toute son efficacité, magnifié qu’il est par la chanson-thème Next Station Tin Hau écrite par le toujours sympa Wyman Wong (qui a un petit rôle d’ingénieur son dans le film) qui devient rapidement addictive au même point que le Melody Fair de Just One Look. Mais surtout ce qui rend le film indispensable, c’est qu’il est parfois bien difficile de trouver un divertissement avec un tant soit peu de profondeur qui soit vraiment sincère et authentique dans ses sentiments : Joe Ma l’a fait et récompense définitivement son public via une superbe séquence finale où nos personnages passent de la réalité au dessin animé en signe de postérité et d’accomplissement. On rit, on pleure, c’est beau, c’est ça Diva Ah Hey…