Du brouillard et du beau
Le Brouillard, c’est un peu un cousin inégal mais pas inintéréssant de la modernité cinématographique florissante en Occident du temps de son élaboration. Il tente de belles choses mais se plante parfois en beauté. Le travail du film sur le son manque ainsi souvent d’un effort minimum d’élaboration pour vraiment fonctionner. Il ne fonctionne ainsi qu’à de rares moments du film. Quant à l’usage de la voix off par le film, il ne fait pas toujours dans le léger, ayant tendance à exprimer des choses assez évidentes dans le récit. Alors qu’un plan large sur le héros du film a surligné lourdement sa solitude, alors qu’on s’aperçoit très vite que le film est sur des rails thématiques antonioniens (solitude, ennui dans le couple…), pourquoi en rajouter là dessus dans la voix off ? Cette voix off donne aussi l’impression de lier les différentes parties du film de manière un peu forcée. Quant aux allers-retours temporels du film, le lien passé/présent qu’ils mettent en evidence est parfois trop direct pour que cela fonctionne de façon puissante. Et la transition entre une feuille de papier roulée comme un haut parleur et le haut parleur est assez maladroite.
A l’actif du film, on mettra néanmoins une mise en scène épousant parfaitement la légèreté diffuse du brouillard du film et fonctionnant sans chercher la virtosité ou la précision millimétrée. Quelques plans larges réussissent à dégager leur petit pouvoir hypnotiques sans faire dans le pictural. Et cerise sur le gâteau: un passage chanté rafraichissant un peu comme si un artisan du cinéma de genre nippon sixties avait pris en otage l’Avventura le temps d’une séquence. La fin du film offre un bel usage de la caméra subjective. La découverte d’un corps de femme mort, une scène d’amour filmée en cadrages très rapprochés sont des moments de cinéma qui restent en mémoire après la projection. De même que ce plan d’ouverture fascinant où des fourmis émergent des pages d’un cahier ou cette séquence où le haut parleur parle au héros. Parfois lourd ou maladroit, parfois ennuyeux, ce Brouillard contient néanmoins assez de choses intéréssantes pour laisser une trace durable après le visionnage. Et confirme dans un registre différent le talent entrevu dans Seaside Village du même Kim Su Yong.
Il s'agit d'un film tentant de se faire une place dans le cinéma mondial de l'époque, mais qui en s'inspirant surtout de ce qui se faisait en Europe au même moment se noie justement dans la masse de la production à tendance Nouvelle Vague. Pas beaucoup d'originalité donc dans son histoire, ni vraiment dans sa mise en forme, malgré quelques petits moments d'ingéniosité.