Enervant !
Après le très creux mais impressionnant visuellement "Blood the Last Vampire", voilà un nouvel élément censé approfondir l’univers Blood. C’est donc à grand coup de "seule une vision complète du cycle de Saya" que l’on nous vend cette deuxième pièce de puzzle en nous annonçant au passage la disponibilité du livre écrit pas Oshii. Il ne manque que le jeu et théoriquement nous serions en mesure de tout comprendre grâce aux réponses "savamment distillées" au travers de ces 4 supports. Concept qui n'est d’ailleurs pas si original que ça puisque Blair Witch Project avait commencé sa vie sur un site web un an avant le film et des livres avaient pris la suite.
Dans le cas de Blood, certes le film avait laissé des questions en suspens telles que : qui est Saya ? Quel est le contexte de l’histoire ? Le manque de réponse m’avait d'ailleurs amené à qualifier le film de vide. Sans espoir particulier mais pas encore complètement hermétique à cet univers, j’ai tout de même acheté le manga. Sait-on jamais, une révélation au détour d’une page aurait pu tout changer de ma vision des choses et j'aurai fini par trouver ça vraiment tripant et stimulant comme Noise et Blame (bien que ce dernier est d'office intrigant et force à la réflexion contrairement à Blood film).
Premier point négatif : le dessin. On lui pardonnera facilement le côté très scolaire du découpage de l’action qui manque malgré tout d'une certaine maîtrise. Bien sûr il y a toujours pire mais dès qu’il s’agit de courir, de distribuer des coups de pied ou de donner une impression de mouvement dans un combat, je trouve que systématiquement il manque quelque chose pour y croire. Saya devient encore plus moche (pourtant quels yeux ! ), les proportions se perdent et on a trop souvent l’impression que les personnages prennent la pose. Et ce ne sont pas les multiples traits censés donner l'impression de rapidité qui arrivent à créer une quelconque illusion. Par ailleurs, la réputation des vampires étant généralement d’être sulfureux et doté d'une charge érotique particulière, l’auteur a voulu jouer sur ce plan en gratifiant le lecteur de scènes d’amour lesbien qui sont très loin d’être excitantes. Au contraire, elles sont particulièrement sans saveur, vulgaires et racoleuses. Je n’ai toujours pas compris non plus l’intérêt qu'a Maya de se balader tout le temps à poil. Ça n’apporte strictement rien à l’histoire et, de plus, la demoiselle étant complètement anorexique, il n’y a aucun plaisir à la voir évoluer en si petite tenue. Pourtant elle a l'air de bien se nourrir avec son "harem" mais ça ne suffit pas visiblement.
Arrêtons là pour le dessin qui n'est pas convaincant pour un sou et passons au scénario qui est malheureusement bien loin de relever le niveau. Après la Saya forte de caractère du film (ce qui etait agréable), voilà la Saya qui doute. Heureusement que sa décision finale joue en sa faveur car le reste du temps on a bien du mal à compatir. De là à dire que je n'en ai rien à faire de ses cas de conscience, il n'y a qu'un pas que je franchis allégrement. Et en dehors d'une vague réflexion sur le danger des sectes vis à vis des personnages en détresse psychologique comme le troisième personnage féminin de l'histoire, Akiko, il n'y a pas grand chose à tirer de l'histoire. Je ne suis pas sûre que ce sujet de réflexion était voulu par l'auteur mais il faut bien s'occuper quand il ne se passe rien d'intéressant où tout du moins quelque chose qui pourrait réveiller un minimum l'esprit du lecteur. Les réponses aux questions que l'on nous fournit peuvent être résumées en deux lignes grand maximum et ça apporte tellement peu à l'histoire que si le reste des réponses dans le jeu et le livre sont du même acabit, j'arrête les frais tout de suite et je vais relire pour la énième fois Dracula de Bram Stocker ou les Chroniques des Vampires d'Anne Rice. Là au moins, il y a matière à réfléchir, de l'érotisme, du vrai et une histoire autrement plus complexe avec des personnages à la psychologie développée.
Décevant
Et pourtant, après avoir lu la petite bafouille en fin de manga en librairie, Réflexions sur Saya et les Chiroptériens, je m'étais laissé tenté par l'achat de ce manga. Si le dessin, plutôt quelconque sans être désagréable, m'avait fait hésiter dans un premier temps , les promesses distillées par ces notes quant à la densité de l'intrigue ont finalement motivé l'acte d'achat. Tout faux.
Je dois dire que ma déception est d'abord venue, avant lecture et après achat, après avoir appris que ce manga ne comportait qu'un seul tome. Rognondudjiu ! Parce que ça change tout ça.
Déductions d'avant lecture : étant donné qu'un manga comporte en général beaucoup de pages mais peu de texte en comparaison et Blood se situant dans la moyenne d'une narration typique du manga (racontage par l'image plus que par le textage), alors Blood ne possède pas le nombre de pages nécessaires pour déployer une intrigue qui compense les faiblesses du dessins (voir page 38 et le grossier défaut de positionnement de la jambe de Saya). Faiblesses d'éxécution graphique d'autant plus préjudiciables lorsqu'on compare le manga à l'anime (merci le chara-design de Saya par Katsuya TERADA).
Donc niveau dessin c'est pas vraiment ça sans être catastrophique. Le scénario c'est pas vraiment ça non plus (voyez la critique de ma collègue de bureau sur cette même page pour plus détails sur cet aspect). La longueur du manga ça le fait pas itou. Reste pas grand chose finalement. Dommage car le personnage de Saya tel qu'il apparaît dans l'anime appelait un prolongement. Un complément de scénario qui est expédie dans le manga en quelques planches lapidaires à la fin (nous, les chiroptériens, Saya, les Men in Black...), ou comment gâcher une idée intéressante (vampires, manipulations biologiques et théorie du complot) en 5 planches.
Reste finalement une bonne chose en guise de certitude après lecture de Blood : Oshii aura du mal à faire moins bien avec son roman.
Un pale resucée du film...
... qui perd tout ce qui faisait la force de ce dernier, à savoir la création d'une atmosphère et d'une esthétique qui servaient une idée simpliste au yeux de certains, mais qui doit être perçue uniquement pour ce que sa forme génère, et non pas par la profondeur de son message. Le scénar est fouillis et ne parvient pas vraiment à émerger, mise à part la conclusion somme toute assez trippante. Niveau graphique, c'est très moyen ; le character design perd énormément, les persos secondaires sont faibles et Saya dégage bien moins de puissance que son alter ego animée. Les bastons sont ridicules (pitié pour le passage du bahut...), la scène d'orgie pathétique... 'fin bref, on se retrouve devant l'énième adaptation vaguement pourrie d'un anime à succès...