Yann K | 3.5 | Maladroit, mais un grand sujet et des moments intenses qui confirment un talent... |
Elise | 1 | Ennuyeux et pathétique |
Aurélien | 2.25 | Trop de longueurs inutiles... |
Beastie Boys est assurément un film imparfait, voire raté, en tout cas qui manque d'être le grand film qu'il devrait être. Il pèche par un premier défaut énervant : trop long. D'autant plus énervant que c'était le même défaut dans The Unforgiven et une plaie de tout film asiatique récent. "Recherche producteur avec un peu de couilles pour dire à réalisateur trop prétentieux que son film est bien, mais bon, faut couper un peu pour tenir sous les deux heures, ok?" C'est pas difficile, quand même, et déjà énorme, non, 2h? Parce que les minutes en plus, elles pèsent fortement sur Beastie Boys. L'autre défaut dans la narration est le manque de renouvellement et de progression des situations, un rythme mal gérée sur la longueur, qui donc est déjà trop étirée.
Mais Beastie Boys est pourtant assurément, ça et là, un film qui marque.
Il confirme en effet que Yun Jong-Bin aborde des sujets que ne veut pas traiter le reste du cinéma asiatique, voire mondial. The Unforgiven se retrouvait être le premier film à parler de ce qui se passe vraiment dans les casernes pendant le service et ses conséquences sur la notion de "virilité". Beastie Boys reprend un peu les personnages de The Unforgiven pour en faire des gigolos. Des beaux mecs virils, mais également encore des enfants.
Yun Jong-Bin porte sur les hommes un regard unique, à la fois fasciné et compatissant, les rendant tantôt impressionnants de violence tantôt bouleversant de fragilité. Ces gigolos sont mis en face de call-girls, de filles faciles de karaokés glauques, et Beastie Boys raconte alors ce qui n'avait étonnement jamais été raconté aussi simplement : une histoire d'amour entre deux putes. "Pute" parce que quelle que soit le détail, qu'on couche ou pas, et même le métier, gigolo, vendeur, secrétaire, vous, moi, on fait la put. Le film dépasse largement la peinture d'un microcosme.
"Histoire d'amour", c'est pour résumer parce que justement, d'amour il n'en est pas trop question. Le fond de Beastie Boys est d'une noirceur absolue. Le film dépeint des solitudes dans un monde sans morale, puisque maintenant la morale s'achète, se vend au kilo ou se jette comme un kleenex le temps de se taper une pute. La force du propos est qu'il dépeint ces relations dans toute leurs complexité et finit par rendre chacun des personnages très humains, très réel.
Beastie Boys fait également partie de ces quelques films, maintenant en Corée, à parler d'une véritable obsession de l'argent : My Generation, My Dear Ennemy ou Breathless mettent enfin sur la table les vrais billets, pas ceux de la mafia, mais ceux du coréen de base, les quelques milliers de wons qui manquent, qu'on a en dette et qu'on gagne de façon minable. Ici on compte, on compare, on ausculte la gangrène du système capitaliste.
Yun Jong-Bin a donc une ambition rare et à suivre absolument. Il cherche également une forme presque parfaite, entre le spleen de Millenium Mambo, le réalisme cru de Hong Sang-soo et la stylisation du film noir. Parfois, il y arrive et offre alors des plans séquences d'une intensité incroyable, des face à face d'acteurs suffocants. Un coup de couteau dans un couloir à la fin d'une discussion et l'agonie qui suit, filmés en un seul plan, parait alors d'une violence rarement vue.
Enfin Yun Jong-Bin avait révélé Ha Jeong-wu, devenue petite star en quelques mois, il lui offre ici un rôle en or. Le film nous rappelle enfin le magnétisme de certaines actrices coréennes, ici une Yun Jin-seo qu'on ne connaissait pas (mais a démarré chez Park Chan-wook ou Im Kwon-taek). Elle apparaît en femme fatale du 21ème siècle, de celles qui semblent maîtres de tout mais n'ont plus aucun code, aucun objectif, juste un manuel de survie animale dans un monde carnivore.