Long à la détente et parfois moyennement fait. Mais des moments forts
Si ce film de Gosha Hideo peut dérouter à la première approche, notamment parce qu'il représente l'un des derniers films de sabre de son auteur, film de sabre au sens "classique" comme on connaît chez Kurosawa, Misumi ou Kobayashi, il parvient néanmoins à être captivant malgré une première heure bien trop lente pour asseoir un quelconque statut de grand film de Gosha. Néanmoins, Gosha ne perd pas sa veine critique du régime féodal, ni même celle méprisant les nobles qui s'enrichissent sur le dos des gens qu'importe la manière. Gosha peint alors une toile désenchantée, réaliste et sans véritable parti pris d'une époque où les bandits affrontaient les samouraïs comme son nom l'indique ici, et le style de Gosha explose une fois de plus même si l'on sent une certaine fébrilité. Il y a d'abord l'absence d'une véritable équipe soudée, celle de l'époque Morita Fujio/Nishioka Yoshinobu/Sato Masaru amorcée avec son chef d'oeuvre du chambara Hitokiri et qui se perpétuera à l'avenir avec ses mélodrames en costumes et ses films de sabre "pop" durant les années 80. En résulte alors une réalisation certes de qualité, mais pas aussi inspirée que ses futures oeuvres, et surtout plombée par un montage parfois très mauvais avec de véritables coupes que l'on pouvait encaisser chez Suzuki Seijun mais qui ici lorgnent trop du côté d'un film de sabre en toc à la Suzuki Norifumi. Le terme "bis" ne serait sûrement guère approprié, mais on en est pas loin. A ce stade, le score de Kanno n'est pas aussi inspiré que celui d'un Sato Masaru notamment parce qu'il pousse à l'extrême les bruitages quitte à les rendre particulièrement farfelus et trop "bis" pour un film de cette trempe, surtout signé Gosha. Les zouiiic, splash et bluurp s'enchaînent au rythme des coups d'épée provoqués lors des combats particulièrement gores bien mis à la mode par la profusion de films d'exploitation et dont Gosha avait poussé le genre à son paroxysme avec Hitokiri avec les geysers de sang et les chorégraphies d'une brutalité hors du commun. Il semble d'ailleurs que Bandits contre Samouraïs s'embourbe rapidement dans la difficulté parce qu'il est sans doute trop écrit, pas assez libre comme pouvaient l'être ses meilleurs films de sabre ou autres jidaigeki plus violents.
Le personnage de Nakadai, superbe de lenteur réfléchie est l'opposé même de ce qu'il sera plus tard, toujours chez Gosha, dans le superbe Onimasa où il campait le rôle d'un chef de gang halluciné et hallucinant. Mais si dans Onimasa Nakadai jouait plus dans le registre du pathétique et de l'excentrique, ici son personnage paraît bien plus inquiétant car justement, réfléchi et à la limite du transparent. Dans la dernière demi-heure où celui-ci réapparaît comme d'entre les morts évoque une certaine idée du cinéma d'épouvante spectral avec ses samouraïs fantômes qui reviennent sur les lieux du crime pour évincer tous les prétendants à la prospérité injustement gagnée. Dans son armure noire, Nakadai fiche juste les jetons et au film de nous laisser dans le doute avec cet ultime plan où ce dernier revêt les habits de celui qui a été exécuté à sa place. S'il n'est pas un immense film, Bandits contre Samouraïs ravira les amateurs de jidaigeki très écrit, lent et aux filatures et rebondissements bien sentis. Il manque peut-être un esprit, une touche de fantaisie dans cette entreprise pour paraître définitive, mais les quelques 2h35 passent rapidement une fois la "première partie" terminée.
Fin de Sérial
En 1978, la "décadence" du jidaigeki et l'explosion du cinéma indépendant consécutif à la Nouvelle Vague font que la crise du système de studios nippon des années 80 semble déjà pointer le bout de son nez. On peut dès lors sentir dans ce Bandit contre Samourais un parfum de fin d'époque tant le film semble faire le bilan de 20 ans de remise en cause du jidaigeki classique dans le cinéma japonais. A l'instar des Loups ou de Quartier Violent, le film montre une mise en scène d'un Gosha au sommet de son art, en particulier de l'impressionnante scène d'ouverture et des deux combats au sabre de fin de film. Le casting rassemble quelques unes des figures marquantes du jidaigeki sixties (Nakadai Tatsuya, Tanba Tetsuro, Iwashita Shima, Natsuyagi Isao) avec comme cerise sur le gateau un cameo de l'acteur fétiche de Suzuki Seijun Shishido Jo. Le script creuse quant à lui le thème classique du cinéma de Gosha de la rébellion d'un homme contre son propre clan mais offre également un tableau d'un monde où les apparences sont trompeuses, d'une féodalité déclinante et enfin déploie le thème classique du film noir de la griffe du passé rattrappant ses personnages. A ces thèmes-phares du jidaigeki des "années de doute" s'ajoute dans les combats une violence exagérée faisant écho à la dérive exploitationniste du chambara au début des années 70. Malgré toutes ces qualités auxquelles s'ajoute un score excellent, le film souffre d'un script dont la volonté sérialesque fait le charme et la limite: la multiplication des personnages et des péripéties fait que le scénario a parfois tendance à etre embrouillé, en particulier dans une première partie en forme de mise en place laborieuse pour cette raison. Beau film de fin d'époque à défaut d'etre un très grand Gosha...
Des coups dans l'eau
Une fois de plus, c'est avant tout la parfaite maîtrise de la mise en scène de Gosha, qui épate – et qui fait d'autant plus plaisir à ce que ce "Bandits vs. Samurais" n'est – ni plus, ni moins – qu'un parfait film d'exploitation avec tous les codes inhérents au genre. Au-delà, il mêle également des très grands moments de combats, des personnages hauts en couleurs et des duels au sabre dantesques.
Dommage seulement, que l'intrigue soit tellement confuse, le premier tiers totalement incompréhensible et la fin surajoutée par rapport à une intrigue bien plus simpliste.
Reste le plaisir d'un casting 4 étoiles, de l'audacieuse mise en scène et de quelques scènes franchement spectaculaires pour un film trop brouillon pour totalement convaincre.
Plaisant mais inconsistant...
Comme l'a très bien exprimé Ordell, le film jouit à la fois d'une perfection formelle et d'un grand souci du rythme: au final, 2h30 passent sans que l'on s'en appercoive tant les péripéties s'enchainent sans que l'on ait le temps de s'ennuyer. Plein d'une "belle" violence le film offre un beau spectacle, mais malheureusement un spectacle un peu vain.
Dans sa volonté de multiplier les personnages, les traits narratifs, Gosha s'emmêle les pinceaux et livre au final un film confu et manquant de liant. Cela est surtout vrai pour les 45 premières minutes du film, particulièrement brouillonnes. Et même si cela se rétablit par la suite, le script ne sera jamais une merveille de rigueur. Le nombre des personnages empèche d'accrocher à aucun et de ce fait le film perd énormément en intensité dramatique (là où Fukasaku réussissait dans Shogun's Samurai à maintenir la puissance émotionnelle de son film malgré la pléthore de personnages secondaires).
Doù ce regret où l'on se trouve en voyant ce film qui, s'il avait joui d'un scénario plus rigoureux et moins "compilateur", aurait pu être un tout grand film, tant ce film porte la marque d'une parfaite maitrise technique.