Les années 90 ont vu le cinéma de Hong-Kong vivre des premières années florissantes avec une production importante et de qualité. Mais les cinq dernières années de la décennie ont été nettement moins bonnes, marquées par une baisse certaine de la qualité et par une chute des entrées en salle pour la production locale. Le piratage a lui aussi porté un coup assez rude à l'industrie locale.
Et plus encore que tous les autres genres, les films de kung-fu ou plus généralement d'arts martiaux, ont le plus souffert de cette crise. Au début des années 90, Tsui Hark avait réussi à ré-insuffler un peu de vie dans un genre maltraité par les polars et autres films de hero à la John Woo. Des films comme les Il Etait une fois en Chine, Dragon Inn, et le Drunken Master II de Jackie Chan et Liu Chia-Liang portaient alors le genre à des sommets. Mais depuis, c'est la dégringolade
Jet Li, probablement le plus grand artiste martial actuel, star de la trilogie
Shaolin réalisée par Liu Chia Liang dans les années
80 et de quatre des Il était un fois en Chine dans les années
90, ou encore de Fist of Legend, remake de
Tsui Hark, un des plus grands réalisateurs au monde, producteur
de grande influence à Hong-Kong, responsable du renouveau de plusieurs
courants lors des années 80 et 90: parti aux USA dont il est vite
revenu. Depuis, plus de films, jusqu'à cette année (voir plus
bas)
Chiu Man Cheuk, jeune acteur très prometteur, vu dans deux Il Etait une fois en Chine ainsi que dans Fong Sai Yuk, The Blade et la série TV sur Wong Fei Hong dirigée par Daniel Lee: tourne pour Wong Jing (sic) dans le prestigieux Body Weapon (re sic) avant de revenir cette année avec une autre production Wong Jing , Fist-quelquechose, qui sombre dans les limbes du box office (sic final...)
Brigitte Lin, grande figure des films de sabres, de Zu les guerriers de la montagne magique à The New Dragon Inn en passant par The Bride with White Hair et Ashes of Time a pris sa retraite en 1995, bien qu'on parle d'un éventuel retour.
Jackie Chan commence à se faire vieux (la cinquantaine est bientôt là...) et depuis Drunken Master II en 1994, il n'a plus fait de grand film de kung-fu. Sa carrière se partage maintenant entre Hong-Kong et les Etats-Unis.
Liu Chia-Liang, chorégraphe et réalisateur de génie est lui aussi en pré-retraite, et je n'ai pas entendu parler d'une nouvelle participation à un film. Yuen Woo-Ping, autre grand chorégraphe, est parti chorégraphier les combats de Keanu Reeves et Laurence Fishburne dans Matrix. Donnie Yen, autre artiste martial de grand talent, chorégraphie les combats de Highlander 4... Michelle Yeoh va faire la gentille espionne dans un James Bond...
Le film de kung-fu ou de sabre actuel à grand succès est marqué du sceau du trio Wong Jing (sic) Andrew Lau (sic) Ekin Cheng (sic mortel final). Apres le carton de The Stormriders, sympathique film-manga bourré d'effets speciaux, mais à dix mille kilometres d'un Il Etait une fois en Chine, la formule est ressortie tous les ans: A Man Called Hero l'année suivante, qui fait moins bien au box office, et The Duel cette année, qui doit rester dans les mêmes eaux. Restent quelques autres films mais qui ne font que de piètres résultats comme le dernier Chiu Man Cheuk...
Le problème des films du trio magique est que cette nouvelle forme de film martial doit faire se retourner Bruce Lee dans sa tombe et doit s'en faire rapprocher un peu plus Chang Cheh: le nom de Wong Jing se suffit à lui même comme critique, Andrew Lau me fait penser aux clippeurs americains qui tentent de faire du cinema (c'est joli mais c'est creux... seul David Fincher et Alex Proyas sont des cinéastes dans ce lot...) et Ekin Cheng n'aura jamais les capacités martiales d'un Jet Li et son charisme approche celui d'un parpaing... Les plans très courts et les effets spéciaux permettent de masquer les capacites limités des acteurs et les scénarii font du pseudo classique mais la coquille reste assez vide...
Autre gros ennui, si ces films remportent un succès certain, ce sont à peu près les seuls d'arts martiaux à ma connaissance et parmi les seuls tout court à sortir, alors que les polars et les films fantastiques à 2 euros 50 sortent par dizaine... Où sont passés les combats en apesanteur, les face à faces de légende et autres combats à 1 contre 20 ? Le cinéma des arts martiaux est-il vraiment mort ?
Il reste quelques raisons d'espérer, et il faut bien que j'en trouve, le constat serait un peu rude pour moi, il me faut du kung-fu... Du vrai de préférence... Donc espérons espérons:
Première raison d'espérer, les Etats-Unis. Mince alors, comment puis-je dire ça, alors qu'Hollywood a vampirisé le cinéma de Hong-Kong. Et bien ils ne peuvent pas faire tout mal non plus, une horloge arrêté donne bien la bonne heure deux fois par jour... Il y a peut-être des raisons de penser que le cinéma d'arts martiaux puisse être relancé des Etats-Unis, mais sous quelle forme, c'est le gros problème... Le succès récent de Matrix a montré que les combats façon kung-fu chinois peuvent intéresser les spectateurs et le succès de Romeo Must Die lance Jet Li sur le marché mondial d'une facon éclatante, avec des combats a priori plus chinois que ceux de l'Arme Fatale 4. Matrix 2 et 3 devraient continuer d'alimenter la machine. Donnie Yen a lui aussi signé pour 3 films, et on attend de voir Highlander 4 pour voir si son apport pourra sauver la série au bord du gouffre... Walt Disney commence à distribuer à prix attractif les Jet Li en DVD, et Warner semble voir en lui un vrai potentiel, que le succès mondial de Romeo Must Die conforterait.
On voit donc qu'un embryon de film d'arts martiaux à influence chinoise se développe aux USA et plutôt rapidement. Ma crainte principale est de voir des films comme l'Arme Fatale 4, bien sympathique mais avec des combats mal filmés et trop réalistes. Cependant, la bande annonce de Romeo Must Die laisse présager des combats un peu plus imaginatifs.
Autre raison d'espérer, la résistance s'organise à Hong-Kong et on verra probablement des films de meilleure qualité que la Stormriders family. Commençons par le grand retour de Tsui Hark, qui à mon avis est le seul capable de sauver le cinéma d'arts martiaux, par ses films ou ses productions. Les polars ne se portent pas trop mal grâce à Milkyway Image, la boite de prod de Johnnie To. Mais je n'imagine pas trop ces réalisateurs faire des kung-fu...
Ajoutons à cela que Chiu Man Cheuk n'est peut être pas encore perdu pour la science, qu'une suite à Black Mask est prévue, et que certains réalisateurs sont probablement à même de diriger de grands films martiaux. Je pense notamment à Daniel Lee, réalisateur de Black Mask et What Price Survival. Donnez lui Chiu Man Cheuk, un bon scénario et un bon chorégraphe, et voyons ce que cela pourrait donner. D'autres jeunes réalisateurs pourraient s'engouffrer dans la brèche, mais encore faut-il la créer. Tsui Hark, es-tu là ???